À travers notamment deux projets portés par L’Initiative et l’ONG vietnamienne SCDI, la lutte contre la tuberculose et le VIH s’étend aussi aux usagers de drogues. Focus sur Saving the future et Drive-TB.
Lancé en 2016 pour une durée de trois ans et un budget total de 860 000 € et porté par l’ONG vietnamienne SCDI, Saving the future est un projet visant les jeunes usagers de drogues de huit provinces du Viêt Nam. Le projet s’appuie sur le déploiement d’un ensemble de stratégies d’information et de communication, à destination des jeunes de moins de 20 ans, sur des problématiques liées à l’utilisation de drogues, à la santé sexuelle et reproductive et à la transmission du VIH, de l’hépatite C et des infections sexuellement transmissibles.
En trois années, le projet Saving the future a atteint plus de 10 000 jeunes usagers de drogues, dont 62 % ont été testés pour le VIH. Au niveau institutionnel, certains résultats du projet ont directement contribué à l’élaboration de directives nationales du ministère de la Santé vietnamien sur la prise en charge des problèmes de santé chez les jeunes usagers de drogues. En outre, en collaboration avec des partenaires institutionnels tels qu’ONUSIDA et USAID, SCDI a plaidé pour que le gouvernement finance la riposte au VIH et soutienne le rôle des organisations à base communautaire. Le projet a facilité les échanges autour des liens entre l’usage de drogues et l’infection par le VIH et autres pathologies. Les résultats ont incité certains bailleurs de fonds à augmenter leur soutien à des interventions clés pour une meilleure prise en compte de cette population. Ces dernières sont prévues dans les nouvelles demandes de financement au Fonds mondial.
Du projet Drive-In sur le VIH au projet Drive-TB sur la tuberculose
Le projet Drive-TB est porté par l’unité mixte de recherche (UMR) « Pathogenèse et contrôle des infections chroniques et émergentes » de l’Inserm et de l’université de Montpellier, en collaboration avec l’université d’Haïphong et l’ONG vietnamienne SCDI. Cofinancé par l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS MIE), ce projet vise à réduire la tuberculose chez les usagères et usagers de drogues injectables de la ville d’Haïphong, au Viêt Nam. « Drive-TB est dans la continuité du programme Drive-In qui visait à contrôler le VIH au sein de la même communauté », explique Nicolas Nagot, responsable opérationnel de ce projet au CHU de Montpellier. « Drive-In a permis un dépistage massif du VIH parmi les usagers de drogues injectables en trois vagues d’échantillonnages axés sur les répondants ».
Le projet Drive-In fut caractérisé par son fonctionnement basé sur le recrutement : les premières personnes échantillonnées démarchent à leur tour les autres usagers pour le dépistage et les réorientent vers des centres de santé gérés par des pairs (usagères et usagers, anciens ou actuels), formés par SCDI. Grâce à cette méthode qui touche de façon capillaire tout le réseau, environ deux tiers des usagères et usagers de drogues d’Haïphong ont ainsi été dépistés pour le VIH et orientés le cas échéant vers les services de santé adéquats pour une prise en charge. La même approche a par la suite été mise en place pour l’hépatite C, avec le même succès.
Les résultats de l’équipe de recherche ont cependant mis en avant un taux de mortalité toujours anormalement élevé dans la région, en raison de la tuberculose. Une étude transversale a révélé des taux d’incidence parmi les usagers de drogues vingt à cinquante fois supérieurs aux taux d’incidence moyens du Viêt Nam, pourtant l’un des pays les plus touchés du monde par la maladie. « Forts de notre expérience d’intervention communautaire, nous avons imaginé Drive-TB pour dépister à grande échelle la tuberculose », détaille Nicolas Nagot. Lancé en 2023, le programme prévoit quatre vagues d’échantillonnage pour couvrir un maximum d’usagers vietnamiens.
Le projet fonctionne via un questionnaire, rempli directement par les usagers de drogues, pour évaluer les symptômes de la tuberculose et éventuellement permettre une radiographie pulmonaire et l’accès à un dépistage de la tuberculose latente. Celles et ceux recevant un diagnostic de tuberculose active sont pris en charge par les acteurs et actrices de santé communautaires, tandis qu’un traitement préventif est prescrit aux personnes ayant une tuberculose latente. Enfin, le programme prévoit également d’identifier les cas contacts des personnes malades, grâce à la mobilisation des acteurs communautaires. Pour Nicolas Nagot, « le lien entre les pairs et les usagers pour le dépistage et l’accompagnement aux soins a fait ses preuves dans la riposte au VIH ». En renouvelant cette approche communautaire, Drive-TB a l’ambition de réduire drastiquement la transmission de la tuberculose parmi les usagers de drogues injectables d’Haïphong.