La riposte aux pandémies dans l’océan Indien, notamment à Madagascar
Face à la montée inquiétante de la prévalence du VIH, aux cas épidémiques de paludisme et à la persistance de la tuberculose, L’Initiative soutient le système de santé à Madagascar. Christophe Vanhecke, conseiller régional en Santé mondiale (CRSM) pour l’océan Indien, expose les principaux défis, la coordination régionale et l’apport clé de L’Initiative pour soutenir la santé mondiale et plus précisément la riposte aux pandémies.
En tant que CRSM, quel est votre rôle ?
Christophe Vanhecke : En tant que CRSM pour l’océan Indien basé à l’Ambassade de France à Antananarivo depuis novembre 2021, je porte la stratégie française en santé mondiale dans quatre pays : les Comores, Madagascar, Maurice et les Seychelles. Je promeus les investissements de la France en Santé — bilatéraux (Agence française de développement, Expertise France, Fonds Équipe France) et multilatéraux (Nations Unies, Fonds mondial, Gavi, Unitaid) — auprès des autorités nationales et des partenaires. Je veille à un dialogue constructif et transparent pour optimiser l’impact de chaque investissement et action.
A Madagascar, quels sont les défis sanitaires majeurs ?
Christophe Vanhecke : Le pays reste très vulnérable : selon un rapport de la Banque mondiale de 2023, 80,3 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et seuls 8 % souscrivent à une assurance santé. Les infrastructures sont vétustes, l’accès aux soins géographiquement et financièrement limité, les ruptures de médicaments fréquentes et le manque de personnels qualifiés criant.
Sur le front des pandémies, contrairement à certains pays de la sous-région où on recense une amélioration des indicateurs, le paludisme a franchi le seuil épidémique avec 2,8 millions de cas en 2023, la prévalence du VIH et des infections sexuellement transmissibles augmente, et la tuberculose reste endémique. Sans parler des épidémies récurrentes de peste ou de rougeole : le système de santé doit être à même de faire face à une charge infectieuse immense. La couverture santé universelle et la modernisation des centres de santé de base sont donc d’importance.
Comment L’Initiative soutient-elle la riposte ?
Christophe Vanhecke : Depuis la création de L’Initiative en 2011 et pour un montant total de près de 30 millions d’euros, Madagascar a été appuyé pour l’accès à la santé de toutes et tous et pour lutter contre les pandémies. Par un soutien ciblé, L’Initiative intervient en complémentarité avec les projets du Fonds mondial. Il y a une bonne collaboration avec le ministère de la Santé de Madagascar et un dialogue constant avec l’équipe du Fonds mondial.
VIH/IST, tuberculose, paludisme, droits et santé sexuels et reproductifs, cancer du col de l’utérus…: les projets de L’Initiative s’intègrent totalement dans le paysage local, agissent pour le renforcement des compétences des équipes du système de santé de la grande île. Cette remarque vaut au-delà de Madagascar, pour les 3 pays bénéficiaires du Fonds mondial dans la zone océan Indien. On note aussi, un appui important à la société civile et aux populations vulnérables dans les 3 pays.
En océan Indien, quelle est l’importance d’une réponse coordonnée contre les pandémies ?
Christophe Vanhecke : Lors du 20ᵉ colloque VIH de l’océan Indien, j’ai souligné l’importance de la coordination inter-îles : Comores, Réunion, Madagascar, Maurice et Mayotte partagent flux de patients, pratiques cliniques et expériences de recherche. Géographiquement et culturellement, ces îles sont très proches, d’où l’importance de la coordination et l’entraide entre elles. La Réunion dispose d’un CHU et des centres hospitaliers de référence régionale comme le Centre Hospitalier Ouest Réunion (CHOR). La coopération hospitalo‑universitaire, les échanges de protocoles et les formations croisées sont essentielles pour bâtir une riposte commune et efficace face aux pandémies au niveau régional.
La présence des hôpitaux réunionnais dans la région, avec l’expérience des praticiens, des techniques de dépistage et de suivi, des recherches scientifiques, est profitable pour étoffer cette coopération et renforcer les compétences dans les autres îles.
Quelle est l’importance d’un renforcement de capacités ?
Christophe Vanhecke : Pour toujours mieux lutter contre les pandémies, il faut un système de santé inclusif, des personnels de santé formés et des infrastructures adaptées. En complémentarité d’une cartographie des ressources humaines soutenue par l’Organisation mondiale de la Santé, la Banque mondiale et le ministère de la Santé de Madagascar, d’études médicales et paramédicales, L’Initiative finance un important projet ciblant les ressources humaines du pays.
Ce projet répond directement au manque criant de personnels formés : d’une part, des experts sont mis à disposition du ministère pour piloter la réforme des formations paramédicales ; d’autre part, deux régions pilotes bénéficient d’un Bureau régional de formation renforcé : cartographie des besoins, diagnostic organisationnel et plan de formation ; accompagnement à l’installation et au suivi des professionnels en zone isolée ; stages d’internat avec le CHU de La Réunion ; formation de 650 professionnels en exercice et de 85 jeunes internes. Cette approche holistique vise à ce que les hôpitaux et centres de santé de base disposent de ressources humaines qualifiées et soutenues, et que la couverture sanitaire évolue vers une réponse pérenne aux pandémies : VIH, paludisme, tuberculose, et bien au‑delà.
Quel message souhaitez-vous partager concernant la lutte contre les pandémies en océan Indien, notamment à Madagascar ?
Christophe Vanhecke : Le pays regorge d’initiatives et de projets en santé — ONG, coopérations bilatérales et hospitalo-universitaires, financements multilatéraux. C’est une action d’importance pour un pays où les défis en santé sont nombreux.
Il faut s’efforcer à un dialogue constructif et une action coordonnée. D’ores et déjà, L’Initiative a un rôle stratégique pour fédérer l’équipe France (Ambassade, Agence française de développement, Expertise France) et travailler main dans la main avec le ministère de la Santé du pays. C’est ce travail d’équipe – national, régional, international, qui fera la différence contre le VIH, la tuberculose, le paludisme et les autres maladies.