SUCCESS II : structurer une dynamique régionale pour renforcer la prévention du cancer du col en Afrique

Le déploiement du dépistage HPV dans les pays à ressources limitées ne dépend pas seulement des choix techniques : il repose sur la capacité des systèmes à organiser un parcours cohérent – prélèvement, transport, analyse, triage et traitement. En Afrique de l’Ouest et du centre, cette continuité reste fragile. Dans de nombreux pays, la mise en œuvre se heurte à des contraintes opérationnelles persistantes : capacités de laboratoire limitées, organisation irrégulière du transport des échantillons, hétérogénéité des modèles de triage, disponibilité variable du traitement et pertes de suivi après un test positif. À cela s’ajoutent des obstacles liés à l’intégration progressive du dépistage HPV dans les directives nationales et à la maîtrise encore inégale des techniques au sein des services et laboratoires.

Dans ce contexte, une dynamique régionale est indispensable pour éviter la multiplication de modèles incohérents et accélérer la consolidation des directives nationales. SUCCESS II apporte cette réponse en réunissant six pays francophones (Cameroun, Côte d’Ivoire, Bénin, Togo, Guinée, Burundi) autour d’un appui technique commun, centré sur trois leviers structurants : stabiliser les modèles de triage, renforcer les capacités de laboratoire et créer des espaces régionaux de convergence technique.

L’un des principaux obstacles au déploiement du dépistage HPV est l’hétérogénéité des modèles. Inspection visuelle pour détecter les lésions précancéreuses à l’œil nu, cytologie lorsque disponible, thermo-ablation immédiate: les approches varient fortement d’un pays à l’autre. Cet isolement technique complique la mise en œuvre cohérente du dépistage.

SUCCESS II appuie les ministères pour stabiliser des modèles compatibles avec les capacités nationales : délais de rendez-vous, disponibilité des supervisions, organisation de la colposcopie, charge de travail des équipes VIH et en santé reproductive. Lors des ateliers CoSav (communauté de pratiques et de savoirs), plusieurs pays ont par exemple constaté que la thermo-ablation était utilisée de manière inégale, faute d’indications clairement définies. Ce travail régional a permis d’harmoniser les critères d’éligibilité entre la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Bénin et le Togo, réduisant les risques de sur-traitement ou de renvois inadaptés vers la colposcopie. Cet alignement technique évite les ruptures de parcours et facilite l’intégration du dépistage dans les schémas existants.

La montée en charge du dépistage HPV met sous pression les plateformes existantes. SUCCESS II soutient les pays dans l’organisation du flux complet : qualité des prélèvements, transport vers les laboratoires, procédures opératoires standardisées, suivi des volumes, maintenance des équipements et gestion des consommables. Cet appui est mené en partenariat avec CHAI (Clinton Health Access Initiative), qui accompagne les pays dans l’évaluation des capacités, la projection des volumes et l’identification des goulets d’étranglement. Les analyses menées avec CHAI ont, par exemple, mis en évidence dans plusieurs pays des délais de 10 à 20 jours entre prélèvement et analyse, liés à l’absence de circuit de transport structuré.

SUCCESS II a soutenu la mise en place de circuits dédiés au Cameroun et en Côte d’Ivoire, permettant de réduire ces délais à 5–7 jours dans les zones appuyées, un progrès déterminant pour éviter les pertes de vue.

Droits Humains Ya Fohi Depistage Vih
Afrique Côte D'ivoire 1.lutte Contre Le Cancer Du Col De L'utérus Stratégie De Prévention Secondaire 23sanic513
En Côte d’Ivoire, des professionnelles de santé assurent des consultations de dépistage et de prévention du cancer du col de l’utérus.

La communauté de pratique CoSav, les sessions ECHO et les travaux menés avec les laboratoires offrent un cadre où les pays peuvent comparer leurs pratiques, identifier des blocages communs et aligner progressivement leurs modèles. CoSav réunit programmes nationaux, équipes VIH et laboratoires pour analyser des cas concrets et harmoniser les outils : registres, fiches de triage, formulaires de transport. C’est dans ce cadre que plusieurs pays ont identifié les limites d’un triage centralisé nécessitant plus de 30 km de déplacement, ce qui a conduit à la mise en place de modèles de triage décentralisés maintenant testés au Cameroun et au Bénin.

Les sessions ECHO, organisées à distance, permettent de traiter rapidement des questions opérationnelles – indications de la thermo-ablation, messages de counseling, gestion des prélèvements en zones chaudes. L’une d’elles a permis d’unifier les pratiques d’auto-prélèvement entre trois pays, en clarifiant le conditionnement et la conservation des échantillons. Cette dynamique réduit l’hétérogénéité des pratiques, améliore la qualité des données et accélère la révision des directives nationales.

Les premiers résultats montrent une amélioration de la cohérence des directives, une meilleure organisation du transport des échantillons, une utilisation plus rationnelle de la thermo-ablation et une montée en qualité du suivi clinique. La dynamique régionale permet ainsi de transformer des interventions nationales isolées en une riposte plus stable, techniquement alignée et soutenable.

SUCCESS II contribue, de manière structurée, à préparer les pays à étendre le dépistage HPV dans des conditions réalistes, en réduisant l’aléa technique et en sécurisant le parcours dépistage-triage-traitement. Cet appui régional constitue aujourd’hui un levier essentiel pour progresser vers les objectifs d’élimination du cancer du col dans la région et place Expertise France en champion de la lutte contre le cancer du col.