EnPRISE 4 — Pour une prise en charge pédiatrique du VIH plus humaine et globale
EnPRISE 4 prolonge une dynamique nationale en faveur des enfants et adolescents vivant avec le VIH au Sénégal. Après trois premières phases centrées sur l’accès au diagnostic et la décentralisation des soins pédiatriques, cette quatrième étape place au cœur de l’action le volet psychosocial — avec un focus particulier sur les adolescentes — et une recherche opérationnelle sur la transition vers le dolutégravir (DTG). L’objectif : conjuguer efficacité biomédicale et accompagnement social pour améliorer l’observance, la rétention et la santé globale des jeunes.
Pouvez-vous présenter brièvement le projet et son ambition ?
Mame Birame NIANG : Je suis Mame Birame NIANG, chef du projet EnPRISE 4. Nous visons à renforcer la prise en charge psychosociale des enfants et adolescents vivant avec le VIH, en tenant compte de leurs besoins spécifiques. Là où les phases précédentes ont posé des bases cliniques et logistiques, EnPRISE 4 ambitionne d’apporter l’accompagnement humain nécessaire pour que les gains médicaux se traduisent en vies meilleures.
Dr Karim DIOP : Je suis le Dr Karim Diop, secrétaire général du CRCF et coordonnateur du projet. EnPRISE 4 n’est pas une rupture, mais une montée en intensité : il complète la prise en charge médicale par des interventions psychosociales structurées et par une recherche qui évalue l’impact de la transition au DTG chez les jeunes.
EnPRISE 4 prolonge donc les phases 1 à 3, soutenues par L’Initiative – Expertise France, pouvez-vous l’expliciter ?
Mame Birame NIANG : EnPRISE 1 a permis d’élargir l’accès à la charge virale au niveau décentralisé — un tournant, car auparavant à peine 2 % des enfants y avaient accès. EnPRISE 2 a consolidé le suivi dans les régions Sud et Sud-Est, puis EnPRISE 3 a étendu la décentralisation à 9 régions : renforcement des pôles régionaux, plateau technique, formation du personnel. EnPRISE 4 applique ces acquis à l’échelle nationale (14 régions) et ajoute le volet psychosocial, l’autonomisation des acteurs locaux et une attention renforcée aux jeunes filles. Le projet cible 2 300 enfants et adolescents (0–19 ans).
Dr Karim DIOP : Ces étapes montrent une progression claire : d’abord, garantir le diagnostic et l’accès aux soins ; ensuite, structurer les compétences régionales ; enfin, compléter le soin par l’accompagnement social pour consolider les résultats virologiques et sociaux.
Quelles innovations concrètes apporte EnPRISE 4 ?
Dr Karim DIOP : L’innovation majeure est l’intégration systématique du psychosocial : éducation thérapeutique, processus d’annonce du statut, dispositifs de tutorat pour les orphelins, soutien socio-économique et remboursement des frais de transport. Nous menons aussi une étude opérationnelle sur la transition des traitements pédiatriques vers le DTG afin de mesurer l’impact clinique et les leviers d’adhésion.
Mame Birame NIANG : Nous incorporons en outre des mesures spécifiques pour les adolescentes : kits d’hygiène, formations en santé sexuelle et reproductive, soutien à la scolarisation et prise en charge des frais d’inscription ou de formation professionnelle pour réduire la vulnérabilité économique.
Le DTG est un espoir pour les enfants et adolescents, pourquoi ?
Dr Karim DIOP : Le dolutégravir est une molécule recommandée par l’OMS pour son efficacité, sa tolérance et sa barrière élevée à la résistance. Pour les jeunes, il offre une suppression virale plus rapide et durable, ce qui est crucial quand l’adhésion est parfois fragile. Notre étude sur la transition au DTG vise à documenter ces bénéfices et à anticiper les contraintes (logistique, approvisionnement, accompagnement à la transition).
Mame Birame NIANG : L’enjeu est double : améliorer les résultats cliniques et lever les barrières d’accès — financières et géographiques — qui empêchent les enfants en zones difficiles d’accès d’en bénéficier.
Quelles preuves d’impact et quelles premières données pouvez-vous nous partager ?
Mame Birame NIANG : EnPRISE 3 a permis d’accompagner 1 611 enfants et de former 596 acteurs de santé. Neuf pôles régionaux de référence ont été créés et gèrent désormais la réponse pédiatrique au niveau régional — une base solide pour atteindre plus largement les objectifs des 3×95.
Dr Karim DIOP : Lors des lancements régionaux, l’accueil a montré que l’approche psychosociale répond à une attente forte : écoles, services sociaux et parents veulent que l’enfant vivant avec le VIH puisse étudier et grandir sans stigmatisation. Concrètement, les mesures de remboursement des transports et le tutorat sont attendus pour améliorer la rétention.
Sur le plan opérationnel, quelles étapes sont prévues dans les prochaines mois ?
Dr Karim DIOP : À court terme, nous organisons la formation des formateurs qui précédera les sessions régionales. L’objectif est d’avoir des relais formés dans chaque région.
Mame Birame NIANG : Avec le cadrage bouclé, nous déployons progressivement les activités locales : groupes de parole, processus d’annonce, tutorat et dispositifs d’appui socio-économique. L’appropriation par les acteurs locaux reste notre boussole pour garantir la pérennité.
En conclusion — quels sont les changements attendus ?
Mame Birame NIANG : Nous voulons que chaque enfant vivant avec le VIH ait, en plus d’un traitement adapté, un réseau d’appui social pour tenir ce traitement sur le long terme — santé, école, dignité.
Dr Karim DIOP : En conjuguant soin biomédical et accompagnement psychosocial, EnPRISE 4 vise à transformer des résultats techniques (charge virale) en parcours de vie : rétention dans les soins, réussite scolaire et autonomisation sociale.