Le dépistage : clef de voûte de la lutte contre le VIH
Du 17 au 21 novembre 2025 se tenait la Semaine Internationale du Dépistage (SID). Une opération de dépistage mondiale initiée et coordonnée par Coalition PLUS qui se déploie pour la sixième année afin de détecter les personnes porteuses du VIH, d’infections sexuellement transmissibles (IST) mais aussi atteintes par des cancers qui y sont liés (ou à risque de l’être), comme le cancer du col de l’utérus ou le cancer anal. Une semaine qui s’inscrit dans les activités du projet Accès Santé 2, que nous soutenons, et qui œuvre à améliorer l‘accès aux services de santé sexuelle pour les populations clés et les femmes. Immersion au cœur de Bujumbura, capitale économique du Burundi, pour suivre les différentes associations actrices de l’événement et membres de la plateforme Coalition PLUS, partenaire historique de L’Initiative.
Donner accès au soin et au dépistage aux populations qui en sont privées
Début de visite au centre Turiho (« nous sommes vivants », en kirundi), le premier à avoir pris en charge et dépisté les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de Bujumbura, qui assure aujourd’hui le suivi de plus de 3000 patients. C’est 50 % de la file active totale de l’Association Nationale de Soutien aux Séropositifs et malades du sida (ANSS santé PLUS) – aussi soutenue par L’Initiative dans le cadre du projet Success qui lutte contre le cancer du col de l’utérus – que nous suivons dans leurs activités. Dans ce lieu d’accueil et de respect, se rendent chaque jour en moyenne 120 personnes, et plus de 300 lors de la semaine internationale du dépistage.
Certaines populations sont particulièrement exposées au risque, d’autant plus qu’elles sont stigmatisées voire criminalisées pour leurs pratiques ou orientations sexuelles. Pour elles, trouver un refuge de soin à l’abri de la délation relève de l’exception. C’est notamment le cas des hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH), de travailleuses du sexe (TS) et des usagers de drogues injectables (UDI), qui sont 30 fois plus touchés par le VIH par rapport à la population générale.
L’association communautaire BAPUD (Burundi Association of People who used drugs), partenaire de la SID, est d’ailleurs dédiée à ces derniers avec une offre de services incluant des traitements de substitution aux opiacés (TSO). 150 UDI en bénéficient mais les besoins humains se heurtent à la pression financière : la liste d’attente en compte déjà plus de 300 autres. L’ONG Society for Women and AIDS in Africa (SWAA) – affiliée à un mouvement panafricain de femmes pour la lutte contre le VIH/sida – compte quant à elle 6 cliniques de traitement antirétroviral (ARV) et 8 sites communautaires avec une file active de 4200 PVVIH au niveau national.
En effet, les associations n’ont pas eu d’autres choix que de réduire sévèrement leur offre de soin au Burundi, notamment à cause des coupes budgétaires dues à l’arrêt du programme états-uniens PEPFAR et des financements de l’USAID. Elle demeure pourtant essentielle dans ce pays de 12 millions d’habitants qui, malgré des progrès importants ces dernières années, compte encore une personne séropositive sur cent et 12 % de transmission du virus mère-enfant (mais aucune au centre Turiho depuis bientôt 7 ans).
Au-delà du dépistage, la SID mobilise sur la prévention et l’accompagnement, non seulement des PVVIH, mais aussi des patients vulnérables. En 2024, 76 associations issues de 46 pays étaient présentes à l’événement. Ensemble, elles ont permis de dépister près de 85 000 personnes. Parmi elles, 29% de travailleuses du sexe, 23% d’homme ayant des rapports sexuels avec les hommes, 7,5% de migrants, 5,5% d’UDI et 3,8% de personnes incarcérées. 73% des dépistés positifs au VIH ont pu être référées vers les structures de soins adéquate.
Souligner l’efficacité de la prise en charge communautaire
Au sein des associations partenaires qui font de la SID un succès, les pairs éducateurs, ces relais au sein des communautés difficiles d’accès et qui en sont eux-mêmes partie intégrante, entretiennent un lien qui ne tient parfois plus qu’à un fil, faute de ressources.
Pleinement acteurs de l’offre de santé communautaire, ils rendent accessible un dépistage confidentiel et sécurisé dans un cadre accueillant et non-jugeant. En multipliant les moyens – au travers des centres de santé, des actions de terrain ou encore des auto-tests – l’action communautaire favorise le dépistage précoce des IST dont le VIH, les hépatites, les lésions précancéreuses. C’est un acte de prévention déterminant car les femmes vivant avec le VIH ont 6 fois plus de risque de développer un cancer du col de l’utérus. Grâce à eux, les bénéficiaires obtiennent une prise en charge adéquate, ce qui a pour effet de réduire les contaminations.
En outre, le volet santé mentale est intégré à l’offre de soin, avec un accompagnement psychosocial qui cherche à lutter contre l’isolement et les discriminations. Car la stigmatisation, qui se traduit en violences psychologiques et physiques, a un impact réel sur la santé. Billy jeune activiste PVVIH du réseau Grandir Ensemble en est témoin. Sa séropositivité ne lui a été révélée qu’à l’adolescence et il l’a lui-même dissimulée jusqu’au début de ses études supérieures. Il s’est alors investi pour que d’autres n’aient pas à subir les mêmes stigmatisations. Il est devenu pair éducateur pour encourager le dépistage et épauler les jeunes qui découvrent leur séropositivité.
La Maison de la joie, quant à elle, recueille les orphelins du sida, aussi porteurs du VIH, comme Prince né d’une mère travailleuse du sexe. L’association donne un cadre, un accès aux médicaments et un refuge qui se construit sur la solidarité et le partage, à des enfants qui se seraient trouvés marginalisés et en danger de mort. Elle leur offre un avenir.

Cette approche, centrée sur la santé communautaire comme complément indispensable des systèmes de santé classiques, marque le cœur de l’action de Coalition PLUS. Un objectif d’ailleurs poursuivi par la mise en œuvre d’Accès Santé 2, qui vise à renforcer les capacités des systèmes de santé communautaires et à influer sur les politiques de santé publique en valorisant pleinement le rôle de la paire-éducation.
C’est la raison pour laquelle le réseau associatif s’investit fortement dans le plaidoyer pour un meilleur accès au soin (disponibilité des intrants, dépistage et prise en charge). Dans ce but, les résultats probants de leurs activités sont analysés et partagés afin de mobiliser dans la lutte contre le VIH les leaders d’opinion et les décideurs, les professionnels de santé et les partenaires institutionnels.
Renverser la focale : le dépistage, un choix rentable
La diminution des contributions en matière d’aide au développement est palpable dans bien des états à revenu faible ou intermédiaire. Dernier coup dur en date, la dernière reconstitution du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui a récolté moins de fonds qu’espéré, obligeant à réduire la voilure des soutiens accordés pour le triennat à venir.
Des centres de dépistage ferment, des services vitaux sont interrompus, des soignantes et soignants, pairs éducateurs et éducatrices perdent leur emploi. Derrière ces statistiques, ce sont des vies humaines qui sont en jeu. Des personnes, déjà parmi les plus précaires, sont privées de soins essentiels et de protection. Ces discriminations et coupures font le lit des pandémies sans égard aux frontières des pays.
Pourtant, les actions de la SID – à l’image de celles du projet Accès Santé 2 – en matière de dépistage, d’observance des traitements, de guérison quand c’est possible et de promotion des comportements de santé positifs, s’accompagnent de résultats chiffrés sans appel. La réduction des contaminations, de la morbidité et de la mortalité, ou encore l’amélioration de la qualité de vie sont autant de preuves qui illustrent l’efficacité des investissements en santé mondiale.
Financer une offre de soin complète, accessible et équitable pour toutes et tous – y compris communautaire pour toucher les populations les plus exposées – n’est pas une charge mais un choix rentable. C’est un investissement qui permet de diagnostiquer plus tôt, de réduire les transmissions et de diminuer le poids qui pèse sur les systèmes de santé. Au sud comme au nord, investir dans la santé c’est économiser en misant sur la prévention plutôt qu’agir en urgence.
Consultez le rapport d’impact 2024 de la SID
Découvrez les chiffres derrières les actions de Semaine Internationale du Dépistage (SID), coordonnée par Coalition PLUS. Chaque année en novembre, cette semaine est organisée pour intensifier les initiatives de santé menées tout au long de l’année.

Photos du reportage : © Benjamin Girette pour Coalition PLUS