Le réseau régional APCASO fonde ses actions sur le plaidoyer et le renforcement des systèmes communautaires en Asie-Pacifique. Il bénéficie pour ce faire d’un soutien de L’Initiative. Il est porté par Rodelyn Marte, directrice de la structure.
Les 10 et 11 juin, L’Initiative organise des rencontres régionales, à Bangkok, pour dialoguer avec ses partenaires sur les enjeux liés à la lutte contre les pandémies, en Asie du Sud-Est, et créer des synergies entre les principaux acteurs de la zone.
Rodelyn Marte est la directrice exécutive du réseau APCASO, en Thaïlande. Ce réseau de la société civile rayonne dans toute la région Asie-Pacifique. Son ambition est de réduire l’incidence des pandémies dans la zone ; ses activités portent sur le plaidoyer et le renforcement des systèmes communautaires, pour la santé et la justice sociale aux populations les plus vulnérables. Lors des rencontres, Rodelyn Marte animera une table ronde sur l’approche One Health, à l’intersection des santés humaine, animale et environnementale, une approche endossée par APCASO.
Rodelyn Marte
Directrice exécutive du réseau d’APCASO en Thaïlande, elle est une militante féministe philippine engagée pour les droits humains et la santé des femmes.
Vous êtes la directrice exécutive d’APCASO, pourriez-vous nous expliquer la spécificité de votre réseau ?
APCASO, c’est un réseau régional d’Asie-Pacifique, de la société civile, composé d’organisations communautaires et non-gouvernementales que nous soutenons et coordonnons. Nous sommes une plateforme catalytique dont le but est le plaidoyer et le renforcement des systèmes communautaires, en matière de santé, de justice sociale et de droits de l’homme. Notre objectif est de répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables et plus globalement mettre fin aux pandémies de VIH-sida, tuberculose et paludisme.
Quel est le positionnement stratégique d’APCASO dans la lutte contre les pandémies ?
La vision de notre organisation, créée en 1992, a évolué. Initialement axée sur la lutte contre le VIH-sida, elle s’est repositionnée en 2015 : APCASO a élargi sa vision pour aborder les défis de la zone de façon plus interconnectée. En effet, nous sommes conscients que la santé ne peut être dissociée des droits de l’homme et de la justice sociale. Nous avons donc réorienté nos actions pour adopter une approche holistique, centrée d’abord sur les besoins des personnes.
Pour aller plus loin dans cette stratégie globale, nous avons depuis peu intégré l’approche One Health. La santé humaine en effet ne peut pas non plus être dissociée de la santé animale et environnementale. Cette approche One Health est essentielle pour répondre aux défis qu’affronte la région et qui sont renforcés par le changement climatique. Il est essentiel que la société civile s’empare de cette approche pour qu’elle puisse être applicable sur le terrain et avoir un impact concret.
J’animerai à ce sujet une table-ronde lors des rencontres régionales, organisées par L’Initiative, à Bangkok mi-juin. Il s’agira notamment d’évoquer le passage à cette approche One Health. Les différentes parties prenantes pourront partager leurs expériences sur la capitalisation des efforts et des succès des projets mis en œuvre, dans la région, pour lutter contre les principales pandémies.
Comment mettez-vous concrètement en œuvre ces objectifs ?
Pour déployer nos ambitions, nous avons élaboré un plan stratégique 2021-2030, avec le soutien de L’Initiative. Ce plan capitalise sur les expériences passées d’APCASO, les initiatives régionales de plaidoyer que nous avons menées et le renforcement des capacités de la société civile en Asie-Pacifique. Il a également une vision plus ambitieuse et de long terme pour accompagner les grands objectifs d’ici à 2030, parmi eux l’éradication des pandémies pour de nombreux pays de la région.
Ce plan se concentre sur des axes clés, en cohérence avec les Objectifs de développement durable (ODD). Tout d’abord, la justice sociale : nous militons pour que l’autonomisation des communautés, les droits de l’homme et le genre notamment deviennent une approche normative dans les politiques de santé développées en Asie-Pacifique, avec un intérêt renforcé pour la santé mentale. Un autre aspect central repose sur le renforcement des systèmes communautaires : ils sont des acteurs à part entière du système de santé, essentiels pour toucher les populations clés et ainsi atteindre les objectifs sanitaires et de justice sociale. Pour ce faire, l’un des défis majeurs est de trouver des financements durables et pérennes pour soutenir les initiatives. Malgré la croissance économique de certains pays dans la région, les bénéfices ne profitent pas à tous, encore moins aux plus marginalisés. L’investissement dans les droits de l’homme, la santé et la justice sociale est crucial pour garantir l’équité et le bien-être pour tous.
Comment collaborez-vous avec L’Initiative ?
Le 12 juin, nous signerons, à l’ambassade de France à Bangkok, le projet REGENERATE, mis en place grâce au soutien de L’Initiative. Ce projet, qui sera déployé par plusieurs organisations de la société civile, vise à élaborer des politiques inclusives de lutte contre les trois pandémies en Asie-Pacifiques, pour répondre aux besoins des femmes, des jeunes filles et des personnes de diverses sexualités. Elles représentent des communautés vulnérables qui vont pouvoir ainsi s’engager pour l’égalité des genres et les droits et santé sexuels reproductifs (DSSR) à l’échelle régionale et dans les trois pays où se déploie le projet : au Cambodge, en Thaïlande et au Vietnam.
L’ambition est de créer une plateforme régionale et trois plateformes nationales de la société civile, mises en œuvre par plusieurs organisations. Nous considérons ces plateformes comme un espace collaboratif qui permettra l’émergence de leaders, grâce au renforcement des capacités de ces populations clés sur ces sujets. Concrètement, nous allons créer également un institut dédié à la formation sur l’égalité de genre et aux DSSR ; développer un kit de sensibilisation sur ces sujets ; élaborer un document d’orientation pour faciliter les collaborations entre parties prenantes. Pour que ces actions soient le plus pertinentes possibles, nous allons réaliser un rapport d’analyse de la situation en matière d’égalité de genre et de DSSR, au regard des trois pandémies, dans la région. Nous souhaiterions à terme pouvoir réaliser un passage à échelle ensuite et le mettre en œuvre dans d’autres pays de la région.
L’Initiative nous apporte une assistance technique et une expertise pour ce projet. C’est un travail que nous menons main dans la main et nous sommes vraiment reconnaissants de ce partenariat qui permet à ce projet d’exister. Alors que nous faisons face à des diminutions des sources de financement, ce partenariat est très précieux.
Nous collaborons par ailleurs régulièrement avec L’Initiative. Par exemple, nous avons coorganisé au printemps 2023 trois tables rondes – en amont des réunions de haut niveau des Nations unies – dédiées à la prévention, la préparation et la réponse aux pandémies, à la couverture de santé universelle et la tuberculose. Cette journée s’intitulait « 3 HLMs. One Region. And This is Our Vision. » et a rassemblé 80 organisations de la société civile et communautaires de 19 pays.