La docteure Sara Eyangoh, microbiologiste moléculaire, est chercheuse et directrice scientifique du centre Pasteur du Cameroun depuis 2012. En décembre, elle a organisé une masterclasse tuberculose pour former de jeunes chercheurs d’Afrique francophone aux enjeux de la tuberculose et ainsi renforcer les ressources humaines en santé (RHS) dans la région.
Sara Eyangoh
Chercheuse et directrice scientifique du Centre Pasteur du Cameroun.
Pourquoi avez-vous organisé cette première masterclasse tuberculose ?
Nous avons créé cette masterclasse pour booster la formation de la nouvelle génération de chercheurs en Afrique francophone : nous avons besoin d’eux pour contribuer de façon plus efficace à la lutte contre la tuberculose, avec une approche pluridisciplinaire. C’est une formation intensive d’une semaine qui offre un panorama des actualités scientifiques et des enjeux de la recherche dans le domaine de la tuberculose. Elle vient combler une lacune en Afrique subsaharienne, celle d’une formation allant de la recherche fondamentale à la santé publique, en passant par les sciences sociales.
Quels sujets avez-vous couverts pendant cette semaine de formation ?
Nos sessions concernaient le diagnostic, le traitement et les résistances, la prévention, les vaccins. Nous avons invité également des anthropologues et des économistes de la santé à intervenir. Nous avons également constitué des groupes pour accompagner les jeunes chercheurs dans le montage de projets de recherche qui répondent à des objectifs très opérationnels des programmes de lutte contre la tuberculose.
Qui étaient les participants ?
Nous avons reçu de très nombreuses candidatures, de 16 pays différents, pour 30 places ouvertes. Nous avons accueilli des jeunes médecins, des doctorants, des étudiants de master en santé publique. Certains travaillent déjà sur des projets de recherche montés par le programme national de lutte contre la tuberculose de leur pays. Nous avons également accueilli des vétérinaires. En effet, la tuberculose bovine est une zoonose, c’est-à-dire une maladie qui peut se transmettre à l’homme : une approche One Health est donc nécessaire pour rassembler toutes les compétences et lutter contre toutes les formes de la maladie.
Prévoyez-vous d’autres éditions à l’avenir ?
Cette première masterclasse était une très belle expérience. Nous espérons pouvoir en organiser une nouvelle en 2025, dans le même format pluridisciplinaire, avec le soutien de L’Initiative. Cette année, nous avons également lancé un appel à projets réservé aux participants de la masterclasse : le but était de proposer à chaque étudiant de soumettre un projet de recherche opérationnelle qui réponde aux besoins du programme national de son pays, en améliorant la prise en charge des patients. Notre ambition est vraiment de former une masse critique de jeunes chercheurs en Afrique subsaharienne et de les aider à enclencher le début de leur carrière.
Quelles sont vos perspectives de recherche actuelle contre la tuberculose ?
En mars 2024, nous avons achevé un projet d’amélioration de la prise en charge des infections latentes, soutenu par L’Initiative, qui cible donc les personnes qui sont en contact avec les personnes malades, les plus à même de développer la maladie. C’est un défi majeur pour mettre un terme à l’épidémie de tuberculose. Nous avons cherché à améliorer notre méthode de dépistage, à l’aide d’une étude de cohorte dans les entourages des malades.
Quelles sont vos pistes d’action concrète ?
Il faut mettre en place des projets opérationnels pour faciliter la mise sous traitement des publics les plus vulnérables : entourage des malades, personnes vivant avec le VIH, enfants de moins de 5 ans. La stratégie de l’OMS recommande de mettre sous traitement préventif toutes ces personnes. Malheureusement, il existe des barrières socio-démographiques à de tels objectifs : la réticence familiale à mettre sous traitement des enfants qui semblent en bonne santé ou encore la honte associée à une maladie qu’on ne comprend pas dans certaines communautés.
Nous savons que les agents communautaires sont un maillon fort du dépistage et du traitement de la tuberculose. Il est nécessaire de mieux les former, de les valoriser et de les aider à trouver une autonomie financière, afin qu’ils maintiennent leur action essentielle.
Notre action est donc plurielle : la recherche fondamentale, pour mieux comprendre comment la maladie se propage ; la recherche opérationnelle pour comprendre les barrières sociales, anthropologiques et économiques à nos démarches de prévention et de traitement ; l’évaluation de nouveaux outils de diagnostic ; et l’organisation des traitements et de la prévention sur le terrain. C’est seulement par cette approche globale que nous parviendrons à éradiquer la tuberculose.