Retrouvez notre série de focus régionaux sur les impacts de L’Initiative lors du dernier triennium (cycle de financement 2020-2022) à travers les témoignages de différents porteurs de projets soutenus.
Structurer et renforcer le plaidoyer communautaire au Burkina Faso
Les enjeux
Alors qu’aucun des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) relatifs à la santé n’a été atteint au Burkina Faso, la situation épidémiologique du pays reste marquée par un fort taux de morbidité et de mortalité liée aux maladies transmissibles – paludisme en tête du fait d’un contexte écologique instable. En outre, malgré une faible prévalence du VIH parmi les 15 à 45 ans et une baisse du nombre de décès de 46 % entre 2010 et 2017, les populations clés (travailleurs du sexe, usagers de drogues, hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes) restent touchées de façon disproportionnée.
En effet, un environnement sociopolitique et légal discriminant, voire criminalisant, rend difficile leur accès aux services de santé, les marginalise et les invisibilise. La lutte contre les pandémies s’inscrit enfin dans un contexte d’intervention sécuritaire, humanitaire et politique complexe. En effet, depuis 2015, le Burkina Faso connaît une menace terroriste élevée. Avec 121 formations sanitaires fermées dans les régions affectées et 152 contraintes de réduire leurs services au minimum, la situation sécuritaire constitue une entrave à l’accès aux soins pour plus d’un million de personnes.
La réponse de L’Initiative
Afin de répondre au contexte humanitaire et sanitaire complexe du Burkina Faso, L’Initiative y intervient selon des modalités variées et complémentaires : assistance technique, financement de projets, recherche… Parmi les actions qu’elle soutient, le projet multipays RIPOSTE, lancé le 1er avril 2019 et actif jusqu’au 31 décembre 2022, vise à faire entendre la voix des populations clés par le plaidoyer communautaire.
Témoignage d’Ismael Cisse, riposteur à REVS+ et chargé de mobilisation communautaire
Quelle est l’ambition du projet RIPOSTE ?
Les populations clés sont les plus touchées par les pandémies. C’est pourquoi le projet RIPOSTE vise un changement de paradigme : passer de leur simple représentation à leur participation effective à l’élaboration des politiques sanitaires. Dans ce but, nous accompagnons les représentants des populations clés dans la construction de leur plaidoyer à l’instance de coordination nationale (ou en anglais Country Coordinating Mechanism – CCM). L’objectif est de déployer des stratégies communautaires pour améliorer l’accès à la prévention, aux soins et aux droits des populations clés.
Quels résultats le projet a-t-il obtenus ?
Grâce à l’accompagnement des « riposteurs », les populations clés du Burkina Faso ont obtenu du CCM la mise en place d’un groupe rédactionnel qui leur est dédié, appuyé par une assistance technique de L’Initiative. Plusieurs recommandations issues des communautés ont ainsi été intégrées à la demande de subvention 2021-2023 auprès du Fonds mondial (NFM3). Une intégration qui résulte du travail de mobilisation et de structuration de l’expertise terrain et communautaire.
Comment envisagez-vous les années à venir ?
Outre la consolidation des acquis, il faut aujourd’hui favoriser une approche intégrée associant droits humains et santé dans la lutte contre la maladie. D’importants défis restent à relever pour renforcer encore l’implication, la participation des populations clés et des jeunes pour le prochain cycle de financement du Fonds mondial (NFM4). L’enjeu sera enfin d’étendre notre démarche à d’autres pays.
Faire entendre nos difficultés au sein du dialogue national
Parmi les avancées inédites permises par RIPOSTE : le forum national des communautés. Rassemblant les pairs éducateurs et les membres des communautés mobilisées, ils ont pour but de favoriser la participation éclairée des personnes issues des communautés et de leur offrir des espaces de résonance pour renforcer leur action dans la lutte. « Ce rendez-vous a été l’occasion d’énumérer nos difficultés, d’identifier nos besoins et de les reverser au dialogue national », explique Romain, super-pair éducateur formé par RIPOSTE au Burkina Faso.
« C’est notre voix »
Par ailleurs, grâce au projet, les populations clés ont pu faire valoir leurs priorités en participant à l’écriture du nouveau plan stratégique national : elles peuvent ainsi peser sur les décisions qui les concernent. Ce programme, « c’est notre voix, se félicite l’acteur communautaire. Auparavant, les populations clés étaient reléguées au second plan, sans parole politique. Nous n’étions bons qu’à transmettre des chiffres sans pour autant être impliqués dans la stratégie des programmes. Aujourd’hui, c’est une satisfaction de bénéficier du projet RIPOSTE car il nous offre la possibilité de nous exprimer sur nos quotidiens souvent peu reluisants », se réjouit Romain.