TrapNet : une méthode innovante de lutte contre le paludisme en Afrique subsaharienne

Reportage 18 avril 2025

En plus des crises sanitaires, de la résistance croissante des humains aux traitements antipaludiques et des défis liés au changement climatique, la lutte contre le paludisme se heurte désormais à un nouvel obstacle majeur – la résistance accrue aux insecticides des moustiques vecteurs –, ce qui compromet l’efficacité des outils traditionnels de prévention. Élément clé dans la réduction de la transmission, les moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action (MILDA) perdent progressivement leur pouvoir protecteur face à l’adaptation biologique des Anopheles. Cette évolution préoccupante des mécanismes de résistance nécessite une adaptation des approches préventives et le développement urgent de solutions alternatives pour maintenir les progrès réalisés dans le recul de la maladie.

Dans ce contexte, le Centre suisse de recherches scientifiques en Côte d’Ivoire (CSRS) a développé un dispositif qui présente des résultats encourageants : TrapNet. Le principe de fonctionnement repose sur un boîtier, adaptable sur tout type de moustiquaire et équipé de quatre entrées en entonnoir, stratégiquement placées sur le haut. Une analyse infrarouge a en effet démontré que les moustiques tentent de pénétrer par le haut de la moustiquaire dans 90 % des cas.

D’après des résultats préliminaires, l’ajout du dispositif TrapNet multiplierait par 4,5 le nombre de moustiques capturés et éliminés, et permet ainsi d’améliorer la protection individuelle et communautaire des populations vulnérables, dans un contexte de résistances des moustiques aux insecticides.

Schéma Explicatif Du Dispositif Trapnet
Schéma explicatif du dispositif TrapNet.

En septembre 2024, les équipes de L’Initiative ont pris la direction du nord de la Côte d’Ivoire, vers Korhogo, où le projet TrapNet est en partie déployé. Sur place, les chercheurs du CSRS finalisaient l’enquête entomologique préliminaire à l’étude de pré-intervention. L’objectif de cette phase est d’évaluer la fréquence de transmission du parasite par les moustiques à l’homme (le taux d’inoculation entomologique).

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Arrivée de l’équipe de L’Initiative sur le terrain, dans le village Soumon, en Côte d’Ivoire.

L’équipe de L’Initiative est arrivée à la tombée de la nuit dans l’un des lieux du test : Soumon, où vivent environ 250 habitants. Dans ce petit village, l’opération de surveillance entomologique suit un protocole spécifique. Dans chaque maison, un homme est posté à l’intérieur, un autre à l’extérieur. Munis d’une lampe, de tubes de prélèvement et de coton pour les sceller, et de petits sacs étiquetés par heure, ils capturent les moustiques tout au long de la nuit. Ces tubes sont collectés le lendemain par l’équipe CSRS pour être transférés à la base opérationnelle du projet TrapNet, à Korhogo. La ville se trouve à proximité des villages ciblés. Chaque moustique capturé, chaque heure de piqûre enregistrée sont des éléments qui permettent d’en savoir un peu plus sur le comportement du vecteur. Cette enquête entomologique devra être reproduite dans des cases expérimentales, construites au Bénin et en Côte d’Ivoire, afin de tester le dispositif TrapNet.

Un homme se tient devant une case test pour capturer les moustiques, dans le village Saumon, en Côte d'Ivoire.
L'homme a capturé un moustique dans un tube, au niveau de sa cheville.
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L'homme met un coton au niveau de la partie ouverte du tube pour emprisonner le moustique capturé. Il l'observe grâce à une lampe torche.
L'homme met le tube, dans lequel est emprisonné le moustique, dans un sac étiqueté.
Un des hommes postés à l’extérieur capture un moustique dans un tube, le ferme à l’aide d’un coton, puis le met dans un sac, en précisant le lieu et l’heure de capture.

L’équipe de L’Initiative est ensuite retournée à Korhogo pour suivre l’étape d’identification et de conservation des moustiques collectés. Au microscope, les équipes de TrapNet déterminent l’espèce de chaque moustique capturé. L’objectif est de déterminer les espèces dominantes dans chaque zone pour mieux comprendre le profil entomologique local. Une fois identifiés, les spécimens sont placés dans de petits tubes, conservés au froid. Ils sont ensuite envoyés à Abidjan, où ils sont testés, grâce à des techniques moléculaires, pour détecter la présence du parasite responsable du paludisme.

Au-delà du dispositif TrapNet, cette enquête entomologique vise à comprendre le comportement des moustiques, leur densité et leur résistance aux insecticides. Ces informations permettront d’évaluer l’impact des interventions, comme les MILDA généralement recommandées, sur la réduction de l’exposition aux moustiques infectieux.

En parallèle, des enquêtes épidémiologiques sont menées auprès des habitants. Elles consistent à mesurer la prévalence du paludisme, c’est-à-dire la proportion de personnes porteuses du parasite. Des prélèvements sanguins sont réalisés pour estimer le taux d’infection et mieux comprendre les dynamiques de transmission à l’échelle locale.

Un homme observe un moustique au microscope.
Un homme observe un moustique au microscope.
Les équipes de TrapNet observent les moustiques capturés au microscope pour identifier l’espèce à laquelle ils appartiennent.

L’équipe de L’Initiative a pu observer les résultats des tests menés par le docteur Chouaibou et le reste de l’équipe de terrain, dans la base de Korhogo, et, en particulier, celui de la sensibilité des moustiques aux insecticides.

Des larves de moustiques sont prélevées dans des gîtes naturels ou dans des installations où elles sont élevées. Ces larves des espèces cibles, comme les Anopheles gambiae, évoluent ensuite jusqu’au stade adulte, dans des conditions contrôlées. Ces moustiques sont alors exposés à différents insecticides et le taux de mortalité est calculé. S’il est inférieur aux seuils standards – généralement entre 80 et 90 % –, ce peut être un signe de résistance. Il est ainsi possible d’évaluer les tendances dans les différentes zones d’étude. Ces données sont essentielles pour anticiper les évolutions du paludisme et adapter les stratégies de lutte en orientant les choix en matière d’insecticides ou de méthodes alternatives. Si les moustiques prélevés dans la zone présentent une résistance aux insecticides utilisés avec les moustiquaires, il est alors nécessaire de mettre en place de nouvelles techniques de lutte, à l’instar du dispositif TrapNet.

Des larves de moustiques sont observées.
Des larves de moustiques prélevées pour être analysées tout au long de leur évolution.
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Une fois parvenus au stade adulte, les moustiques issus du développement larvaire sont contrôlés et testés pour évaluer leur résistance à divers insecticides.

L’équipe de L’Initiative a passé une dernière journée avec les membres du CSRS pour échanger sur les obstacles rencontrés sur le terrain et faire le point sur les avancées significatives que permettrait l’approche novatrice du dispositif TrapNet.

Les prochaines étapes exigeront une collaboration renforcée entre les différentes parties prenantes pour élaborer des stratégies de plaidoyer efficaces, afin de faciliter l’adoption de cette technologie. Parallèlement, la capitalisation des résultats préliminaires, des bonnes pratiques et des enseignements tirés constitue un atout précieux pour permettre une reproduction optimale dans d’autres territoires.

Les équipes de L'Initiative et de TrapNet échangent ensemble.
Les équipes de L’Initiative et du CSRS échangent à l’issue de la capture nocturne des moustiques.
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