TrapNet : une méthode innovante de lutte contre le paludisme en Afrique subsaharienne

L’Afrique concentre 94 % des cas de paludisme recensés dans le monde, soit 246 millions de cas, et 95 % des décès liés à la maladie, soit 569 000 décès, en 2023. La majorité des cas se trouve plus précisément en Afrique subsaharienne. Dans cette région vivent les deux parasites Plasmodium – responsables de la transmission à l’être humain – les plus dangereux : Plasmodium falciparum et Plasmodium vivax. À ce lourd fardeau sanitaire s’ajoutent de nouveaux défis, comme la résistance croissante des moustiques aux insecticides, qui impliquent une révision des stratégies de lutte existantes. Dans le cadre du projet « Prévenir le paludisme », le Centre suisse de recherches scientifiques en Côte d’Ivoire (CSRS) a mis au point, avec le soutien de L’Initiative, TrapNet, un dispositif innovant conçu pour capturer les moustiques de manière efficace. Pour mieux comprendre ce système et observer les tests menés sur le terrain, les équipes de L’Initiative se sont rendues à Korhogo et à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
En plus des crises sanitaires, de la résistance croissante des humains aux traitements antipaludiques et des défis liés au changement climatique, la lutte contre le paludisme se heurte désormais à un nouvel obstacle majeur – la résistance accrue aux insecticides des moustiques vecteurs –, ce qui compromet l’efficacité des outils traditionnels de prévention. Élément clé dans la réduction de la transmission, les moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action (MILDA) perdent progressivement leur pouvoir protecteur face à l’adaptation biologique des Anopheles. Cette évolution préoccupante des mécanismes de résistance nécessite une adaptation des approches préventives et le développement urgent de solutions alternatives pour maintenir les progrès réalisés dans le recul de la maladie.
TrapNet, un dispositif innovant de piégeage des moustiques pour une meilleure adaptation aux résistances
Dans ce contexte, le Centre suisse de recherches scientifiques en Côte d’Ivoire (CSRS) a développé un dispositif qui présente des résultats encourageants : TrapNet. Le principe de fonctionnement repose sur un boîtier, adaptable sur tout type de moustiquaire et équipé de quatre entrées en entonnoir, stratégiquement placées sur le haut. Une analyse infrarouge a en effet démontré que les moustiques tentent de pénétrer par le haut de la moustiquaire dans 90 % des cas.
D’après des résultats préliminaires, l’ajout du dispositif TrapNet multiplierait par 4,5 le nombre de moustiques capturés et éliminés, et permet ainsi d’améliorer la protection individuelle et communautaire des populations vulnérables, dans un contexte de résistances des moustiques aux insecticides.

Immersion dans le projet pilote ivoirien
En septembre 2024, les équipes de L’Initiative ont pris la direction du nord de la Côte d’Ivoire, vers Korhogo, où le projet TrapNet est en partie déployé. Sur place, les chercheurs du CSRS finalisaient l’enquête entomologique préliminaire à l’étude de pré-intervention. L’objectif de cette phase est d’évaluer la fréquence de transmission du parasite par les moustiques à l’homme (le taux d’inoculation entomologique).


L’équipe de L’Initiative est arrivée à la tombée de la nuit dans l’un des lieux du test : Soumon, où vivent environ 250 habitants. Dans ce petit village, l’opération de surveillance entomologique suit un protocole spécifique. Dans chaque maison, un homme est posté à l’intérieur, un autre à l’extérieur. Munis d’une lampe, de tubes de prélèvement et de coton pour les sceller, et de petits sacs étiquetés par heure, ils capturent les moustiques tout au long de la nuit. Ces tubes sont collectés le lendemain par l’équipe CSRS pour être transférés à la base opérationnelle du projet TrapNet, à Korhogo. La ville se trouve à proximité des villages ciblés. Chaque moustique capturé, chaque heure de piqûre enregistrée sont des éléments qui permettent d’en savoir un peu plus sur le comportement du vecteur. Cette enquête entomologique devra être reproduite dans des cases expérimentales, construites au Bénin et en Côte d’Ivoire, afin de tester le dispositif TrapNet.





Au cœur du travail entomologique à Korhogo
L’équipe de L’Initiative est ensuite retournée à Korhogo pour suivre l’étape d’identification et de conservation des moustiques collectés. Au microscope, les équipes de TrapNet déterminent l’espèce de chaque moustique capturé. L’objectif est de déterminer les espèces dominantes dans chaque zone pour mieux comprendre le profil entomologique local. Une fois identifiés, les spécimens sont placés dans de petits tubes, conservés au froid. Ils sont ensuite envoyés à Abidjan, où ils sont testés, grâce à des techniques moléculaires, pour détecter la présence du parasite responsable du paludisme.
Au-delà du dispositif TrapNet, cette enquête entomologique vise à comprendre le comportement des moustiques, leur densité et leur résistance aux insecticides. Ces informations permettront d’évaluer l’impact des interventions, comme les MILDA généralement recommandées, sur la réduction de l’exposition aux moustiques infectieux.
En parallèle, des enquêtes épidémiologiques sont menées auprès des habitants. Elles consistent à mesurer la prévalence du paludisme, c’est-à-dire la proportion de personnes porteuses du parasite. Des prélèvements sanguins sont réalisés pour estimer le taux d’infection et mieux comprendre les dynamiques de transmission à l’échelle locale.


Tester la résistance aux insecticides : une étape clé
L’équipe de L’Initiative a pu observer les résultats des tests menés par le docteur Chouaibou et le reste de l’équipe de terrain, dans la base de Korhogo, et, en particulier, celui de la sensibilité des moustiques aux insecticides.
Des larves de moustiques sont prélevées dans des gîtes naturels ou dans des installations où elles sont élevées. Ces larves des espèces cibles, comme les Anopheles gambiae, évoluent ensuite jusqu’au stade adulte, dans des conditions contrôlées. Ces moustiques sont alors exposés à différents insecticides et le taux de mortalité est calculé. S’il est inférieur aux seuils standards – généralement entre 80 et 90 % –, ce peut être un signe de résistance. Il est ainsi possible d’évaluer les tendances dans les différentes zones d’étude. Ces données sont essentielles pour anticiper les évolutions du paludisme et adapter les stratégies de lutte en orientant les choix en matière d’insecticides ou de méthodes alternatives. Si les moustiques prélevés dans la zone présentent une résistance aux insecticides utilisés avec les moustiquaires, il est alors nécessaire de mettre en place de nouvelles techniques de lutte, à l’instar du dispositif TrapNet.



Dernière visite au CSRS et perspectives pour TrapNet
L’équipe de L’Initiative a passé une dernière journée avec les membres du CSRS pour échanger sur les obstacles rencontrés sur le terrain et faire le point sur les avancées significatives que permettrait l’approche novatrice du dispositif TrapNet.
Les prochaines étapes exigeront une collaboration renforcée entre les différentes parties prenantes pour élaborer des stratégies de plaidoyer efficaces, afin de faciliter l’adoption de cette technologie. Parallèlement, la capitalisation des résultats préliminaires, des bonnes pratiques et des enseignements tirés constitue un atout précieux pour permettre une reproduction optimale dans d’autres territoires.
