Depuis plus de dix ans, L’Initiative lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme dans le Grand Mékong. Cette région de près de 250 millions d’habitants rassemble le Cambodge, le Laos, le Myanmar, la Thaïlande et le Vietnam, des pays à l’histoire et aux réalités modernes diverses, qui font face à des défis de taille en santé publique.
L’Initiative, en partenariat avec le Fonds mondial, s’engage dans la sous-région du Grand Mékong pour combattre les pandémies de VIH/sida, de tuberculose et de paludisme. Avec un investissement de plus de 50 millions d’euros sur dix ans, 37 projets ont été financés, couvrant non seulement ces trois maladies, mais aussi le renforcement des systèmes de santé. Ces projets, mis en œuvre par des programmes nationaux, des organisations de la société civile, des universités et des organismes de recherche, ont permis de réaliser des progrès significatifs. L’engagement de L’Initiative a conduit à une réduction des taux d’incidence et de mortalité, un accès accru aux thérapies et au renforcement des infrastructures existantes et des ressources humaines, notamment grâce à la formation d’agents de santé communautaire. Malgré ces avancées, des défis persistent, notamment la lutte contre les souches de paludisme résistantes et la stigmatisation. Le Dr Patrice Piola, médecin épidémiologiste, détaille dans un entretien les défis liés à la santé dans le Grand Mékong, une région confrontée aujourd’hui à un « double fardeau » de santé publique qui combine les pathologies des pays développés et en développement.
- 37
projets financés
dans la sous-région du Grand Mékong - +50
millions d’euros
investis pour lutter contre les pandémies- 450
agents de santé communautaire
formés pour renforcer les systèmes de santé La nécessité d’une collaboration régionale pour combattre efficacement les maladies
La résistance aux traitements antipaludiques constitue un obstacle majeur à l’éradication du paludisme dans le Grand Mékong. Créée en 2014 et soutenue par L’Initiative, l’Initiative régionale contre la résistance à l’artémisinine (RAI) collabore étroitement avec les gouvernements et les communautés locales pour développer des stratégies intégrées visant à détecter et traiter rapidement les cas de paludisme, réduire les taux de transmission et empêcher la propagation de souches résistantes. Cependant, des défis subsistent, tels que l’accès difficile aux populations reculées, la coordination entre différents systèmes nationaux et la nécessité d’un financement durable. Le professeur François Nosten, directeur de l’unité de recherche sur le paludisme de Shoklo (SMRU) en Thaïlande, présente dans cette interview la situation épidémiologique dans la région du grand Mékong et les dernières avancées de cette lutte contre les résistances antipaludiques.
Projet REGENERATE : promouvoir l’égalité et la santé en Asie-Pacifique
Lancé le 12 juin et soutenu par Expertise France via L’Initiative, le projet REGENERATE vise à élaborer des politiques inclusives de lutte contre les trois pandémies en Asie-Pacifique. Porté par le réseau APCASO et déployé par plusieurs organisations de la société civile, ce projet cible les besoins des femmes, des jeunes filles et des personnes qu’elle que soit leur sexualité pour promouvoir l’égalité des genres et les droits de santé sexuels et reproductifs (DSSR). S’étendant sur 36 mois et financé à hauteur de 1,8 million d’euros, REGENERATE se déploie au Cambodge, en Thaïlande et au Vietnam, en partenariat avec l’ONG cambodgienne KHANA, la fondation thaïlandaise SWING et l’ONG vietnamienne SCDI.
Le réseau APCASO, actif depuis 30 ans, regroupe des organisations de 12 pays œuvrant pour la justice sociale et l’égalité de genre, et renforçant les systèmes communautaires. RD Marte, directrice exécutive d’APCASO, revient dans un entretien sur les objectifs de renforcement des systèmes communautaires et l’appui de L’Initiative.
Des projets innovants pour cibler, dépister et soigner
L’Initiative continue d’innover pour répondre aux défis sanitaires en Asie du Sud-Est, en soutenant des projets de recherche opérationnelle et en développant de nouvelles stratégies pour lutter contre le VIH et la tuberculose. Ces initiatives visent à améliorer la prévention et la détection de ces maladies en ciblant particulièrement les populations marginalisées et discriminées, telles que les usagers de drogues et les travailleurs du sexe, souvent oubliées par les systèmes de santé. Gonzague Jourdain, épidémiologiste, explique dans cette interview comment le projet NAPNEUNG-2 en Thaïlande a permis la distribution de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) et l’utilisation des technologies informatiques pour faciliter l’accès au dépistage du VIH, améliorant ainsi la prise en charge des populations clés.
De nouvelles stratégies pour détecter et traiter la tuberculose latente
La tuberculose latente (ITL) est une infection asymptomatique qui concerne jusqu’à un tiers de la population mondiale, représentant un défi majeur pour la santé publique. L’Initiative soutient des projets innovants pour détecter et traiter l’ITL, notamment le projet Capthaï en Thaïlande, ciblant les cas contacts des patients tuberculeux, et le projet Opticam au Cambodge, améliorant la prise en charge de l’ITL chez les personnes vivant avec le VIH.
L’Initiative soutient la recherche opérationnelle pour innover face à la tuberculose et au VIH
Soutenu par L’Initiative, l’ONG SCDI améliore le bien-être des communautés vulnérables au Vietnam, particulièrement les usagers de drogues affectés par le VIH et la tuberculose. Faisant suite au succès d’un projet similaire sur le VIH, le projet Drive-TB, lancé en 2023, utilise une approche communautaire et des stratégies de recherche innovantes pour dépister à grande échelle et traiter la tuberculose chez les usagers de drogues injectables à Haïphong.
Mobile Link : favoriser l’accès à la santé des travailleuses du sexe au Cambodge
Au Cambodge, on dénombre plus de 40 000 femmes travailleuses du sexe, dont 24 000 à Phnom Penh. En 2009, une étude avait montré qu’environ 9 % de cette population était infectée par le VIH, et que près de 82 % de ces femmes avaient déjà effectué un test VIH. Pour répondre à ces défis, l’ONG KHANA a lancé le projet Mobile Link (2017-2020). Ce projet vise à partager avec les travailleuses du sexe cambodgiennes des informations éducatives sur le VIH et à les rediriger vers des centres de santé via des échanges réguliers de SMS ou de messages vocaux. Au-delà du VIH, Mobile Link aborde d’autres enjeux de santé, tels que la prévention du cancer du col de l’utérus, l’utilisation de drogues et la consommation forcée d’alcool. Initialement ciblé sur un échantillon de 600 travailleuses du sexe, le projet a permis de toucher une population souvent marginalisée, en offrant des ressources vitales et des voies d’accès aux soins de santé, tout en respectant leur confidentialité et leur dignité.
Les communautés en première ligne contre le paludisme et le VIH
Les approches communautaires sont essentielles pour combattre les maladies en Asie du Sud-Est. Au Cambodge, malgré une réduction significative de la morbidité et de la mortalité dues au paludisme, son élimination reste difficile en raison des moustiques présents en zones forestières. L’Institut Pasteur du Cambodge et ses partenaires travaillent à éliminer le réservoir de parasites avec des interventions communautaires. Au Laos, l’ONG CHIAs travaille à l’élimination du paludisme en renforçant les communautés locales et en formant des agents de santé communautaires pour diagnostiquer et traiter rapidement les cas. Ces projets montrent l’efficacité de l’engagement communautaire et de la formation des agents de santé pour améliorer la santé publique dans les régions reculées, en ciblant des populations vulnérables et en intégrant des aspects de prévention, de traitement et de soutien social.
Au Cambodge, dispenser des thérapies antirétrovirales via les communautés
Avec le soutien de L’Initiative, l’ONG KHANA a expérimenté avec succès un système de distribution communautaire de traitements antirétroviraux (ARV). Ce projet, qui s’est déroulé entre 2020 et 2023, visait à développer et évaluer un modèle de dispensation communautaire d’ARV dans 10 centres de prise en charge VIH. Les résultats montrent une réduction de la charge de travail du personnel des cliniques et une plus grande efficacité des services. Les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ont exprimé une satisfaction élevée, une meilleure observance du traitement et des économies de temps et d’argent. En outre, le nombre de PVVIH perdues de vue a diminué. Actuellement, 70 communes financent ce modèle dans leur budget annuel, assurant ainsi la continuité de l’initiative après la fin du projet. Dans cette interview, Chamreun Choub Sok, directeur exécutif de KHANA, souligne les enseignements de cette approche communautaire, démontrant l’efficacité de la mobilisation locale dans la lutte contre le VIH-sida.
Les ressources humaines, clé de voûte des systèmes de santé et communautaires
Le renforcement des ressources humaines en santé est essentiel pour des systèmes de santé résilients et pérennes. La région du Grand Mékong est particulièrement vulnérable aux maladies endémiques comme le paludisme et la tuberculose. Améliorer les compétences et augmenter le nombre de professionnels de santé est crucial pour assurer un accès équitable aux soins de qualité et garantir une réponse efficace aux crises sanitaires. Parmi ces professionnels de la santé, les agents de santé communautaires jouent un rôle clé en comblant les lacunes dans les zones rurales, où ils assurent la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies.
Renforcer le rôle des agents de santé communautaires dans le Grand Mékong
La lutte contre le paludisme et les maladies émergentes dans le Grand Mékong repose sur les agents de santé communautaires. La RAI, initiative régionale soutenue par L’Initiative, s’appuie sur un réseau de milliers d’agents actifs au sein des communautés. Ces professionnels comblent la pénurie de personnel médical, notamment en zones rurales. Cependant, des disparités entre pays compliquent la coordination régionale. Un rapport recommande une meilleure intégration, formation et reconnaissance professionnelle pour optimiser leur efficacité.
Mae Sot, un enjeu humain à la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie
Chaque année, des millions de migrants, principalement de Birmanie, arrivent en Thaïlande sans papiers ni accès aux services de santé. Les femmes, en particulier, manquent de services essentiels, notamment en santé reproductive. Depuis 2020, le SMRU, soutenu par L’Initiative, mène un projet pour améliorer leur accès aux soins en renforçant les capacités des agents de santé communautaires. En partenariat avec Dreamlopments et son assurance M-FUND, cette initiative vise à réduire la mortalité maternelle et infantile parmi les populations marginalisées.
Améliorer la gestion des ressources humaines dans la lutte contre le VIH/sida au Vietnam
De 2019 à 2023, l’Université de santé publique de Hanoï (HUPH) a collaboré avec l’administration vietnamienne pour tester des outils de gestion des ressources humaines dans les établissements de santé de sept provinces. Soutenu par L’Initiative, ce projet a permis de développer des outils basés sur l’outil WISN de l’OMS pour évaluer la charge de travail du personnel de santé direct et administratif. Bien que des défis subsistent, ces outils sont désormais utilisés dans divers services de santé. L’Initiative soutient une deuxième phase pour élargir la gestion et la planification des ressources humaines dans les systèmes de santé publique et communautaire, en plaidant pour une mise à l’échelle nationale et internationale. Le ministère de la Santé vietnamien envisage d’étendre ces outils à dix provinces supplémentaires pour 2024-2026.