À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida 2024, L’Initiative met en lumière La Fabrique des dialogues, un projet innovant porté par un consortium de trois associations et soutenu pour trois ans. Lancé à Dakar en novembre 2024, ce programme vise à professionnaliser le plaidoyer et à renforcer les capacités des acteurs locaux. Le but de ce projet : influencer durablement les politiques publiques de santé et de droits humains, grâce à des formations, un accompagnement technique et la création d’une communauté de pratiques.
Kayo Jodelle, représentant L’Atelier des Luttes, et Soufia Bham, pour Coalition PLUS et Sidaction, soulignent l’importance du plaidoyer dans la lutte contre des pandémies comme le VIH. La Fabrique des dialogues, portée par ces acteurs, vise à professionnaliser le plaidoyer, notamment par le renforcement et la création de quatre centres de formation au Cameroun, en Côte d’Ivoire, à l’île Maurice et au Burundi. En renforçant les capacités des organisations locales, ce projet ambitionne de faire remonter les problématiques du terrain pour orienter les décideurs vers des politiques publiques réellement adaptées aux besoins des populations.
Kayo Jodelle
Responsable de la formation et de la certification au sein du collectif L’Atelier des Luttes
Soufia Bham
Responsable de l’appui technique au plaidoyer de Coalition PLUS
Quels sont les grands enjeux et objectifs de la Fabrique des dialogues lancée à Dakar il y a quelques semaines ?
Soufia Bham : L’objectif de la Fabrique des dialogues est de partir des réalités locales pour influencer durablement les politiques de santé et les adapter aux contextes des pays. On cherche à structurer la voix des populations et à renforcer le plaidoyer de la société civile. Concrètement, on a trois objectifs : d’abord, créer des centres de plaidoyer locaux pour former des plaideurs ancrés dans leurs réalités régionales. Ensuite, il faut accompagner les associations sur le plan technique et financier pour qu’elles aient un impact concret. Enfin, il s’agit de bâtir une communauté de pratique qui connecte les activistes au niveau régional et international. Le but est de rompre l’isolement des plaideurs, qu’ils puissent échanger sur leurs expériences, leurs défis, et de créer des synergies autour des thématiques comme le VIH, le paludisme, la tuberculose, le genre ou les droits humains.
Kayo Jodelle : Le projet repose également sur une logique de proximité. Trop souvent, les formations sont délivrées par des intervenants extérieurs qui ne connaissent pas toujours les spécificités locales, et ne permettent donc pas un changement durable des systèmes de santé. C’est ce que nous voulons changer en formant des experts issus des communautés concernées. Une fois certifiés, ces experts deviendront eux-mêmes formateurs et leaders dans leurs domaines. Cela renforce le caractère durable du plaidoyer et permet de répondre aux défis sociaux, culturels et politiques propres à l’Afrique francophone.
Dans quel contexte et pourquoi ce projet a-t-il vu le jour ?
Kayo Jodelle : La Fabrique des dialogues trouve ses racines dans l’histoire de L’Atelier des Luttes et celle de Positive-Generation. Notre organisation est née au Cameroun, dans un contexte où l’accès aux médicaments pour les personnes vivant avec le VIH était extrêmement limité. Grâce à nos actions, nous avons obtenu du gouvernement camerounais un allègement des coûts de prise en charge médicale, voire la prise en charge complète de certains examens et du traitement. Cette victoire a été une leçon précieuse : le plaidoyer peut réellement provoquer des avancées majeures. En 2011, nous avons commencé à imaginer une structure pour former d’autres acteurs à porter leurs combats. Nous avons créé un centre de formation qui continue de se développer, mais nous voulions aller plus loin en diffusant ces techniques à d’autres organisations et en leur envoyant des référents pour renforcer leurs capacités, en leur apportant de l’assistance technique. Après plusieurs années de maturation, le projet a vu le jour en partenariat avec Coalition PLUS et Sidaction.
Soufia Bham : Coalition PLUS et Sidaction ont effectivement rejoint ce projet il y a environ un an, car il répondait à nos objectifs de pérennisation et de professionnalisation du plaidoyer. Ce projet est une belle opportunité pour diversifier l’offre d’appui technique et financier de nos deux réseaux, et pour conjuguer nos expertises respectives. La Fabrique des dialogues marque une étape clé pour donner aux plaideurs locaux les outils nécessaires afin qu’ils agissent durablement sur les politiques publiques.
Un atelier de lancement a récemment été organisé. Qu’en retenez-vous ?
Kayo Jodelle : L’atelier de lancement, qui s’est tenu à Dakar du 11 au 15 novembre et qui a réuni les différents partenaires, a permis de confronter nos idées et d’affiner nos plans d’action. Ça a été l’occasion pour l’Atelier des Luttes de présenter le catalogue de formations développé et d’avoir les retours des participants. L’occasion aussi de se voir en présentiel, de renforcer la collaboration entre les équipes.
Soufia Bham : L’atelier de lancement a aussi fait émerger des problématiques importantes comme la sécurité des plaideurs devenue un sujet majeur dans certains pays. Enfin, ce moment de partage a mis en lumière le projet auprès d’autres acteurs, partenaires ou potentiels partenaires. Il ne s’agissait pas seulement de nous coordonner, mais aussi de poser les bases pour un travail collaboratif de long terme.
Comment le soutien de L’Initiative se déploie-t-il concrètement dans le cadre du projet La Fabrique des dialogues ?
Soufia Bham : Le soutien de L’Initiative va bien au-delà de l’aspect financier. Il repose sur un véritable dialogue, dans lequel L’Initiative fait preuve de flexibilité en adaptant son approche aux réalités du terrain. Avec ce soutien multidimensionnel, elle vient non seulement renforcer les actions de plaidoyer, mais aussi répondre aux défis locaux en matière de santé publique, en apportant des réponses pertinentes et adaptées aux communautés.
Kayo Jodelle : En plus de son soutien financier, L’Initiative appuie le renforcement des capacités organisationnelles. Elle offre une assistance technique précieuse permettant aux organisations locales de se structurer et de mieux s’organiser pour mener à bien leurs projets et le plaidoyer.
Quels sont les prochaines étapes et impacts attendus ?
Soufia Bham : La prochaine étape majeure est le lancement d’un appel à manifestation d’intérêt en début d’année prochaine. Il permettra aux associations et activistes de demander un appui technique ou financier spécifique pour leurs actions de plaidoyer. Parallèlement, nous travaillons à la mise en place d’une plateforme numérique pour favoriser les échanges entre les membres de la communauté de pratique. Cela renforcera la visibilité des actions menées et encouragera le partage d’expériences.
Kayo Jodelle : De notre côté, l’Atelier des Luttes va mettre en place les centres de formation dans quatre pays : au Burundi, au Cameroun, en Côte d’Ivoire et à Maurice. Ces centres proposeront des modules adaptés aux différents contextes et nous veillerons à former non seulement des plaideurs, mais aussi des formateurs. L’objectif est de créer une dynamique autonome et pérenne. Si, au terme des trois ans, nous avons des experts plaideurs, certifiés et capables de former à leur tour, alors nous aurons atteint notre but.