Grâce à l’assistance technique de L’Initiative, le Centre national du VIH-sida, de la dermatologie et des maladies sexuellement transmissibles du Cambodge (NCHADS) a élaboré des procédures opérationnelles standardisées pour soutenir le dépistage du cancer du col de l’utérus, chez les femmes vivant avec le VIH et recevant des soins au sein des sites de traitement antirétroviral. Ce projet inclut un plan d’action pour le dépistage du HPV et les orientations vers des soins appropriés, dans le but d’intégrer le dépistage du cancer du col de l’utérus dans les services de soins du VIH. Le Dr Kennarey Seang a collaboré avec le NCHADS pour superviser l’élaboration et la mise en œuvre de ce plan.
Docteur Kennarey SEANG
Université des sciences de la santé de Phnom Penh (Cambodge)
Quel est l'état actuel du diagnostic du HPV et de la prise en charge du cancer du col de l'utérus au Cambodge ?
Kennarey Seang : Le Cambodge a réalisé des progrès importants dans le dépistage du cancer du col de l’utérus. Une équipe nationale forme les prestataires de soins de santé, dans les centres de santé et les hôpitaux à travers tout le pays, sur les méthodes de dépistage et de traitement. La formation met particulièrement l’accent sur le traitement des lésions mineures, en utilisant principalement l’inspection visuelle, car les tests HPV-DNA ne sont pas encore largement disponibles. Les prestataires de soins de santé sont également formés pour la prise en charge de petites lésions cervicales détectées lors des dépistages, offrant ainsi un service intégré.
Entre 400 et 500 centres de santé ont bénéficié de formations de l’équipe nationale du Cambodge. Les efforts se poursuivent pour étendre ces services à l’ensemble du pays, qui compte au total 1 000 centres de santé. Le gouvernement royal s’est engagé à fournir des services de dépistage du cancer du col de l’utérus à toutes les femmes dans les années à venir, en commençant par l’inspection visuelle puis en se tournant vers avant les tests HPV-DNA lorsque ceux-ci seront davantage disponibles.
Pour les femmes vivant avec le VIH, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande le test HPV-DNA comme outil principal de dépistage, en raison de sa grande sensibilité pour détecter les signes précoces du cancer du col de l’utérus. Comparées aux femmes séronégatives, les femmes vivant avec le VIH présentent un risque plus élevé de développer des lésions précancéreuses et une probabilité plus grande de progression rapide vers le cancer du col de l’utérus, lorsqu’elles sont infectées par le HPV. Le tabagisme ou la présence d’infections sexuellement transmissibles répétées ou passées augmentent les risques pour toutes les femmes, en particulier celles dont le système immunitaire est compromis.
Quels sont les principaux défis liés à cette situation ?
Kennarey Seang : Actuellement, environ 25 000 femmes vivant avec le VIH au Cambodge reçoivent des soins dans des sites de traitement antirétroviral, dont la majorité sont situés au sein de services de santé généraux. L’objectif est de permettre à ces sites de traitement antirétroviral d’offrir des tests HPV-DNA pour les femmes vivant avec le VIH, comme recommandé par l’OMS, afin d’améliorer le dépistage du cancer du col de l’utérus. Si un test est positif, l’étape suivante consistera à orienter les femmes vers une inspection visuelle dans les services de santé généraux voisins qui offrent un dépistage et un traitement du cancer du col de l’utérus.
Un autre défi majeur réside dans la stigmatisation et la discrimination liées au VIH-sida. Orienter les femmes des sites de traitement antirétroviral vers des établissements de santé généraux pourrait engendrer un malaise vis-à-vis de professionnels de santé qu’elles ne connaissent pas et qui pourraient ne pas comprendre leurs besoins. Bien qu’il y ait un engagement à fournir des tests HPV-DNA aux femmes vivant avec le VIH en début de parcours, la mise en œuvre est encore en train d’être organisée. L’accès à ces tests reste très limité et ils ne sont actuellement disponibles que dans certaines cliniques privées.
Pourriez-vous résumer l'assistance technique de L'Initiative et ses principaux objectifs ?
Kennarey Seang : Une précédente étude, financée par l’agence de recherche française ANRS MIE, a démontré la grande acceptabilité des méthodes d’auto-prélèvement pour le test HPV-DNA chez les femmes vivant avec le VIH. Cette étude constitue la base de l’assistance technique financée par L’Initiative. Son objectif est d’intégrer les conclusions et enseignements de cette étude précédente, dans la mesure du possible, dans des documents pratiques tels que des plans d’action ou des procédures opérationnelles standardisées pour des programmes nationaux comme le NCHADS. Ces documents seront conçus pour s’adapter aux ressources disponibles et aux cadres juridiques, tout en répondant aux besoins de santé des populations vulnérables, y compris les femmes vivant avec le VIH. Ils incluront également des détails sur les questions logistiques et fixeront des objectifs annuels de dépistage.
Un élément central de cette assistance technique consiste à recommander la mise en place de services de dépistage du cancer du col de l’utérus directement au sein des sites de traitement antirétroviral, permettant ainsi aux femmes vivant avec le VIH de recevoir des tests HPV-DNA, sans nécessité d’être redirigées vers d’autres strutures. De plus, la formation et le renforcement des capacités du personnel du NCHADS – tant pour la réalisation des tests HPV-DNA (dans les cas où les femmes ne sont pas à l’aise avec l’auto-prélèvement) que pour le conseil sur le HPV et le cancer du col de l’utérus – sont essentiels. Cela garantit qu’ils disposent des compétences nécessaires pour réaliser des tests efficaces et gérer les orientations vers les services appropriés. Le projet vise à fournir des lignes directrices claires aux professionnels de santé spécialisés dans le VIH afin d’assurer un accès efficace et durable au dépistage du cancer du col de l’utérus pour toutes les femmes vivant avec le VIH.
Quelles actions ont été mises en oeuvre pour encourager le dépistage du cancer du col de l'utérus chez les femmes vivant avec le VIH ?
Kennarey Seang : La principale action résidait dans le développement de procédures opérationnelles standardisées pour appuyer la mise en œuvre de services spécifiques de dépistage du cancer du col de l’utérus. Les supports de formation développés étaient destinés à former les professionnels de santé spécialisés dans le VIH sur le conseil, le dépistage du cancer du col de l’utérus et l’orientation des patientes ayant un résultat positif au test HPV-DNA. Dans ce contexte, les professionnels de santé généralistes vers lesquels les femmes vivant avec le VIH pourraient être référées ont également été formés par le NCHADS spécifiquement sur la stigmatisation liée au VIH. De plus, une procédure opérationnelle standardisée pour le système d’information de santé a également été développée, permettant au NCHADS de suivre les résultats du dépistage du cancer du col de l’utérus et de les intégrer dans leurs bases de données. Cela aidera à maintenir la continuité des soins, un suivi adéquat et une orientation efficace des femmes éligibles.
Par ailleurs, à la demande du NCHADS, un document de plan d’action a été élaboré pour fournir des scénarios de mise en œuvre évolutifs pour les services de dépistage du cancer du col de l’utérus. Il comprend des orientations sur le nombre de tests, des estimations budgétaires et les résultats attendus au cours des premières années, permettant ainsi une prise de décision éclairée pour le futur financement et l’allocation des ressources.
Quel est l'impact attendu ?
Kennarey Seang : Les recherches précédentes ont montré une bonne acceptation des tests HPV-DNA chez les femmes vivant avec le VIH. Nous prévoyons une forte adhésion une fois que la principale procédure opérationnelle standardisée sera approuvée par le ministère de la Santé, à condition que les services soient accessibles dans les sites de traitement antirétroviral. Si ces conditions sont remplies, de nombreuses femmes vivant avec le VIH pourront être dépistées pour le cancer du col de l’utérus. Celles présentant des lésions précancéreuses ou des lésions de haut grade pourront être orientées de manière efficace et rapide pour un traitement approprié. À long terme, la mortalité et la morbidité liées au cancer du col de l’utérus seront réduites.
Bien que le NCHADS prévoie d’inclure l’achat des tests HPV-DNA dans ses futures propositions de financement, la priorité immédiate est d’établir un système d’orientation solide pour les femmes testées positives au HPV. Il est donc très important de collaborer avec les professionnels de santé généralistes sur ce sujet. Le NCHADS a commencé ce processus lors de la première session de formation, en invitant ces professionnels à la formation de formateurs sur la principale procédure opérationnelle standardisée.
Cette approche holistique garantit que tous les professionnels de santé généralistes soient formés afin d’aider les femmes vivant avec le VIH à accéder aux services de dépistage et aux soins pour le cancer du col de l’utérus. Bien que la phase initiale de mise en œuvre soit limitée à Phnom Penh, le but serait que le NCHADS mette en œuvre ces procédure opérationnelles standardisées à l’échelle nationale, comblant ainsi les lacunes d’accès au dépistage du cancer du col de l’utérus parmi cette population vulnérable.
Comment décririez-vous le soutien fourni par L'Initiative ?
Kennarey Seang : Le soutien fourni par L’Initiative a été crucial pour le développement rapide des principales procédures opérationnelles standardisées et des supports de formation pour les programmes nationaux.
Grâce à la contribution de L’Initiative, le NCHADS a pu se préparer efficacement à la mise en œuvre du programme de dépistage du cancer du col de l’utérus avec les tests HPV-DNA sur les sites de traitement antirétroviral. Ils disposent désormais de toutes les ressources nécessaires, y compris les supports de formation développés. La formation des formateurs est achevée, le plan d’action et les procédures opérationnelles standardisées finalisés. La collaboration avec des experts nationaux, des spécialistes du HPV et du VIH, ainsi que les parties prenantes, a été essentielle pour produire des supports de haute qualité et garantir une évaluation approfondie des services et de la coordination. L’implication de L’Initiative a considérablement accéléré le développement des procédures opérationnelles standardisées et favorisé un environnement propice à l’assistance technique, posant ainsi une base solide pour le futur programme de dépistage.