À l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre, L’Initiative a rencontré Stéphane Besançon, directeur général de Santé Diabète. Cette ONG, qu’il a fondée en 2001, suit aujourd’hui plus de 25 000 patients diabétiques à travers le Mali, le Burkina Faso et les Comores. Le continent africain connaît la plus forte progression de la prévalence du diabète, au monde. D’ici 2050, le nombre de diabétiques aura triplé dans la région par rapport à 1990.
Stéphane Besançon revient sur les enjeux liés au diabète – maladie chronique caractérisée par une hyperglycémie – sur le continent africain. Il présente les projets menés par l’ONG Santé Diabète, grâce au soutien de L’Initiative, pour améliorer la prévention, la prise en charge et l’accès aux soins des personnes diabétiques, tout en intégrant la gestion des comorbidités telles que le VIH et/ou la tuberculose.
Stéphane Besançon
Nutritionniste, biologiste et directeur général de Santé Diabète
Quels sont les principaux défis posés par le diabète en Afrique ?
Stéphane Besançon : Avec une prévalence de 5 %, le diabète représente un enjeu de santé publique majeur pour le continent. La maladie se propage en raison de l’urbanisation des modes de vie, de la sédentarité et des changements alimentaires notamment. La région fait également face à l’enjeu du sous-diagnostic : plus d’un patient diabétique sur deux en Afrique ignore qu’il est malade, ce qui constitue la plus forte proportion dans le monde.
Le diabète occasionne également de multiples comorbidités. C’est le cas pour la tuberculose : les personnes diabétiques présentent un risque accru face à cette maladie infectieuse, à cause de l’affaiblissement de leur système immunitaire. Le diabète peut aussi interférer avec le traitement antituberculeux, en affectant négativement les résultats thérapeutiques et entraînant ainsi des taux plus élevés de mortalité et de rechutes après traitement. Une autre comorbidité importante est celle du VIH. Les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sont vulnérables au diabète, à cause de l’augmentation globale de la prévalence de cette maladie et en raison de facteurs spécifiques au VIH (les effets secondaires de certains traitements antirétroviraux, le risque accru de syndrome métabolique, les difficultés d’accès aux soins, etc.). Il est donc essentiel de sensibiliser les PVVIH au diabète et d’informer plus spécifiquement les personnes diabétiques sur la transmission du VIH.
Comment les actions de l’ONG Santé Diabète s’inscrivent-elles dans ce contexte ?
Stéphane Besançon : Dans nos pays d’intervention, le Burkina Faso, les Comores et le Mali, nous déployons des actions pour renforcer et structurer les systèmes de santé, pour une meilleure prévention et prise en charge du diabète. Il faut offrir des politiques publiques cohérentes pour pallier le manque d’accès aux soins. Notre association agit à différents niveaux pour le renforcement des ressources humaines, la formation des professionnels de santé et la facilitation de l’accès au traitement notamment, à travers un appui aux politiques et stratégies nationales. Nous mettons particulièrement l’accent sur la place du patient, avec une attention portée à l’éducation thérapeutique. Cette approche, promue par l’Organisation mondiale de la Santé, aide les patients à devenir acteurs de leur santé en leur fournissant des outils et des connaissances pour mieux comprendre ces maladies et adopter des comportements de santé appropriés. Nous travaillons également à la prévention, tant à l’école qu’auprès d’adultes, en utilisant des approches communautaires. Notre ambition est de développer une approche holistique afin d’intégrer les comorbidités, telles que le VIH et la tuberculose, pour une prise en charge globale et intégrée des patients.
Quelles actions ont été mises en œuvre grâce au soutien de L’Initiative ?
Stéphane Besançon : Grâce au financement et à l’appui de L’Initiative, nous avons mis en œuvre des actions pour améliorer la prise en charge des patients par le biais d’approches dédiées aux personnes en situation de comorbidité. Nous nous sommes focalisés sur le renforcement des compétences des professionnels de santé impliqués dans la gestion du diabète associé à la tuberculose et/ou au VIH. Ces actions sont importantes pour optimiser la gestion des ressources humaines et améliorer l’efficacité des soins pour le patient. En milieu urbain, les patients consultent généralement des spécialistes, mais dès qu’on s’éloigne des grandes villes, le manque de personnel qualifié devient un obstacle majeur. Notre ambition est donc de former le plus possible de professionnels de santé à la prise en charge du diabète et des co-pathologies, afin qu’ils offrent des soins adaptés, de qualité, et assurent un meilleur suivi des patients, y compris en zone rurale.
La première phase du projet a été déployée au Burkina Faso et au Mali entre 2017 et 2020. Elle a permis d’instaurer un dialogue et de concevoir les premiers modules de formations et outils de préventions. Trente médecins et trente paramédicaux ont ainsi été formés à la gestion clinique des comorbidités et à l’éducation des patients. Vingt-huit pairs éducateurs ont également été sensibilisés pour mener des actions de prévention ciblée, auprès des PPVIH et des personnes atteintes de tuberculose.
Le projet a été jugé efficace pour répondre aux besoins sanitaires identifiés par une évaluation indépendante. Nous avons ainsi entamé sa deuxième phase en 2021, avec une extension de l’action aux Comores, pour opérer un passage à l’échelle et renforcer sa structuration. Les formations ont été approfondies et des modules plus poussés ont été développés. Davantage de pairs éducateurs ont été formés, ce qui nous a permis d’étendre nos réseaux de prévention communautaire.
Quel a été l'impact de ce partenariat avec L'Initiative ?
Stéphane Besançon : Il nous a permis d’investir le domaine négligé des comorbidités. Nous avons ainsi développé une expertise sur ce sujet, au niveau national et international. Nous avons mis en œuvre des initiatives de terrain – la création de curriculums ex nihilo, des actions de prévention et de formation – sur lesquelles nous capitalisons pour la prise en compte des comorbidités dans les politiques nationales de santé, et au-delà. En effet, appuyés par l’équipe de L’Initiative, nous avons engagé des actions de plaidoyer pour que les comorbidités soient intégrées dans les subventions du Fonds mondial dans les années à venir. La prise en compte de ces co-pathologies pourra débloquer davantage de financements, impliquer de nouveaux acteurs locaux et communautaires, et étendre puis pérenniser les actions engagées.
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