L’étude pour la représentation, l’inclusion, la pérennité et l’équité (RISE) étaye l’opportunité de renforcer le fonctionnement des instances de coordination nationale (ICN) et d’améliorer l’engagement communautaire, dans le partenariat du Fonds mondial. Serge Douomong Yotta, directeur du plaidoyer chez Coalition PLUS et co-auteur de l’étude RISE, revient sur celle-ci, et le soutien de L’Initiative qui a rendu sa réalisation possible.
Serge Douomong Yotta
Directeur du plaidoyer chez Coalition PLUS et co-auteur de l’étude RISE.
Pourquoi avoir entrepris cette étude RISE ?
Avant d’évoquer cette étude RISE, il faut remonter à sa genèse : des remontées du terrain et nos échanges avec les activistes internationaux nous indiquaient des dysfonctionnements au sein des ICN et un manque de représentation des communautés, surtout celles des populations clés.
Pourtant, les ICN jouent un rôle essentiel dans le partenariat avec le Fonds mondial. Loin d’être de simples structures administratives, dans de nombreux pays, elles constituent souvent le seul cadre démocratique en matière de santé et représentent une voie vitale pour renforcer le pouvoir des communautés et garantir une approche véritablement participative dans la gestion des problématiques de santé publique. Nous devons continuer à soutenir et à renforcer ces espaces, car ils permettent de mettre en lumière les besoins de santé des populations clés. Ils ouvrent aussi le dialogue avec les instances gouvernementales et le Fonds mondial.
Au sein des ICN, l’engagement des communautés doit être appuyé : si elles sont impliquées initialement, notamment lors des dialogues avec le Fonds mondial, leur influence décline dans la suite du processus, lorsqu’adviennent les phases plus concrètes budgétaires et de validation finale. Or, pour garantir la mise en œuvre sur le terrain de politiques de santé publique efficace et inclusive, il faut des communautés mobilisées et activement impliquées à toutes les étapes.
Ce sont ces constats que nous souhaitions étayer de données probantes, obtenues via une approche scientifique rigoureuse, pour donner de la crédibilité aux témoignages des acteurs communautaires et catalyser un changement profond au sein des ICN. Nous avons donc entrepris cette étude RISE. C’est un projet de recherche communautaire indépendant, dirigé par un comité de pilotage composé de 13 membres issus de 11 pays. Durant plus d’un an, nous avons collecté des données dans plus de 80 pays.
Comment s’est organisé le partenariat avec L’Initiative dans la réalisation de cette étude RISE ?
Dès la réunion inaugurale à Casablanca début 2023, nous avons fait face à des défis financiers : nous ne voulions pas être tributaires de financements directs du Fonds mondial pour éviter toute influence extérieure dans notre démarche. Nous avons donc sollicité le soutien de L’Initiative. C’était une évidence : L’Initiative est déjà très engagée dans le renforcement de l’engagement communautaire au sein des ICN. Elle finance des projets dédiés à ce sujet, à l’instar du programme RIPOSTE, au Burkina Faso, à Maurice et au Burundi pour améliorer la participation des représentants des populations clés.
Comment ce partenariat s’est-il déroulé ensuite ?
L’Initiative nous a soutenus dès octobre 2023. Nous avons alors validé les protocoles de recherche et préparé l‘analyse des résultats. Puis, nous avons collecté les données jusqu’en décembre 2023, où nous avons organisé un symposium pour présenter les résultats obtenus lors de la 22e conférence internationale sur le sida et les infections sexuellement transmissibles en Afrique (ICASA) au Zimbabwe. Données probantes à l’appui, nous avons pu démontrer, que les ICN sont des espaces essentiels pour la participation des communautés, dans le partenariat avec le Fonds mondial.
À la suite de ces premiers résultats, nous avons réalisé que la portée de l’étude RISE méritait une visibilité plus accrue. Nous avons donc soumis une seconde requête à L’Initiative, demandant des fonds supplémentaires pour diffuser nos résultats et produire des infographies didactiques. L’étude a été traduite en cinq langues. Nous avons organisé un événement à Genève le 22 avril, en parallèle du 51e Conseil d’administration du Fonds mondial, réunissant des décideurs du Fonds mondial, des représentants de gouvernements, du secteur privé et des acteurs de la société civile, afin de présenter les résultats de manière détaillée.
Ces actions ont été possibles grâce au soutien continu de L’Initiative. Elle a joué un rôle essentiel dans notre capacité à diffuser nos résultats et à mobiliser l’attention nécessaire autour des enjeux identifiés par l’étude.
Quelles recommandations découlent des résultats de cette étude RISE ?
Parmi nos recommandations se trouve la mise en place d’un système de parrainage pour les acteurs communautaires qui rejoignent les ICN pour qu’ils bénéficient d’un mentorat et acquièrent les compétences nécessaires. Nous proposons aussi le renforcement de leurs capacités dans des processus complexes comme la budgétisation ou le suivi-évaluation. Nous envisageons la création d’un espace où tous les membres d’une ICN pourraient échanger des informations et se préparer à tous les niveaux : il faut prendre en compte les risques, y compris psychologiques, lorsque les acteurs parlent au nom de leur communauté dans leur pays. Il est essentiel d’adapter nos approches pour que les représentants des populations clés se sentent en sécurité et capables de prendre la parole dans ces environnements politiques. Nous devons nous assurer que les voix des communautés soient entendues partout, même dans les pays où les restrictions juridiques sont fortes.
Nous cherchons ainsi à établir des liens entre les ICN du Tchad et celle du Cameroun, malgré les défis spécifiques à ces pays comme la condamnation de l’homosexualité au Cameroun. C’est en cela que réside la beauté de notre initiative : transformer les défis en opportunités pour améliorer la santé publique et l’inclusion des populations clés.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Nous prévoyons un atelier à Maputo, au Mozambique, pour présenter les résultats dans diverses langues et nous anticipons une participation significative des activistes mozambicains. Nous organisons également un webinaire en septembre pour discuter de la manière dont ces recommandations peuvent être mises en œuvre par les parties prenantes (dont le Fonds mondial) pour couvrir le plus grand nombre de pays possible. Nous cherchons aussi des partenaires financiers pour étendre cette initiative. Nous échangeons également avec L’Initiative pour déterminer comment elle peut opérationnaliser ces recommandations dans ses missions ou appels à projets, dans un objectif d’engagement communautaire accru. Nous élaborons un projet en ce sens et solliciterons un budget de 3,5 millions d’euros, sur trois ans.