Interview croisée d’Anne-Claire Amprou, ambassadrice pour la santé mondiale, et Jérémie Pellet, directeur général d’Expertise France sur le rôle crucial de L’Initiative, dans la lutte contre les pandémies mondiales.
Anne-Claire Amprou
Ambassadrice pour la santé mondiale
Jérémie Pellet
Directeur général d’Expertise France
Quelle est votre vision de cette année de mise en oeuvre de L’Initiative, qui fait suite à la décision d’augmenter considérablement ses ressources ?
A.-C. A : L’augmentation des financements alloués à L’Initiative est une preuve de confiance vis-à-vis d’Expertise France et de l’équipe de L’Initiative. Les résultats obtenus ont montré que la France pouvait être plus présente et active dans la lutte contre les trois pandémies de VIH-sida, de tuberculose et de paludisme mais également plus largement sur le renforcement des systèmes de santé. Cette décision a permis de renforcer les outils de mise en oeuvre de la stratégie française en santé mondiale et notamment son action dans lutte contre les maladies transmissibles. Il est impératif de soutenir les pays les plus fragiles, ceux où un appui sur-mesure est nécessaire pour atteindre les objectifs de développement durable. Enfin, la complémentarité et les synergies avec les appuis du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme sont à la fois évidentes et pertinentes.
J. P. : La confiance du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères nous engage. L’augmentation des ressources allouées à L’Initiative a été décidée après un ambitieux travail évaluatif qui a démontré la valeur ajoutée de L’Initiative et donné des pistes d’amélioration. Nous avons révisé la stratégie de L’Initiative afin d’assurer son alignement avec la stratégie française en santé mondiale et celle du Fonds mondial. Nous avons également revu l’organisation de l’équipe, notamment en délocalisant des membres sur le terrain dans certains pays éligibles. En 2023, L’Initiative a montré qu’elle était au rendez-vous pour préparer les nouvelles requêtes de financement, de ce 7e cycle du Fonds mondial qui commence : 37 pays ont été accompagnés, un record. Je note enfin sa capacité à soutenir les pays qui traversent des crises, à l’instar de la Birmanie, l’Éthiopie ou l’Ukraine.
Les enjeux sont nombreux pour faire reculer les pandémies de VIH, de tuberculose et de paludisme. Comment être sur tous les fronts ?
A.-C. A. : Avant tout, il faut maintenir le principe de réponse à la demande des pays éligibles. Pour s’assurer d’une action pertinente et impactante nous devons reconnaître et prendre en compte la vision des acteurs de terrain qui savent de quels appuis techniques ou financiers ils ont besoin. Nous devons aussi renforcer les dialogues avec ces mêmes pays pour tester leur souhait de bénéficier et d’appuyer de nouveaux investissements sur des sujets insuffisamment pris en compte et qu’on dit « négligés ». Prenons l’exemple de la prise en charge pédiatrique : elle est en retard – voire très en retard – sur les trois pandémies. Nous devons être proactifs pour expérimenter de nouvelles approches, pour intégrer les services pour les nourrissons et les enfants, dans une offre améliorée de soins de santé primaire.
J. P. : Nous n’avons pas nécessairement à choisir entre la prévention, le dépistage et la prise en charge. Au contraire, nous devons être présents sur tous les enjeux du continuum de la riposte aux pandémies. À cet égard, les efforts croissants en matière d’appui aux systèmes de santé permettent une meilleure intégration de la lutte contre ces maladies tout en offrant des services de santé plus abordables, plus faciles d’accès, pour toutes et tous. Enfin, les investissements plus récents sur les comorbidités comme le cancer du col de l’utérus sont clés pour montrer le chemin vers une couverture santé universelle, centrée sur les besoins des personnes dans le respect de leur dignité.
Si vous deviez résumer L’Initiative en quelques mots ?
J. P. : L’Initiative sait aller jusqu’au dernier kilomètre pour renforcer les services de santé et assurer leur qualité. Son équipe ose prendre des risques en misant sur des approches innovantes. Elle met en lumière l’engagement historique de la France aux côtés du Fonds mondial.
A.-C. A. : L’Initiative est un outil agile au service des populations. Son investissement croissant au service des plus vulnérables, en faveur des ressources humaines en santé et dans des pays en crise représente des exemples remarquables de conjugaison entre les investissements massifs du Fonds mondial et une action sur-mesure.