Penda Touré
Directrice du Centre Solidarité et action sociale (Centre SAS) de Bouaké, en Côte d’Ivoire, Penda Touré est une figure emblématique de la lutte contre le VIH-sida. Elle revient plus précisément avec nous sur les initiatives et les progrès réalisés dans le combat contre le VIH pédiatrique.
Le Centre Solidarité et Action Sociale de Bouaké a été créé en 1995 pour accompagner les personnes vivant avec le VIH, y compris les jeunes et enfants. Il s’agit d’un dispositif novateur en ce qu’il n’existait à l’époque aucun programme dédié aux enfants et adolescents vivant avec le VIH, malgré les défis spécifiques qu’ils rencontrent. Le Centre SAS est aujourd’hui porteur du projet PRESERV. Il vise à renforcer l’accès des jeunes et des populations vulnérables aux services de lutte contre le VIH et à la santé reproductive. Cela passe, en plus de l’accompagnement médical, par un accompagnement psychosocial.
Quelle est votre mission au sein du Centre SAS ?
Le Centre SAS est une ONG initiée à partir d’un projet pilote du Centre international de l’enfance et de la famille. Notre mission est de faire en sorte que, psychologiquement, médicalement et socialement, les personnes vivant avec le VIH se sentent bien. L’accent est mis sur les enfants et les adolescents.
Pouvez-vous revenir sur la genèse du Centre SAS ?
Très tôt, nous avons compris que, par ignorance de la maladie mais aussi à cause des charges économiques, les enfants étaient les plus touchés. Nous avons donc développé une « approche famille », afin qu’une fois les parents décédés, les enfants ne se retrouvent pas à la rue. Nous prenions contact avec les membres de la famille pour faire en sorte de perpétuer l’encadrement des enfants si les parents venaient à disparaître. Puis nous avons introduit la prise en charge médicale. C’est comme ça qu’est né le Centre maternel infantile et communautaire.
Comment le Centre SAS aborde-t-il la prise en charge spécifique des jeunes nés séropositifs ou ayant contracté la maladie très tôt dans leur vie ?
La plupart du temps, ces jeunes devenaient orphelins et certains problèmes se révélaient à nous : d’abord l’école, puis les médicaments, puis les stigmatisations sociales. Et puis, au fur et à mesure qu’ils devenaient adolescents puis adultes, il fallait qu’ils se fassent suivre dans les centres dédiés aux adultes. Ce n’était pas simple : ils n’y étaient pas à l’aise du fait de leurs problèmes spécifiques, liés à la sexualité ou à l’entrée à l’université. Pour améliorer cette situation, nous avons développé avec eux un processus d’entrée dans l’âge adulte qui se fait en différentes étapes : la rencontre avec les professionnels ; une sorte de rite de passage générationnel avec une fête ; puis une formation de pair éducateur. À cela, nous avons ajouté des centres d’éducation sexuelle destinés aux parents, pour que les enfants puissent leur poser des questions relatives à la sexualité dès l’âge de douze ans.
Que vous a apporté le projet PRESERV ?
Nous avons longtemps rêvé du projet PRESERV. Il nous a permis de faire grandir le réseau de soin dédié aux adolescents. Il nous a aussi aidés à partager notre expérience avec les sites publics et les sites communautaires. Par ailleurs, nous sommes en train de passer à la deuxième phase, avec la mise en place d’indicateurs.
À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, quel message souhaitez-vous adresser aux communautés, aux décideurs et aux autres acteurs engagés dans la lutte contre le VIH ?
On va vers la fin du VIH en 2030. Cependant, si nous ne restons pas vigilants, l’infection va reprendre chez les jeunes car depuis qu’il y a le traitement, nous avons occulté la prévention. Il faut donc reprendre la prévention et la repenser. Ensuite, il faut faire en sorte d’impliquer les hommes pour protéger les mères et les enfants. Il faudrait aussi que les analyses de la charge virale soient accessibles et que le rendu des résultats soit plus rapide, pour maintenir dans le soin les personnes vivant avec le VIH. Enfin, il faut des soins intégrés partout, que l’on traite en même temps le VIH, la tuberculose, l’hépatite et le cancer du col de l’utérus, que l’on étoffe ces services autour des personnes vivant avec le VIH.
« Nés séropositifs » : les jeunes mobilisés contre le sida en Côte d'Ivoire
Dans ce reportage long format réalisé en partenariat avec RFI pour l’émission Priorité santé, plongez au cœur du Centre SAS à Bouaké, où des adolescents vivant avec le VIH se mobilisent contre la maladie. Quels sont leurs parcours, leurs interrogations ? Comment envisagent-ils l’avenir ? Dans ce reportage d’Igor Strauss, réalisé en partenariat avec L’Initiative, découvrez comment se passent la prise en charge et le suivi des adolescentes et des adolescents vivant avec le VIH-sida.