Face à un système de santé fortement fragilisé par la guerre, l’ONG AIDS Foundation East-West œuvre en Ukraine pour renforcer l’accès des populations vulnérables aux soins contre le VIH. Sa directrice, Elena Voskresenskaya, revient sur l’action de l’ONG dans la lutte contre le VIH parmi les usagers de drogue.
Elena Voskresenskaya
Directrice exécutive d’AFEW-Ukraine, présente avec dévouement les efforts de l’ONG pour soutenir les toxicomanes et lutter contre le VIH en temps de guerre.
Destructions d’établissements de santé, déplacements de populations, soignants blessés ou tués… En Ukraine, la guerre n’épargne pas le système de santé et affecte durablement la lutte contre le VIH. Face à l’urgence, l’ONG AIDS Foundation East-West (AFEW) agit pour renforcer l’accès aux soins des populations clés : adolescents, usagers de drogue, travailleurs du sexe, anciens prisonniers, personnes vivant avec le VIH… La directrice Elena Voskresenskaya présente les actions menées par AFEW en temps de guerre auprès des usagers de drogue.
Comment la guerre impacte-t-elle la lutte contre le VIH en Ukraine, notamment chez les usagers de drogues ?
Avant l’invasion russe, l’Ukraine avait réalisé des progrès remarquables dans la prévention du VIH, notamment parmi les populations clés. Cependant, la guerre a eu un impact négatif significatif. Dès le début du conflit, l’occupation de nombreuses villes par l’armée russe a perturbé les services de prévention et a lourdement affecté l’accès des utilisateurs de drogue aux thérapies de substitution. Le système de santé ukrainien a également dû faire face au déplacement massif de personnes des régions orientales et du sud vers l’ouest du pays. Et pour ne rien arranger à cette situation sanitaire critique, la qualité des drogues disponibles dans la rue a diminué, entraînant surdoses et décès.
Heureusement, l’intervention du Fonds mondial et d’autres partenaires internationaux a permis d’améliorer la situation. Les services de santé se sont progressivement rétablis, bien que la situation varie selon les régions, notamment dans celles qui sont occupées par la Russie.
Quelles sont les principales réussites du projet « Soutien d’urgence aux services VIH et SSR pour les adolescents qui consomment des drogues en période de guerre et post-guerre en Ukraine » ?
Nous avons renforcé les capacités des organisations locales et mis en place des services destinés aux adolescents consommateurs de drogues dans les zones rurales. Dépistage du VIH, réduction des risques, services psychosociaux, soutien juridique… Nous sommes intervenus dans les villages, les hameaux, les petites communautés pour travailler avec les jeunes et leur fournir un accès à ces services essentiels, habituellement concentrés dans les grandes agglomérations.
Comment assurez-vous la continuité des soins et du soutien aux consommateurs de drogues malgré les défis logistiques et de sécurité imposés par la guerre ?.
Face aux défis posés par la guerre et au danger qui pèse sur les infrastructures, nous avons rendu une grande partie de nos services accessibles en ligne. Grâce à ce format numérique, de nombreux consommateurs de drogues qui ont déménagé en Europe avec leurs familles restent en contact avec nos travailleurs sociaux. Par ailleurs, nous apportons une attention particulière à la santé mentale du personnel soignant, fortement éprouvée par la guerre et les situations de traumatisme qu’elle peut engendrer.
Comment voyez-vous l’évolution de la situation des consommateurs de drogues en Ukraine à l’avenir, notamment en ce qui concerne la prévention et le traitement du VIH ?
Malheureusement, et malgré l’engagement de l’État et du gouvernement dans la lutte contre le VIH, les budgets locaux et étatiques risquent de ne pas pouvoir soutenir les services de lutte contre le VIH comme c’était le cas auparavant, du moins pendant un temps. Mais soyons optimistes : nous observons dans la législation des changements susceptibles de faciliter l’accès aux services de soin. Par exemple, nous sommes en train de changer la réglementation pour que les travailleurs sociaux et les organisations non gouvernementales puissent fournir des tests de dépistage du VIH sans aucune restriction.
Avez-vous un message que vous aimeriez transmettre à l’occasion de la Journée mondiale du sida ?
Mon message serait probablement celui de la résilience. Je crois fermement que c’est la clé du succès de tous les programmes de lutte contre le VIH. Cela signifie être capable d’ajuster les budgets et les approches, mais également savoir s’adapter rapidement à la situation. Enfin, je le rappelle : il est crucial de placer les personnes affectées par le VIH au cœur de la décision.