Quels sont les messages portés par Impact Santé Afrique ?
Gravement touchée par le paludisme à l’âge de 7 ans, j’ai été sauvée par une prise en charge très rapide. Mais tout le monde n’a pas cette chance car, dans les communautés, les représentations sociales des maladies infectieuses limitent parfois la prise en charge et l’accès aux soins adéquats, en particulier pour le paludisme. Notre plaidoyer vise à sensibiliser les scientifiques, les responsables politiques et les décideurs sur cette dimension sociale du paludisme et à promouvoir le rôle des organisations de la société civile (OSC) et des agents communautaires.
Nous cherchons également à mobiliser les responsables politiques pour que les ressources domestiques améliorent l’accès de toutes et tous aux produits de santé : le Fonds mondial et les autres partenaires ne financent les besoins qu’à hauteur de 80 % et les pénuries d’approvisionnement sont souvent dramatiques pour les communautés.
Impact Santé Afrique se présente comme un « collectif de femmes engagées ». En quoi les femmes sont-elles particulièrement concernées par le paludisme ?
C’est aussi un message politique : les inégalités de genre entravent l’accès aux services de santé et contribuent à la sous-déclaration des cas de paludisme.
70 % des morts du paludisme sont des enfants de moins de 5 ans et des femmes enceintes. L’un des objectifs d’Impact Santé Afrique est d’impliquer davantage celles qui paient le prix le plus fort à la maladie.
C’est aussi un message politique : les inégalités de genre entravent l’accès aux services de santé et contribuent à la sous-déclaration des cas de paludisme.
Plus largement, nous militons pour que la prise en compte du genre soit systématisée dans la lutte contre les maladies endémiques.
Vous avez cofondé CS4ME en 2018. Quel est le rôle de cette plateforme dans la lutte contre le paludisme ?
CS4ME rassemble toutes les organisations de la société civile (OSC) mobilisées dans la lutte contre le paludisme dans 43 pays à forte incidence endémique. Elle coordonne le plaidoyer et l’engagement communautaire à l’échelle internationale pour concevoir et mettre en œuvre sur le long terme des stratégies contribuant à accroître l’efficacité de la réponse.
Au Cameroun, CS4ME veut orienter les politiques publiques et soutenir la mobilisation des ressources pour financer la prévention. Le risque palustre s’est en effet banalisé dans certaines communautés qui ont appris à vivre avec la maladie. Ce hiatus entre la banalisation du paludisme et les ravages qu’il occasionne se traduit par une certaine résignation des dirigeants des pays endémiques, dans lesquels à peine 50 % des besoins sont financés. Notre objectif est donc de faire de la lutte contre le paludisme une priorité durable pour les gouvernements.
En juillet 2019, vous avez réuni 40 OSC d’Afrique francophone en marge du sommet de l’Union africaine à Niamey. Quel était votre but ?
Nous voulions rappeler aux chefs d’États africains les engagements pris à Abuja en 2001 en matière de financements domestiques de la santé. La déclaration de Niamey, signée par 40 OSC de 15 pays d’Afrique francophone, a provoqué une vraie prise de conscience et débouché sur une contribution historique de l’Afrique à la conférence de reconstitution du Fonds mondial en octobre 2019. Pour la première fois, le Cameroun a ainsi promis de contribuer au Fonds mondial à hauteur de 5 millions de dollars.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a sollicité CS4ME pour ajuster sa stratégie de lutte contre le paludisme au contexte de la Covid-19. Quels sont les résultats de cette consultation ?
L’OMS nous a invités à contribuer à l’élaboration d’une stratégie de maintien des services de lutte contre le paludisme durant la pandémie. Grâce aux groupes de travail menés avec les OSC communautaires d’Afrique et de la zone Asie-Pacifique, le paludisme est resté une priorité. Nos messages ont été reçus au-delà de nos attentes.
Notre objectif est désormais de créer une task force société civile-OMS sur le paludisme. Elle s’assurera que les outils mis en place sont adaptés aux besoins locaux et que les communautés touchées participent à l’amélioration des stratégies préventives, notamment pour atteindre les groupes à haut risque.
Vous avez sollicité une assistance technique auprès d’Expertise France. Que va apporter cette mission à CS4ME ?
Elle va nous aider à concrétiser notre stratégie 2021-2025, qui repose entre autres sur le renforcement du plaidoyer et la participation des OSC et des communautés locales aux processus décisionnels. Les consultantes d’Expertise France sont déjà à l’œuvre pour nous permettre de clarifier notre feuille de route.
L’une des cibles de l’Objectif n° 3 de développement durable est de mettre fin au paludisme d’ici 2030. Est-ce un horizon réaliste ?
En Afrique, environ 80 % de la population doit être traitée et bénéficier de la prévention.
Si on veut atteindre cet objectif, nous devons nous retrousser les manches. En Afrique, environ 80 % de la population doit être traitée et bénéficier de la prévention.
Rien qu’au Cameroun, moins de 50 % de la population utilise correctement les moustiquaires reçues. Des fonds doivent être plus largement mobilisés au profit d’une stratégie ambitieuse qui tienne compte des enjeux démographique, climatique et d’accès aux soins des populations vulnérables, en particulier les réfugiés.