Vous avez récemment participé à une formation sur la prise en charge de la tuberculose au Mali organisée en collaboration avec Alliance Côte d’Ivoire. Quels étaient les enjeux de cette formation ?
L’enjeu était de définir l’apport possible des acteurs et des actrices communautaires et de la société civile pour améliorer les indicateurs nationaux de lutte contre la TB. Plus globalement, l’accent a été mis sur les droits des malades, la lutte contre la stigmatisation, les actions de mobilisation sociale et de plaidoyer ainsi que sur les différences liées au genre et le défi de la tuberculose chez les enfants.
Durant quatre jours, nous avons proposé aux participantes et aux participants des exercices pratiques de mise en situation pour favoriser des échanges participatifs et dynamiques. Nous avons construit et proposé quatorze modules pour donner aux participantes et aux participants des clés pour comprendre le rôle des acteurs communautaires et des organisations de la société civile dans la lutte contre cette maladie dans leurs pays, et comme intégrer la tuberculose dans les interventions de lutte contre le VIH.
Quel est le bilan de cette formation ? Va-t-elle être suivie d’autres actions de partage d’expérience ?
De l’avis général, cette session a constitué un excellent moment de partage entre des acteurs et des actrices issus des secteurs médicaux, associatifs et communautaires : ils ont pu échanger et partager leurs expériences dans une ambiance studieuse et ludique.
Avec l’appui d’Alliance Côte d’Ivoire, nous souhaitons mettre en place un suivi des résultats de la formation, voir si elle a des effets sur la mise en œuvre des activités communautaires sur le terrain au Mali. Mais l’idée est surtout de rendre accessibles les ressources tirées de cette formation qui a déjà été organisée dans plusieurs pays francophones. D’autant que ces ressources ont été alimentées par les participantes et les participants et que des aspects concrets tirés de leurs expériences de terrain ont été intégrés aux outils.
La session de Bamako a ainsi été entièrement filmée car, à terme, l’objectif est de mettre en ligne les modules pour que tous les acteurs et les actrices communautaires des pays francophones concernés par la lutte contre la tuberculose y aient librement accès. Des discussions sont en cours entre Alliance Côte d’Ivoire, L’Initiative, le Fonds mondial, l’OMS et le bureau TeAM pour structurer cette offre et définir un calendrier de diffusion.
La question des inégalités de genre est centrale dans cette formation. En quoi sont-elles un enjeu essentiel dans la lutte contre la tuberculose ?
D’après les données des programmes, quasiment deux fois plus d’hommes que de femmes sont touchés par la tuberculose dans plusieurs pays. Les hommes sont particulièrement exposés aux facteurs de risque de la maladie. Cependant, on se doit de relativiser ce constat : on ne peut pas ignorer les difficultés rencontrées par les femmes dans l’accès aux soins, particulièrement aux tests de diagnostic de la tuberculose.
En outre, des facteurs culturels bloquants demeurent et les discriminations pèsent aussi sur le choix de certains malades d’aller ou non se faire diagnostiquer, voire de suivre ou non un traitement. Toutes les personnes concernées doivent pouvoir trouver une écoute adaptée dans les centres de santé. Or, ce n’est toujours pas le cas partout. Par exemple, des préjugés tenaces empêchent encore certaines populations à risque de pousser la porte d’un centre de santé. C’est un des rôles clés des acteurs et des actrices communautaires et de la société civile : rendre plus accessibles les soins de la tuberculose, en communiquant et en encourageant la population à se rendre dans les services, à participer activement à sa santé et à celle de sa communauté.
Plus globalement, pourquoi est-il important de prendre en compte le genre dans l’élaboration des demandes de financement sur la tuberculose ?
Les épidémies de VIH et de tuberculose se développent, entre autres, grâce aux inégalités de genre et à l’offre des services non adaptés aux besoins spécifiques des personnes. Les programmes doivent donc accorder une attention particulière à la façon dont ces inégalités se répercutent sur les droits humains, la santé et le bien-être.
Tenir compte de ces questions dès l’examen des demandes de financement est essentiel pour que des actions spécifiques puissent être mises en place sur le terrain, d’autant plus que les organisations communautaires sont beaucoup plus sensibilisées à ces thématiques que les institutions publiques. Je pense ici surtout à celles qui ont une expérience sur le VIH et qui portent par principe une attention particulière aux questions de genre et aux populations clés.