Logé dans la province Nord du Rwanda, à seulement quelques kilomètres du parc national des volcans, l’Institut d’Enseignement Supérieur INES-Ruhengeri accueille début décembre une formation¹ de 5 jours destinée aux décideurs des programmes de lutte contre le paludisme (PNLP). Car loin des éruptions volcaniques, c’est le changement climatique qui menace aujourd’hui certaines régions, notamment en matière de lutte contre l’épidémie de paludisme.
Comprendre les facteurs de recrudescence des cas de paludisme
En effet, malgré les avancées réalisées pour élargir l’accès effectif aux moustiquaires imprégnées d’insecticide et aux médicaments destinés à prévenir et à traiter le paludisme (notamment chez les jeunes enfants et les femmes enceintes), la lutte contre le paludisme marque le pas : le dernier rapport de l’OMS confirme qu’en 2022 il y a eu 249 millions de cas de paludisme dans le monde, soit 16 millions de plus que les 233 millions enregistrés avant la pandémie de covid-19, en 2019².
Ce décrochage trouve sa source parmi une variété de facteurs : la résistance des parasites aux médicaments et des moustiques aux insecticides, les crises humanitaires, le manque de moyens et, de plus en plus, les répercussions du changement climatique. Les variations de températures et de pluviométrie affectent significativement la saisonnalité de la transmission, la densité, la distribution et le comportement des vecteurs. Elles redéfinissent aussi largement le périmètre des zones palustres endémiques causant une prolifération des moustiques porteurs des parasites à des altitudes et latitudes qui en étaient jusque-là exemptes³ ou ramenant la maladie dans des zones alors en voie de pré-élimination⁴, à l’image du Rwanda.
Capture et observation de moustiques vecteurs dans le cadre du projet de recherche opérationnelle de lutte contre le paludisme, TrapNet, en Côte d’Ivoire.
Une formation pour intégrer la réponse au paludisme dans une approche One Health
Première dans son genre, la formation « Changement climatique et paludisme » a pour objectif d’aider les pays concernés à tenir compte des bouleversements climatiques pour améliorer la réponse à l’épidémie. Elle s’inscrit dans une approche « Une seule santé » (One Health), qui invite à penser les enjeux sanitaires aux prismes conjoints de la santé animale, la santé humaine et l’environnement.
Bénin, Burkina Faso, Burundi, Mali, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Djibouti, Gabon, Guinée, Guinée équatoriale, Madagascar Mauritanie, République centrafricaine, République Démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo : en tout ce sont 19 pays francophones d’Afrique subsaharienne qui ont été invités à désigner deux personnes – directement issues des PNLP ou travaillant étroitement avec – pour suivre cette formation financée par L’Initiative.
Au cours de la semaine, les 11 formateurs⁵ articuleront leurs enseignements autour de l’interprétation des données de surveillance, la modélisation et les impacts directs et indirects du changement climatique sur le paludisme avec pour objectif de sensibiliser les PNLP.
« C’est important pour les PNLP non seulement de se rencontrer et d’échanger sur ce problème global mais aussi d’accéder aux nouveaux outils et aux approches récentes pour renforcer la lutte contre le paludisme en contexte de changement climatique ».
Jane Deuve, coordinatrice animation et valorisation scientifique de L’Initiative
A l’image de la masterclasse de recherche en tuberculose organisée un an plus tôt avec le Centre Pasteur du Cameroun, la pluridisciplinarité fera office de boussole recouvrant surveillance, entomologie, météorologie, modélisation, méthodologie de recherche ou encore approche multisectorielle. Un temps privilégié qui sera aussi propice au partage d’expériences et à l’expérimentation grâce aux témoignages des pays mais aussi à des exercices pratiques, notamment en matière de modélisation, enjeu capital de la surveillance épidémiologique.
Conçue pour répondre aux défis de long-terme posés par le changement climatique, la formation vise à tracer des perspectives de travail au-delà des frontières, une fois que les participants seront rentrés dans leur pays. Notamment en favorisant la collaboration entre les programmes et les services de météorologie ou l’intégration d’indicateurs environnementaux dans le système d’information sanitaire DHIS2. En sus, les PNLP pourront solliciter l’appui de L’Initiative par le biais d’assistances technique, de financement de projets ou encore via L’Accélérateur pour les aider dans leur riposte face au paludisme.
Changement climatique et paludisme : comment se préparer à la reconfiguration radicale de l'épidémie ?
L’Initiative tend à inscrire ses réflexions dans l’approche « One Health ». Une note d’orientation a été rédigée en ce sens pour dresser des premières pistes compréhension de l’impact du changement climatique sur l’épidémiologie au paludisme.
- Formation organisée avec l’appui d’un comité scientifique composé de :
– Dr Corinne MERLE, TDR – (Programme spécial de recherche et de formation en maladies tropicales, co-sponsorisé par l’OMS, UNICEF, Banque mondiale et PNUD).
– Dr André-Marie Tchouatieu, Director Access and Product Management chez Medicines for Malaria Venture (MMV).
– Dr Emmanuel Hakizimana, Director of Vector Control at Rwanda Biomedical Center (RBC).
– Pr. Jean-Louis Ndiaye Médecin Enseignant- Chercheur, Professeur de Parasitologie à l’Université de Thiès, Sénégal.
– Dr Corine Karema, Directrice de la lutte contre le paludisme et les MTNs au sein du Quality & Equity HealthCare au Rwanda
– Olivia Ngou, directrice exécutive d’Impact santé Afrique (ISA), coordonnatrice de la plateforme internationale de la société civile pour l’élimination du paludisme (CS4ME).
– Laura Anderson, Technical officer, Global Malaria Programme, OMS. - https://www.who.int/publications/i/item/9789240086173
- Parham P. E. & Michael, E. Modeling the effects of weather and climate change on malaria transmission. Environmental health perspectives, 118(5), 620-626. (2010)
- who.int/news-room/feature-stories/detail/It-was-just-the-perfect-storm-for-malaria-pakistan-responds-to-surge-in-cases-following-the-2022-floods
- Formateurs issus des institutions suivantes : Centre international de physique théorique (ICTP)-Trieste-Italie, Université de Thiès-Sénégal, MMV, TDR-OMS, Swiss Tropical And Public Health Institute (Swiss TPH), MoH Cambodge, IRD, Université Cheikh Anta Diop-Dakar-Sénégal, CS4ME, Institut Pasteur de Madagascar, Rwanda Biomedical Center.