Une initiative stratégique menée par le Fonds mondial dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest et centrale cherche à appuyer les acteurs communautaires et à renforcer leurs compétences. Nuccia Saleri travaille pour une plus grande délégation de responsabilités aux communautés dans les pays qui font face à des défis d’éloignement et d’insécurité.
Pouvez-vous décrire l’Initiative stratégique du Fonds mondial ?
Sur le cycle d’allocation précédent, le Burkina Faso, le Congo, le Mali, le Niger et le Tchad ont obtenu du Fonds mondial des fonds catalytiques pour des activités novatrices et des projets pilotes permettant notamment de détecter les cas manquants de tuberculose et d’améliorer l’accès aux traitements. En 2021, une enveloppe supplémentaire a été débloquée pour l’assistance technique. Les pays ont donc sollicité des appuis techniques dans le cadre de la mise en œuvre de leurs activités sur ces fonds catalytiques.
Dans ce cadre, ma mission pour le Fonds mondial est d’appuyer la mise en place de ces fonds catalytiques et de ces nouvelles subventions. Pour accompagner les pays, nous avons créé des groupes de travail réunissant des acteurs de la société civile, les programmes nationaux de lutte contre la tuberculose et le VIH-sida, des partenaires comme Expertise France et l’OMS, ainsi que des laboratoires ou d’autres institutions nationales financées pour mettre en œuvre des interventions sur la tuberculose. Elles permettent de faire le point sur les activités principales et d’identifier et de surmonter les difficultés rencontrées.
En quoi réside le défi de la délégation vers les communautés ?
En Afrique de l’Ouest et centrale, les défis sécuritaires sont multiples. Les populations rencontrent des difficultés à accéder aux structures sanitaires, quand elles sont encore ouvertes et n’ont pas mis la clé sous la porte. Pour l’instant, le seul pays à avoir élaboré un plan de contingence pour faire face à la situation est le Burkina Faso. Ce plan, élaboré grâce à l’appui technique et financier de l’Initiative stratégique du Fonds mondial, prévoit de renforcer le rôle des ONG humanitaires et des acteurs communautaires, par exemple pour le transport des médicaments dans les régions où les centres de santé ont fermé. L’idée est aussi d’augmenter la prime des agents de santé communautaire pour les inciter à continuer à travailler dans ces zones afin d’assurer la prise en charge et le suivi des patientes et des patients isolés. Au Niger, des discussions sont en cours pour élaborer un plan similaire.
De façon générale, la réticence des programmes nationaux envers les organisations de la société civile s’étiole. Ces dernières jouent en effet un rôle déterminant dans l’atteinte des populations clés même dans les zones les plus reculées : elles les sensibilisent aux bonnes pratiques d’hygiène, repèrent les cas contacts et luttent contre la stigmatisation des malades. Malheureusement, les financements du Fonds mondial sont encore trop faibles pour qu’une politique centrée sur les acteurs communautaires soit déployée massivement.
Le transport des échantillons est crucial pour rapprocher les personnes à dépister du diagnostic. Comment se déroule-t-il dans ces conditions ?
Au Burkina Faso, le ministère de la Santé a passé un contrat avec les services postaux qui se chargent du transport dans les zones sécurisées. Tous les échantillons sont identifiés et répertoriés, ce qui permet une remontée des résultats rapide et efficace. C’est une piste à suivre pour les autres pays. Le renforcement des capacités au niveau communautaire devrait également être étudié afin d’intégrer les acteurs de la société civile dans la collecte et le transport des échantillons vers le laboratoire le plus proche du domicile des patientes et patients.
Quelles sont les particularités de l’appui au Niger ?
Le Niger est un cas particulier parmi les cinq pays concernés. Le Fonds mondial m’a en effet demandé de l’appuyer dans le développement d’une stratégie de recherche active des malades tuberculeux sur le modèle de ce qui a été fait au Burkina Faso. Ces pays ont développé une « approche qualité » qui consiste à renforcer les capacités des formations sanitaires en matière de qualité des soins et d’identification des cas manquants de tuberculose. Actuellement développée dans quatre régions du Niger, elle se focalise sur les groupes à risque avec la mise en place d’un screening de masse grâce au dépistage mobile radiographique. Cependant, la situation sécuritaire du pays nous oblige à être prudents : dans les régions sensibles, nous nous appuyons sur les pairs éducateurs formés par les ONG pour réaliser ce screening de masse.
Qu’en est-il de la tuberculose pédiatrique ?
Il faut avant tout davantage de sensibilisation et de formation, notamment au niveau communautaire. L’enfant est particulièrement vulnérable dans sa famille. C’est là qu’il faut intervenir en priorité pour renforcer la qualité et l’utilisation des services thérapeutiques et préventifs. Pour le moment, cet enjeu n’est pas encore suffisamment pris en compte, même au niveau des programmes nationaux.
Pour le diagnostic, des méthodes alternatives ont fait leur apparition, comme les radios numériques ou l’analyse des échantillons de selles, même si ce dernier protocole n’est pas encore validé par l’OMS pour les enfants de moins de 15 ans.