Avec son appel à propositions 2021, L’Initiative a choisi de soutenir des recherches opérationnelles pouvant améliorer la prévention et la prise en charge de la tuberculose auprès des populations les plus vulnérables. Veronica Noseda, en charge du suivi de ces projets, partage sa vision du rôle de L’Initiative dans la lutte contre la tuberculose.
Douze mois de crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 ont réduit à néant douze ans de progrès dans la lutte mondiale contre la tuberculose. C’est le bilan accablant que dresse l’organisation Stop TB Partnership, qui met en exergue une baisse drastique de 20 % dans le nombre de diagnostics et traitements dans les neuf pays les plus touchés par la tuberculose, du fait d’un moindre recours à la prévention et aux soins par les groupes les plus exposés.
Parmi ces groupes, les personnes vivant avec le VIH, les personnes en contact rapproché avec des malades (dont les enfants, pour qui les difficultés de diagnostic demeurent majeures), mais aussi des personnes qui vivent dans des habitats surpeuplés et mal ventilés, comme les personnes incarcérées, les habitants de bidonvilles, les travailleurs des mines ou encore les populations soumises à des mouvements massifs de populations. Parce que, aujourd’hui comme hier, la tuberculose demeure une « maladie de la pauvreté », tant elle est fortement influencée par des facteurs économiques et sociaux aussi bien que biologiques.
C’est la raison pour laquelle L’Initiative a décidé de lancer en 2021 un appel à projets pour financer des recherches opérationnelles visant à répondre aux besoins des populations vulnérables tout en les impliquant dans la réponse. Il s’agit donc non seulement d’évaluer des stratégies novatrices de prévention, diagnostic et de prise en charge s’adressant de manière ciblée aux publics les plus exposés, mais aussi de valoriser leurs expériences et compétences dans la mise en œuvre de ces mêmes stratégies. En effet, si l’engagement communautaire est reconnu comme étant incontournable dans la lutte contre le VIH, beaucoup reste à faire dans le champ de la tuberculose.
L’appel à projets est structuré autour de trois axes de prioritaires :
- l’amélioration du recours au diagnostic et aux traitements auprès des populations difficiles à atteindre ;
- la promotion de stratégies d’éducation et de soutien des populations vulnérables pour retrouver les cas manquants, et l’amélioration des stratégies de « traçage » des perdus de vue sous traitement. Ces stratégies doivent tenir compte du haut niveau de stigmatisation que ces groupes peuvent rencontrer et de leur éventuelle difficulté d’accès aux services de santé ;
- l’amélioration de la prise en charge de l’infection tuberculeuse latente (ITL) chez les populations vulnérables, notamment chez les contacts d’un même foyer (enfants et adulte), les personnes vivant avec le VIH, les autres groupes à risque comme les personnes incarcérées, le personnel de santé, les migrantes et migrants de pays à forte incidence, les personnes sans domicile et les utilisateurs de drogues.
C’est la deuxième fois, en quatre ans d’existence, que l’appel à projets « recherche opérationnelle » de L’Initiative choisit la tuberculose comme thématique principale de l’appel. Cela marque la volonté d’Expertise France de contribuer à accélérer le mouvement vers une possible éradication de cette maladie.
La tuberculose est connue depuis l’Antiquité, le premier vaccin (le BCG) a été développé au début du xx e siècle. Et pourtant, on n’a toujours pas réussi à éliminer cette pandémie très meurtrière. Pire, les progrès dans la lutte contre la maladie ont parfois stagné, si l’on pense en particulier aux thérapeutiques, qui demeurent pour partie anciennes, longues et contraignantes. Aujourd’hui, le champ de la tuberculose vit un renouveau enthousiasmant, avec notamment la mise au point de régimes thérapeutiques plus courts (que ce soit dans le cadre du traitement des souches multirésistantes, mais aussi pour ce qui concerne les traitements préventifs de la tuberculose latente) et des avancées importantes dans le domaine diagnostic : désormais, grâce notamment aux tests moléculaires rapides, qui sont plus sensibles que l’examen microscopique de frottis, le diagnostic de la tuberculose peut être plus rapide et fiable, tout en demeurant techniquement faisable y compris dans des contextes éloignés des laboratoires de référence. En outre, plusieurs outils sont à l’étude pour faciliter le diagnostic auprès des enfants (en privilégiant notamment des analyses moléculaires à partir d’échantillons de selles ou d’aspirations nasopharyngées, qui permettent de surmonter la difficulté d’obtenir des crachats de la part des enfants), ce qui à terme accélérera leur prise en charge et réduira drastiquement la mortalité dans ce groupe particulièrement vulnérable.
Toutes ces avancées, néanmoins, risquent de rester lettre morte si elles ne sont pas mises en œuvre dans le cadre de stratégies de santé publique adaptées aux contextes locaux, que ce soit en termes de caractéristiques épidémiologiques, mais aussi de capacités des différents systèmes de santé. C’est sur cet aspect que les recherches opérationnelles peuvent faire la différence, en évaluant par exemple des stratégies intégrant de nouveaux outils qui encouragent une meilleure formation et utilisation des ressources humaines en santé ou une participation accrue des communautés afin de rapprocher les malades des systèmes de santé.
Un monde sans tuberculose est possible, et L’Initiative compte bien y contribuer. Il est plus que jamais le moment d’investir dans la recherche opérationnelle et dans des programmes de mise en œuvre pour que les progrès en cours puissent exprimer tout leur potentiel en faveur d’une meilleure santé et d’une meilleure qualité de vie des malades et pour que des décennies de travail ne soient pas annihilées par la crise sanitaire actuelle.
« Si l’engagement communautaire est reconnu comme étant incontournable dans la lutte contre le VIH, beaucoup reste à faire dans le champ de la tuberculose. »