Une épidémie de VIC concentrée
À Maurice, le ministère de la Santé et du Bien-Être (MoH&W) estime qu’en 2019 plus de 11 000 personnes vivent avec le VIH (PVVIH). L’épidémie reste cependant très concentrée parmi les populations clés : 38,6 % parmi les personnes qui s’injectent des drogues (PWID), 15 % parmi les travailleurs du sexe (SW), 17 % parmi les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et 27 % parmi les personnes transgenres (TG). Selon les données de la surveillance sentinelle nationale du VIH de 2017, 16 % de la population carcérale vit avec le VIH.
Depuis 2016, chaque année environ 400 nouveaux cas sont identifiés. Les personnes usagères de drogues par injection (PUDI) représentent 61,1 % de tous les nouveaux cas de VIH détectés à Maurice. De nombreux usagères et usagers de drogue, en raison de la criminalisation dont ils font l’objet, se retrouvent en prison. Avec une population quotidienne moyenne de 2 300 détenues et détenus réparties dans dix prisons, ces personnes constituent la principale population affectée par le VIH mais ne bénéficient pas de programmes intégrés de lutte contre les pandémies.
Les prisons mauriciennes peuvent constituer par conséquent une zone à risque de transmission du VIH, du VHC et de la tuberculose, alors que le système de santé actuel n’offre qu’un service rudimentaire aux personnes détenues déjà infectées/affectées par les épidémies, et un accès limité aux programmes de réduction des risques.
Une situation répressive pour les usagers de drogues
À Maurice, les PVVIH ont accès gratuitement au dépistage et au traitement du VIH, du VHC et de la tuberculose. Elles font cependant face à de nombreuses discriminations et stigmatisations entraînant des difficultés dans le continuum de soins : manque d’ARV (ruptures de stock), difficile gestion des effets secondaires, accès à d’autres lignes de traitement ARV dans le protocole VIH, services de conseil et de la confidentialité de la séropositivité de la patiente ou du patient.
Selon les estimations, sur les 11 000 personnes vivant avec le VIH à Maurice, seules 42 % ont une charge virale indétectable. Le pays est ainsi encore loin des objectifs fixés par l’Onusida pour atteindre l’élimination du VIH-sida d’ici 2030.
Dans les prisons, bien que les détenues et les détenus bénéficient de divers tests de santé à l’entrée – y compris d’un test de dépistage du VIH –, des des difficultés persistent. En effet, celui-ci n’est pas, ou peu, accompagné de conseils, de suivi et de prise en charge adaptés. Les personnes détenues séropositives ne sont mises sous traitement ARV que lorsque leur taux de CD4 est faible. Cette mise sous traitement est effectuée en public, au sein même de la cour de la prison, sans garantie de confidentialité. La distribution publique de traitement renforce une discrimination déjà très présente et décourage le respect des prescriptions. À cela s’ajoutent les effets secondaires non pris en charge qui représentent un frein important aux soins pour les détenues et les détenus.
Les détenues usagères et les détenus usagers de drogues sont également confrontés à une autre difficulté. Depuis 2015, la politique nationale de traitements de substitutions à la méthadone a été modifiée dans le pays. Après avoir stoppé la mise sous méthadone en 2015 pour les nouveaux arrivants et les nouvelles arrivantes, ce programme a repris en 2017 mais devant ou dans l’enceinte des stations de police. Peu à peu ce traitement retourne vers les centres de santé mais il subsiste encore une vingtaine de sites de dispensation de la méthadone devant les commissariats. Dans les prisons, bien qu’il soit de nouveau possible de dispenser de la méthadone, aucune mesure de réduction des risques telle que les programmes d’échange des seringues ou de distribution d’aiguilles stériles n’est mise en place. De même la mise à disposition de préservatif gratuit n’existe pas.
Un accompagnement presque inexistant
Une fois libres, les anciennes personnes détenues sont rarement accompagnées. En effet, il n’existe aucun programme d’accompagnement à la sortie pour les personnes vivant avec le VIH, le VHC ou la tuberculose qui ne sont que rarement orientées ou référées vers des établissements médicaux. De nombreuses difficultés se cumulent alors, rendant leur réinsertion dans la société presque impossible : double stigmatisation et discrimination en raison de la ou des maladies dont elles souffrent et de leur « statut d’ancien détenu ou d’ancienne détenue ». Ces défis combinés les enferment dans une spirale, perpétuant la chaîne de la pauvreté, de non-observance des traitements et de nouvelles incarcérations.
Il existe peu de programmes dédiés aux détenues et détenus ainsi qu’aux anciennes détenues et aux anciens détenus en particulier en matière de lutte contre les pandémies. Aussi, les diminutions des financements du Fonds mondial de ces dernières années ont fortement affecté les programmes existant. Bien que celles-ci constituent un des plus grands groupes de populations clés affectées, elles ne reçoivent pas de soins spécialisés pour le VIH et la tuberculose.
Améliorer les soins de santé pour les détenues et détenus ainsi qu’aux anciennes détenues et anciens détenus vivant ou affectés par le VIH, le VHC et la tuberculose à Maurice
Le projet porté par l’ONG PILS vise à améliorer l’accès des détenus et anciens détenus de Maurice à des soins de qualité en matière de VIH, de VHC et de tuberculose. L’Initiative apporte son appui au projet à travers un financement de 988 568 euros sur trois années.
Une étude sera menée auprès des détenues et détenus et des anciennes détenues et anciens détenus, ainsi qu’auprès d’agents pénitentiaires afin d’évaluer leurs connaissances sur la situation des soins de santé dans les prisons. Cette première étude déterminera les stratégies de plaidoyer et les activités à déployer pour favoriser la prise en compte des besoins spécifiques de ces populations dans les politiques nationales.
Pour améliorer la prise en charge des détenues et des détenus, les personnels de prison et des ONG intervenant dans les lieux de détention seront formés sur des sujets liés au VIH, au VHC et à la tuberculose, y compris sur la confidentialité et les meilleures pratiques de soins.
Le projet s’appuiera sur des pair-éducateurs : 45 hommes et 5 femmes seront ainsi formés et apporteront un soutien aux détenus dans leurs prises en charge. Toutes les personnes incarcérées recevront des informations sur le VIH, le VHC et la tuberculose. Les personnes les plus exposées, notamment les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, les personnes transgenre et les personnes usagères de drogues en injection en prison, ainsi que les détenues et les détenus vivant avec le VIH, le VHC ou la tuberculose, bénéficieront de conseils et d’un soutien psychosocial. Les détenues et les détenus seront également accompagnés à leur sortie de prison. Des activités d’aide à l’accès à l’emploi et d’accès à l’éducation/formation (en particulier pour les jeunes détenus) seront développées pour garantir leur réinsertion rendue difficile par le « certificat de moralité », une forme de casier judiciaire que les employeurs et les employeuses peuvent demander et qui freine le retour à l’emploi.
Une plateforme pour renforcer l’intégration des détenues et des détenus dans la société
Le projet propose de tester un nouveau type d’activité, le programme Travail alternatif payé à la journée (TAPAJ). Ce programme est inspiré d’un modèle similaire existant en France et au Canada, et développé dans le cadre de la prise en charge des usagères et des usagers de drogues par l’association Spectres de rue, membre de la Coalition des organismes québécois de lutte contre le sida, membre fondateur de Coalition plus.
Il offrira aux anciennes personnes détenues une plateforme pour participer de manière significative à la société et pour recevoir des soins de santé et ainsi les maintenir dans le continuum de la santé. Un millier d’entre elles bénéficieront ainsi d’une plateforme pour effectuer un travail rémunéré, tout en bénéficiant de soins de santé et d’un soutien sur le terrain. Chaque jour, un groupe d’anciennes et d’anciens détenus sera chargé de petits travaux pour assainir et embellir les lieux publics. Ils pourront bénéficier alors de conseils du personnel médical sur place et auront accès à des kits d’hygiène, des douches et des tests de dépistage. Les anciennes détenues et les anciens détenus seront ainsi engagés dans une activité socio-économique dans laquelle ils pourront partager leur expérience avec d’autres anciennes et anciens détenus, et recevoir des soins et un soutien immédiats de la part d’un personnel médical présent pendant les activités.
Coalition plus sera un partenaire essentiel de la mise en place de ce projet TAPAJ. L’expertise de Spectre de rue, fondateur de ce projet, sera sollicitée dès le départ par l’ONG PILS.
PILS et ses partenaires
L’ONG PILS est une association de lutte contre le sida fondée en 1996. Elle représente, mobilise et renforce les ONG et les communautés vulnérables de Maurice pour qu’elles militent, à travers le plaidoyer, pour améliorer la réponse nationale face aux pandémies. Depuis 2012, PILS est récipiendaire principal pour la société civile du Fonds mondial. Depuis 2013, PILS est membre de Coalition plus.
Le projet de l’ONG PILS financé par L’Initiative sera mis en œuvre à Maurice, en partenariat avec les associations AILES (Aides, infos, liberté, espoir et solidarité) et Kinouété, œuvrant association œuvrant dans les prisons et à l’accompagnements des anciennes détenues et des anciens détenus.