Pouvez-vous revenir sur la genèse de cette mission ?
Tout a commencé à la conférence AFRAVIH à Bruxelles, en avril 2018. Nous avons eu des premiers échanges avec les différentes organisations intervenant à Madagascar et leurs représentants : le secrétariat de Coalition plus, sa Plateforme océan Indien (PFOI), l’expert André Inwoley, la conseillère régionale en santé mondiale (CRSM) de l’ambassade de France à Antanarivo, et Rebecca Gillard, alors chargée du suivi de Madagascar à L’Initiative.
Depuis 2017, L’Initiative apporte son soutien au projet « Accès à des services de santé de qualité pour les populations clés », porté par le secrétariat de Coalition plus et mis en œuvre dans l’océan Indien par la PFOI. Dans ce cadre, un premier atelier avait été organisé avec les acteurs de la lutte contre le VIH-sida à Madagascar (société civile, institutions, programmes VIH, Onusida, SE CNLS) pour travailler sur une feuille de route de dépistage, restée en suspens. Puis en 2019, la situation s’est débloquée : les discussions sur le besoin de mettre en place le dépistage communautaire à Madagascar ont repris entre toutes les parties prenantes. Nous avons proposé d’apporter l’expérience de Coalition plus développée dans d’autres pays avec l’approche communautaire. Les autorités ont alors accepté de lancer une phase pilote.
Quelle a été la contribution des différents acteurs dans ce processus ?
Le professeur André Inwoley, expert mobilisé sur le volet dépistage par L’Initiative, a été clé dans cette discussion. Avec son charisme et son bagage d’expert international, il a mis les autorités malgaches face à la réalité de la situation de l’épidémie, et les a convaincues de la nécessité d’y apporter une réponse plus adaptée.
Le rôle de la Plateforme océan Indien de Coalition plus fut d’assurer une vraie prise en compte des besoins des communautés. Début 2019, des discussions sur les modalités de la participation de la PFOI à travers PILS ont été lancées, ainsi qu’une consultation des autorités malgaches par rapport aux possibilités d’inclusion des acteurs communautaires dans la phase de dépistage pilote. Le SE CNLS a alors sollicité L’Initiative à travers une demande d’assistance technique, en identifiant PILS comme pourvoyeur d’assistance technique, afin d’assurer la formation de formateurs communautaires au dépistage, puis la supervision de la formation des pairs-éducateurs. Nous saluons d’ailleurs la démarche du SE CNLS de nous inclure dans ce processus et le remercions pour son ouverture.
Médecins du monde a aussi été impliqué à travers le projet d’Observatoire communautaire de l’accès aux soins VIH pour les populations clés, soutenu par L’Initiative, qui a produit des données objectives apportant des réponses aux questions que les autorités malgaches se posaient depuis longtemps. Elles ont aussi montré un certain déni de la population malgache par rapport au VIH, ce qui nous a poussés à intégrer dans la formation des modules qui visaient à expliquer aux pairs éducateurs ce qu’était le VIH, ses modes de transmission, etc.
Enfin, je tiens à remercier Rebecca Gillard, notre interlocutrice à L’Initiative, qui connaissait bien la situation à Madagascar et nous a fait confiance pour mettre en œuvre cette mission.
Quels ont été les défis auxquels vous avez fait face ?
Nous avons été confrontés à des problèmes de coordination au niveau national : manque de personnel, manque d’intrants, manque d’outils de coordination, problème de disponibilité des fonds et notamment des indemnités des pairs-éducateurs… du fait peut-être d’une certaine forme de réticence de la part des autorités.
Nous avons donc opté ensemble pour la stratégie des petits pas, à l’image du mantra de Coalition plus : « la lutte contre le sida est hautement politique. » Si la politique ne s’en saisit pas, la lutte ne peut pas avancer.
Suite à la phase pilote, le dépistage démédicalisé a été inscrit dans l’actuel programme du Fonds mondial, ce qui démontre un progrès. Malheureusement, les associations avec qui travaille aujourd’hui la PFOI ne sont pas incluses dans ce programme de dépistage : seules les structures récipiendaires de subventions du Fonds mondial en font partie. Aussi, cela pose la question de l’accessibilité des intrants pour les autres associations de lutte contre le VIH non impliquées dans le programme du Fonds mondial alors qu’elles ont une vraie proximité avec les PC. C’est un sujet sur lequel nous continuons à travailler, en apportant un appui technique en plaidoyer aux associations communautaires et identitaires malgaches.
Quel a été l’apport pour PILS d’être mobilisé sur cette mission d’assistance technique ?
C’est une reconnaissance de notre expertise et c’est à l’image du combat que nous menons à Coalition plus : montrer que l’expertise ne se trouve pas qu’au niveau des experts internationaux, mais aussi des acteurs communautaires. Nous sommes désormais bien identifiés par les institutions à Madagascar et nous avons ainsi pu amorcer une collaboration concrète avec le SE CNLS.
Cela a aussi permis aux personnes que PILS a sollicitées pour intervenir dans le cadre de la mission de mettre en avant leur propre expertise sur l’approche communautaire et le dépistage démédicalisé. C’était important pour nous d’intégrer des pairs-éducateurs qui travaillent avec les communautés. Il s’agit de transmettre non seulement le savoir-faire technique, mais surtout l’approche qu’il y a autour.
Pouvez-vous nous parler de la demande de capitalisation que vous avez soumise à L’Initiative ?
Cette année, PILS fêtera ses vingt-cinq ans. À cette occasion, nous allons travailler sur une vidéo de capitalisation de la mission réalisée à Madagascar. Le but est de reprendre les images de la formation de formateurs, les interviews des formateurs pairs-éducateurs, les entretiens avec le professeur Inwoley et les membres du SE CNLS, pour croiser leur vécu de cette expérience collaborative. Je remercie à cette occasion mon collègue Guffran Rostom, qui a récolté tout ce matériel et amorcé la réflexion sur la valorisation des résultats de la mission, en lien avec l’équipe de L’Initiative. Pour conclure, je dirai que c’est un travail de fourmi : Il y a eu plusieurs morceaux de sucre rassemblés au fur et à mesure des années pour arriver à cette mission.