Améliorer la santé maternelle et infantile des femmes les plus vulnérables au Ghana

Peter Badimak Yaro : Au Ghana, les services de santé mentale et de soutien social dans les établissements de santé sont insuffisants : 90 % des personnes ayant des besoins en santé mentale ne reçoivent aucun traitement, les femmes et les adolescentes étant les plus touchées. Ce projet vise à renforcer le soutien en santé mentale au sein des structures de soins maternels et infantiles, ainsi que dans les cliniques de traitement du VIH et de la tuberculose (TB). L’objectif est d’améliorer la qualité globale des soins.

Le projet cible spécifiquement les femmes enceintes, les adolescentes et les mères en post-partum avec des enfants de moins d’un an, vivant avec le VIH ou à risque de le contracter, ainsi que les survivantes de violences basées sur le genre ou de violences domestiques. Ces personnes manquent souvent de soutien psychosocial pour faire face à leur situation et suivre leur traitement.

Face aux taux élevés et persistants de mortalité maternelle et infantile, l’intégration des soins en santé mentale pour les femmes et les filles dans le secteur de la santé reproductive est essentielle. Ça l’est également dans les services de lutte contre le VIH et la TB pour lutter contre ces pandémies mondiales. Le VIH est un problème majeur de santé publique au Ghana, avec actuellement 334 095 personnes vivant avec le virus et 17 774 nouvelles infections en 2024. Le pays n’est pas en bonne voie pour atteindre l’objectif de développement durable, qui vise à réduire de 75 % les nouvelles infections.

Entretien avec une femme enceinte au centre de santé de Yagaba.
Entretien avec une femme enceinte au centre de santé de Yagaba.

Peter Badimak Yaro : Vivre avec le VIH expose fortement aux troubles de santé mentale. Beaucoup de personnes ressentent une anxiété profonde après leur diagnostic et peuvent traverser une phase de déni. La stigmatisation qu’elles subissent ne fait qu’aggraver leur détresse psychologique. Parallèlement, les personnes atteintes de dépression adhèrent moins à leur traitement : des études démontrent que la santé mentale affecte la gestion du VIH et les résultats sanitaires en général. Les personnes souffrant de troubles mentaux ont aussi plus de risques de contracter le VIH, en raison de leurs comportements à haut risque (consommation de drogues injectables ou travail du sexe). C’est pourquoi ce projet intègre un soutien en santé mentale et en accompagnement social dans la prise en charge du VIH et de la TB. Il renforce également la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Aujourd’hui, 12 108 femmes enceintes suivent un traitement antirétroviral (ARV) au Ghana.

Prendre en compte la santé mentale et le soutien psychosocial est une approche essentielle pour lutter efficacement contre le VIH et la TB : ces aspects jouent un rôle déterminant dans l’adhésion au traitement et le bien-être des patients. Pourtant, ils ont longtemps été négligés. De plus, la santé maternelle et infantile est étroitement liée à ces maladies. Aujourd’hui, soutenir la santé mentale des femmes enceintes est reconnu comme un levier fondamental pour améliorer les résultats en matière de santé maternelle et infantile.

Nous sommes très reconnaissants pour l’appui technique et les conseils fournis par L’Initiative. Leurs retours et leur aide dans le suivi et l’évaluation de nos progrès dans la mise en œuvre du projet sont inestimables pour répondre à cet enjeu crucial au Ghana.

Peter Badimak Yaro : Le projet a débuté en mai 2024 et est déployé dans 28 sites répartis sur 14 districts, notamment dans des établissements de soins primaires, des hôpitaux et ce que nous appelons les CHPS compounds (Community Health Planning and Services), des structures communautaires de santé au Ghana. Sa mise en œuvre est axée sur les zones les plus vulnérables. La plupart des districts concernés se situent dans le nord du pays, ainsi que dans certains quartiers défavorisés de la banlieue d’Accra, où les services de santé sont insuffisants. Nous visons à toucher un total de 14 000 femmes enceintes, adolescentes et mères en post-partum vivant avec le VIH ou à risque de le contracter, ainsi que des survivantes de violences basées sur le genre ou de violences conjugales.

Pour ce faire, nous avons élaboré un protocole qui a été soumis au Ghana Health Service pour approbation. Cela nous a permis d’évaluer la situation existante et d’établir une base de référence. Sur la base de ces constats, nous affinons nos objectifs et résultats attendus. En outre, nous développons un manuel simple et pratique pour former les agents de santé communautaires au soutien en santé mentale auprès des populations ciblées.

Entretien avec une infirmier en santé communautaire à l'hôpital de Kubori.
Entretien avec une infirmier en santé communautaire à l’hôpital de Kubori.

Peter Badimak Yaro : Nous travaillons avec les agents de santé communautaires, les structures de soins CHPS et les établissements de santé de niveau sous-district, qui constituent le premier niveau de soins de santé au Ghana. Par ailleurs, nous collaborons avec les hôpitaux de district et régionaux en tant que centres de référence dans les zones ciblées. Dans certaines régions, la seule prestataire de soins disponible peut être une sage-femme communautaire ou une infirmière. Nous les impliquons, ainsi que les agents de santé villageois, pour mobiliser un soutien communautaire aux services de santé mentale et psychosociaux.

BasicNeeds est une organisation de plaidoyer pour la santé mentale et le développement, avec plus de 20 ans d’expérience dans le soutien aux personnes atteintes de troubles mentaux. Notre méthode met l’accent sur l’autonomisation des personnes vivant avec des troubles mentaux, et sur leurs proches, pour faciliter l’accès aux soins et promouvoir la réinsertion sociale et économique dans leur communauté. Nous privilégions le soutien communautaire plutôt que l’hospitalisation psychiatrique, notre objectif étant de renforcer les systèmes de santé à l’échelle locale. Par la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux, le projet vise à favoriser leur inclusion sociale, à réduire la stigmatisation et la discrimination, et à plaider pour des politiques inclusives en faveur des populations pauvres et marginalisées.

Peter Badimak Yaro : Nous commençons par des dépistages à l’aide d’un outil validé pour évaluer les troubles mentaux et les besoins en soins des femmes enceintes et des mères. Ces évaluations peuvent se faire à différentes étapes de la grossesse ou chez des mères ayant des enfants de moins d’un an. Les mères présentant des signes de troubles mentaux seront orientées vers un accompagnement psychosocial et un soutien. Pour celles sous traitement antirétroviral ou contre la TB, cet accompagnement facilitera l’adhésion aux traitements.

Nous favorisons aussi la création de groupes de soutien entre pairs, qui renforcent la solidarité et l’entraide. Ce soutien mutuel joue un rôle clé dans l’atténuation des impacts des troubles mentaux et l’amélioration de l’adhésion aux traitements, en aidant les femmes à suivre leur thérapie antirétrovirale et à respecter leurs consultations prénatales et postnatales, y compris les vaccinations. Ces groupes mèneront également des actions de sensibilisation pour éduquer les communautés sur la santé mentale, le VIH et la TB. Ces initiatives permettront de réduire la transmission du VIH, d’améliorer l’adhésion aux traitements et de promouvoir des comportements plus sains. Enfin, des campagnes médiatiques et communautaires viendront renforcer la compréhension publique de la santé mentale et de son lien avec le VIH et la TB.