Immersion au cœur d’une visite à domicile : quand l’accompagnement appuie le parcours de soins
Le projet RAITRA vise à améliorer la santé des populations vulnérables à Madagascar par le renforcement de la prévention de la tuberculose, du VIH et du paludisme, tout en intégrant les acteurs communautaires dans les stratégies nationales et en autonomisant les ONG locales.
La tuberculose prospère là où l’extrême pauvreté et la malnutrition affaiblissent les défenses immunitaires. Dans les quartiers défavorisés d’Antananarivo, à Madagascar, la tuberculose reste une ombre silencieuse : malgré la gratuité des traitements, 8,5% des patients diagnostiqués et notifiés étaient perdus de vues au niveau national. Pauvreté, malnutrition et stigmatisation : les conditions de vies particulièrement précaires freinent l’accès aux soins.
Dans ce contexte, le projet RAITRA, soutenu par L’Initiative depuis juillet 2021, mise sur l’inclusion des communautés urbaines défavorisées dans le dépistage et la prise en charge de la tuberculose. Il s’appuie sur un réseau d’acteurs communautaires et l’autonomisation des ONG locale pour renforcer la prévention de la tuberculose, du VIH et du paludisme en créant un lien de confiance avec les patients pour lever les freins psychosociaux et garantir une adhérence optimale aux protocoles thérapeutiques.
Immersion au cœur d’une visite à domicile, véritable pilier de ce dispositif innovant.

Immersion au cœur du projet RAITRA
RAITRA se donne pour mission d’impliquer directement ces communautés vulnérables grâce à un partenariat solide entre ATIA et trois organisations non-gouvernementales locales : KOLOAINA, VAHATRA et MAMPITA. Depuis juillet 2021, acteurs communautaires sillonnent les quartiers défavorisés, non seulement pour délivrer des médicaments, mais pour écouter, dialoguer et co-construire un soutien sur mesure. Leur credo : replacer la personne au centre du soin.
Il est 14 h à l’ouest du quartier Analakely de la capitale : sous la toiture de tôle d’une petite bâtisse en bois, une jeune maman d’une vingtaine d’années, que l’on nommera Miary, s’efforce de bercer son bébé récemment circoncis. Visiblement émaciée, elle se plaint de violentes crampes abdominales et d’une douleur persistante lorsqu’elle tente d’avaler quelques bouchées de riz. Chaque gorgée est une épreuve.

Faly, agent de santé communautaire de l’ONG partenaire KOLOAINA, s’assoit près du lit, sur un banc, proche d’elle et commence par un sourire rassurant : « Miarahaba anao, Miary. Merci de m’accueillir. Raconte-moi comment tu te sens aujourd’hui. » Peu à peu, le visage de la jeune femme se détend : elle explique que, pour récupérer ses médicaments, elle doit traverser des ponts de fortune au‑dessus d’étangs pollués, puis marcher longtemps sous un soleil impitoyable – un trajet impossible quand on n’a ni force ni ressources.
Faly prend des notes, pose des questions ouvertes pour comprendre l’origine de sa détresse : la peur de contaminer son enfant, la honte face aux voisins, la maladie qui ronge son corps. Il l’écoute, sans jugement, lui prodigue des conseils d’hygiène, de nutrition, et lui confirme que son traitement ne doit pas être interrompu. Il l’encourage et cherche à l’aider : « Il est essentiel de poursuivre ton traitement jusqu’au bout. Peux‑tu demander à ton mari de venir chercher tes médicaments pour toi ? »

Au fil de la discussion, un lien de confiance se tisse : Miary accepte de partager ses craintes et perçoit que l’on se soucie de son bien‑être. Avant de partir, Faly lui propose de revenir chez elle, au maximum dans quinze jours. Sur le chemin du retour, il note déjà les relais à mobiliser pour ne laisser aucune question sans réponse.
Des méthodes qui font la différence
Chaque visite à domicile s’appuie sur une démarche structurée : écoute active, entretien motivationnel, relation d’aide. Les agents de santé communautaires sont formés à repérer les violences basées sur le genre (VBG), à sensibiliser individuellement et à orienter vers d’autres services (hospitalisation, appui nutritionnel, assistance juridique). En parallèle, deux fois par mois, des ateliers de groupe de parole réunissent patients et leur personne de soutien pour briser l’isolement et lever l’autocensure. Chaque semaine, une permanence est tenue dans les centres de diagnostic et de traitement. Cette approche holistique crée un véritable filet de soutien et de sécurité autour des patients.

Grâce à cette stratégie, le taux de perdus de vue a chuté spectaculairement : seulement 0,56 % dans le cadre du projet RAITRA, contre 8,5 % au niveau national. Les dépistages ont augmenté de 25 % dans les quartiers ciblés, et les patients témoignent d’une confiance renouvelée envers le système de santé.
Depuis, les autorités nationales ont reconnu l’efficacité de cette approche, complémentaire du travail des agents de santé communautaires.
Fort de ces succès, les organisations locales plaident pour une mise à l’échelle nationale de ce modèle d’accompagnement psychosocial. Elles indiquent qu’en intégrant ces visites à domicile et permanences sociales au schéma sanitaire public, Madagascar pourrait transformer durablement sa lutte contre la tuberculose et réduire drastiquement les pertes de suivi.
Par sa complémentarité, RAITRA démontre que la lutte contre la tuberculose ne se limite pas aux dispensaires : elle s’invente dans la vie quotidienne des patients, à travers des visites à domicile, des mots bienveillants et des actions solidaires qui changent le cours de la maladie.