« Le VIH à travers les âges » — regards croisés et leçons apprises

Comme l’a rappelé Éric Fleutelot, directeur technique du pôle Grandes pandémies d’Expertise France, célébrer la journée mondiale de lutte contre le VIH-sida le 1er décembre, c’est aussi prendre la mesure d’une évolution majeure : grâce aux traitements, il est désormais possible de vieillir avec le VIH. Cette avancée heureuse impose cependant d’adapter les politiques et les programmes aux nouveaux défis — comorbidités, isolement, besoins psychosociaux — et d’inclure explicitement toutes les tranches d’âge dans la prévention et les soins.

L’évaluation transversale a analysé les stratégies déployées, les difficultés rencontrées et les enseignements tirés quant aux enjeux du VIH tout au long de la vie. Elle confirme un principe opérationnel clair : la lutte contre le VIH exige une approche différenciée selon l’âge. Les besoins d’un enfant, d’une personne adolescente, jeune adulte ou âgée, diffèrent — prévention adaptée, annonce du statut, accompagnement psychosocial, gestion des comorbidités — et demandent des parcours sur mesure.
Témoignages d’acteurs de terrain, vidéos illustrant des réussites et débats ont permis de mettre en relief ces différences et les pratiques qui fonctionnent.

La restitution a rappelé que les solutions de proximité, portées par les communautés elles-mêmes, sont souvent les plus efficaces comme l’indique en interview Nguyễn Minh Trang, responsable de la réduction des risques du projet DREAMH, continuité des projets « Saving the Future » : « Nous avons observé des résultats convaincants : le dépistage par les pairs était accepté, le soutien communautaire facilitait le maintien dans les soins et près de 80 % des personnes présentaient une amélioration clinique après un an. »

Les actions communautaires — prévention, dépistage, prise en charge, soutien psychosocial, accompagnement par les pairs— renforcent l’observance, réduisent les ruptures de soins et facilitent l’orientation vers les services publics.

Clé dans la lutte contre le VIH, la santé sexuelle et reproductive reste trop souvent taboue à tous les âges : parents réticents à parler sexualité avec leurs enfants, invisibilisation de la sexualité des personnes âgées…

Le projet PAJES (Solthis, Guinée) a développé l’application G Qui Ose, co-conçue par des jeunes, offrant un espace intime et confidentiel (quiz, vidéos, alertes sur les violences basées sur le genre, orientation vers services). Les formats sont adaptés aux usages — mobiles, interactifs — et améliorent l’accès à l’information et le référencement vers des soins adaptés.

La santé mentale est un déterminant majeur : elle influence l’engagement dans le dépistage, la prévention et l’accès aux soins, et affecte la qualité de vie des personnes concernées. Dr Oanh Thi Hai Khuat (SCDI, Vietnam) a souligné que les problèmes de santé mentale réduisent la bonne observance aux traitements et augmentent les risques sociaux et sanitaires.

« Grâce au projet Saving the future, soutenu par L’Initiative – Expertise France, nous avons développé et testé des interventions communautaires adaptées : sensibilisation, dépistage, accompagnement psychologique, prise en charge des traumatismes et orientation vers des services professionnels » a indiqué Dr Oanh Thi Hai Khuat lors de l’évènement.

La rencontre a mis en lumière une catégorie de personnes souvent négligée : les personnes âgées vivant avec le VIH.

Si le fait que l’on puisse vivre longtemps avec le VIH est le signe d’une véritable avancée, cela s’accompagne cependant de nouveaux défis : comorbidités, isolement, précarité économique…

Pour que ces problématiques soient entendues, le projet VIHeillir a soutenu l’organisation d’une Journée internationale des personnes âgées au Cameroun où une pièce théâtrale a été jouée par des aînés, cri collectif pour un appel à une reconnaissance et à des politiques qui prennent en compte le vieillissement des personnes vivant avec le VIH.

Lors de l’évènement, le témoignage de Nanga Botté Edgar Charles a illustré l’impact concret du projet VIHeillir : prise en charge de son hépatite C, soutien financier et amélioration de la qualité de vie, lui redonnant « espoir pour l’avenir ».

La rencontre-débat a montré que les solutions existent et fonctionnent : elles combinent interventions communautaires, institutionnalisation de la continuité des soins, outils numériques adaptés, intégration de la santé mentale ou encore la plus-value des dynamiques intergénérationnelles.

Par le témoignage d’acteurs et actrices de la lutte contre le VIH de tout âge, la rencontre a rappelé que l’implication des personnes concernées est essentielle.

« Rien pour nous, sans nous » : les jeunes comme les personnes âgées sont les plus à même de connaître leurs besoins spécifiques et de porter le plaidoyer afin que ceux-ci soient pris en compte.