Le genre, un sujet transversal de L’Initiative
En accord avec sa stratégie globale, L’Initiative intègre pleinement la dimension du genre dans ses activités. Le groupe de travail genre de L’Initiative est un des plus actifs parmi les groupes de réflexion transversale. Adeline Battier, chargée de projets au sein de L’Accélérateur, a repris l’animation du groupe en 2022.
Pourquoi l’intégration du genre est-elle nécessaire pour répondre à la mission première de L’Initiative : améliorer l’accès à la santé pour toutes et tous, éliminer les pandémies de VIH-sida, tuberculose et paludisme ?
Les femmes rencontrent des obstacles sociaux et financiers qui limitent leur accès aux services de santé. De la même manière, les hommes peuvent faire face à d’autres contraintes comme des contraintes professionnelles qui les empêchent de se soigner correctement. Les défis en matière de santé et d’utilisation des services de soins diffèrent entre les hommes et les femmes. Les inégalités associées au genre sont vraiment un déterminant majeur de l’état de santé des individus. Il faut le prendre en compte quand on met en place un projet de prévention et d’amélioration de l’accès aux services de santé. C’est valable pour absolument toutes les maladies et pour tous les types de motifs de consultations.
Comment, concrètement, intégrer la dimension du genre dans les projets de développement ?
En tant qu’acteur de l’aide au développement, nous avons des objectifs à remplir et des comptes à rendre. Jusqu’à présent, on se fixait un objectif de 50 % des projets financés ou mis en œuvre qui doivent prendre en compte le genre au sein de leurs objectifs. Nous devrions progressivement atteindre 75 % dans les années qui viennent. Pour y arriver, il faut vraiment que nous accompagnions les porteurs de projet. Certains nous le demandent et dans ce cas-là, on peut mettre en place des expertises dédiées. Pour d’autres, le genre n’est pas une priorité, ce qui nous incite à être plus prescriptifs. Mais l’idée est de rester dans le dialogue. Il arrive qu’après des heures de discussion, on aboutisse à une activité supplémentaire, un volet « sensibilisation de professionnels de santé » par exemple. C’est un début, on met une petite graine, puis on voit si ça prend.
Y a-t-il un projet emblématique financé et accompagné par L’Initiative qui prend en compte le genre ?
L’Accélérateur a récemment investi 5 millions d’euros sur des projets de prise en charge du cancer du col de l’utérus dans cinq pays. On pourrait croire que le sujet genre est assez évident, parce que le cancer du col ne concerne que les femmes. En réalité, c’est beaucoup plus complexe. Ouvrir des services aux femmes n’est pas suffisant si on ne prend pas en compte leurs contraintes et les freins spécifiques auxquels elles font face pour y accéder. L’un des objectifs des projets est d’analyser les freins au dépistage du cancer du col par frottis. Parfois, les femmes n’osent pas aller chez le médecin en raison de ce geste un peu invasif. On peut donc leur proposer de le réaliser elles-mêmes en leur expliquant comment faire. C’est un projet innovant et intéressant, où l’on permet aux femmes d’accéder à un service gratuit tout en prenant en compte un frein potentiel.
Comment la question du genre est-elle abordée à l’international ?
Au niveau international, il y a un certain nombre de stratégies et de feuilles de route – notamment les Objectifs de développement durable – qui intègrent l’enjeu d’égalité femmes-hommes. La France a un positionnement assez fort sur ce sujet. Depuis 2017, elle a développé ce qu’elle appelle la « diplomatie féministe » via une stratégie internationale de la France en matière d’égalité femmes hommes qui est en cours de révision. C’est vraiment un cadre stratégique qui positionne la France en première ligne pour défendre l’enjeu du genre en matière de santé et plus largement en matière de gouvernance, de justice et de politiques publiques. La stratégie internationale de la France en matière de droits et santé sexuels et reproductifs intègre également ces sujets.
L’Initiative a d’ailleurs participé à l’élaboration de cette stratégie.
L’une de nos missions est de participer au rayonnement de la France et des acteurs francophones. Grâce à notre influence et au réseau diplomatique français, nous sommes capables de faire exister certains sujets et de porter un plaidoyer auprès des gouvernements, même ceux qui pourraient être plus réfractaires sur ces sujets. Il y a eu tout un travail de consultation de l’ensemble des acteurs français sur la thématique des droits et santé sexuels et reproductifs. C’est donc assez naturellement que nous avons participé à l’élaboration de cette stratégie et à sa relecture.
Comment le genre est-il intégré aux activités de L’Initiative et, plus précisément, quel rôle joue L’Accélérateur sur cette thématique ?
L’Accélérateur est une nouvelle modalité, créée l’année dernière en 2023, axée sur deux priorités transversales de la lutte contre les trois pandémies. La première concerne les ressources humaines en santé, englobant la formation du personnel de santé dans son ensemble, des médecins aux techniciens de laboratoires. Notre deuxième axe porte sur ce qu’on appelle « défis négligés ».
Ce qui distingue L’Accélérateur, c’est que nos investissements sont un peu plus conséquents que ceux du Canal Projets, qui finance les projets via des appels à projets classiques. De plus, L’Accélérateur met l’accent sur la co-construction des projets avec les porteurs pour orienter les projets vers des problématiques trop peu couvertes par nos investissements depuis dix ans. C’est une nouvelle ambition : renforcer notre effet structurant et impulser des transformations durables des systèmes de santé. Ce nouveau rôle d’accompagnement nous permet d’aider les porteurs à développer leurs initiatives et d’y intégrer des enjeux auxquels ils n’auraient peut-être pas pensé.
L’Initiative apporte ainsi des financements et de l’assistance technique à des projets qui renforcent les ressources humaines en santé, appuient les systèmes communautaires, améliorent les droits et la santé sexuels et reproductifs et ambitionnent de répondre à d’autres défis négligés.
Concernant la stratégie de L’Initiative, une feuille de route Genre a été élaborée. Comment favorise-t-elle l’intégration transversale du genre ?
En lien avec la stratégie globale de L’Initiative 2023-2025, cette feuille de route intègre concrètement le genre à toutes nos modalités d’action, car notre travail est transversal à l’ensemble des actions de L’Initiative.
Au niveau du Canal Expertises, c’est d’abord en féminisant notre pool d’experts et en s’efforçant d’être exemplaires sur le contenu des assistances techniques qu’on peut adopter une approche genre. Que ce soit dans les recommandations que nous faisons ou dans les demandes qui nous sont faites, l’objectif est une meilleure prise en compte du genre dans les missions d’assistance technique. Dans le cadre de ces objectifs, des fiches synthétiques ont été produites pour aider nos experts à l’intégrer dans leurs missions.
Au sein du Canal Projets, nous proposons des solutions adaptées aux réalités locales. Cela implique d’intégrer les principaux obstacles rencontrés par les populations dans l’accès aux services de santé, et de sensibiliser notre équipe à ces enjeux. Bien que le genre soit omniprésent dans nos appels à projets, certains projets n’en font pas mention. Cette démarche est également applicable à L’Accélérateur. Nous travaillons donc à la révision des documents, des appels à projets, ainsi qu’à la mise en place de dispositifs d’accompagnement, tels que le marquage CAD, et à la formation continue de nos équipes.
En plus d’intégrer le genre à vos modalités d’action, comment en tenez-vous compte dans vos objectifs et missions relevant du partage des connaissances, notamment au sein de la francophonie ?
En ce qui concerne la production et le partage de connaissances, L’Initiative assure une formation en interne et met à jour sa bibliothèque pour que toute l’équipe dispose des ressources nécessaires pour intégrer le genre. Comme je l’évoquais, nous soutenons aussi les acteurs français et francophones en contribuant au développement de l’expertise en santé et en genre, afin de mieux les prendre en considération dans nos actions.