Lutter contre le paludisme au Cameroun grâce à la collaboration communautaire

Depuis 2017, les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, où vivent 20 % des 29 millions d’habitants du pays, sont plongées dans un conflit armé. La crise anglophone – surnommée ainsi en raison de la prédominance de l’anglais dans ces territoires – a entraîné le déplacement de plus de 700 000 personnes, réfugiées dans les régions francophones du Cameroun ou au Nigeria frontalier. Cette crise a durement affecté l’accès aux soins : plus d’un tiers des centres de santé ont été détruits, ce qui compromet la prise en charge des patients atteints de paludisme. Le Cameroun fait partie des onze pays ayant le plus lourd fardeau au monde concernant la maladie, avec un taux de prévalence moyen de plus de 26 % en 2022. Ce taux grimpe de quatre points supplémentaires dans la région du Sud-Ouest, où six consultations sur dix concernent le paludisme. C’est l’une des principales causes de mortalité et de morbidité chez les enfants de moins de 5 ans.

Le projet Breaking Barriers (Lever les barrières) a œuvré à faciliter l’accès aux traitements antipaludiques dans ces communautés touchées par le conflit, entre 2020 et 2024. Porté par les organisations Reach Out Cameroun, le Malaria Consortium et Konmafamba Action Sans Frontières (KASAFRO), avec le soutien de L’Initiative, Breaking Barriers est mis en œuvre dans 80 communautés réparties au sein de 9 districts sanitaires du Sud-Ouest et du Littoral.

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Cohpa Muyuka (2) 2 11zon
Des sessions d’échanges sur les conditions de santé et les bonnes pratiques sont organisées avec les communautés, comme à Muyuka (à gauche) et à Tombel (à droite) au Cameroun.

Ce projet de recherche opérationnelle vise à identifier et à surmonter les obstacles dans la lutte contre le paludisme, tout en renforçant la préventionet l’accès aux soins primaires dans ces zones affectées par le conflit. Trois initiatives innovantes, alignées sur la stratégie nationale de lutte contre la maladie, ont été déployées dans le cadre de Breaking Barriers. Elles s’appuient sur la participation active des communautés pour faire reculer la maladie.

La première approche participative de santé communautaire (Community Health Participatory Approach) consiste en des séances de dialogue mensuelles animées par des agents de santé communautaires. L’objectif est de renforcer les connaissances sur la maladie et de favoriser la prévention et la cohésion sociale. Les personnes en charge d’enfants de moins de cinq ans et les leaders communautaires sont les principaux participants à ces séances.

Une autre innovation expérimentée concerne un système de prise en charge financière des soins pour répondre aux coûts de déplacement vers les centres de soins ainsi qu’à des frais de santé : ainsi, des bons sont distribués à la population pour couvrir les frais de traitement du paludisme, ainsi que les coûts de transport des enfants atteints d’une forme sévère de la maladie vers des centres de santé.

La dernière approche concerne le renforcement des compétences de supervision et de soutien des agents de santé communautaires, grâce à un accompagnement régulier : un appui mensuel est assuré par des organisations locales et un suivi trimestriel par les responsables des centres de santé. Cette stratégie a permis une hausse significative de la confiance accordée à ces agents, passée de 40 % à 70 %. L’utilisation des moustiquaires imprégnées est également en hausse de 11 points, passant de 85 % à 96 %. Dans le même temps, la prévalence du paludisme chez les enfants de moins de cinq ans a diminué de 54,5 % à 20,7 %, tandis que les consultations médicales se sont accrues.

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Action de sensibilisation contre le paludisme à Kumba, ville située dans la région du Sud-Ouest du Cameroun.

Les impacts positifs du projet ne se limitent pas à la santé. Breaking Barriers a également contribué à la consolidation de la cohésion entre les personnes déplacées et celles habitant le territoire en offrant des espaces de dialogue communautaire.

L’enjeu, désormais, est de pérenniser ces acquis. Les innovations testées, bien qu’ayant démontré leur efficacité, ne sont pour l’instant pas intégrées dans les politiques nationales. Des efforts de plaidoyer et des investissements supplémentaires sont nécessaires pour que le Programme national de lutte contre le paludisme s’approprie ces approches participatives et que celles-ci puissent influencer les politiques de santé.