Après la Masterclasse TB, soutenir six projets de recherche opérationnelle

1,25 million de personnes sont décédées de la tuberculose en 2023, selon l’OMS. De nombreuses actions sont menées pour mieux comprendre et lutter contre cette maladie, à l’instar de la Masterclasse sur la tuberculose qui s’est tenue en décembre 2023 au Cameroun. Organisée par L’Initiative, en collaboration avec le Centre Pasteur du Cameroun et plusieurs partenaires institutionnels, elle visait à impulser une énergie nouvelle dans la recherche sur la tuberculose, pilier fondamental de la lutte contre la maladie, en Afrique francophone, et à fédérer un réseau de jeunes chercheurs africains. Elle entre désormais dans une seconde phase.

La promotion 2023 était composée de trente participants, issus de seize pays. La Masterclasse a duré une semaine et a traité de thèmes variés, avec l’intervention de médecins, de pharmaciens, de cliniciens, de biologistes, d’épidémiologistes ou encore de chercheurs en sciences sociales. L’approche multidisciplinaire de cette formation a grandement contribué à son succès.

Au cours de la semaine de formation, les participants ont travaillé en groupe pour façonner des projets de recherche. Une approche bien reçue, qui s’est appuyée sur la collaboration entre chercheurs de pays différents.

Après cette première phase, six participants ont bénéficié d’un programme d’accompagnement pour leurs projets de recherche opérationnelle. En plus d’un programme de formation couvrant différents aspects de la recherche, du développement du projet à la communication, les lauréats ont bénéficié de bourses d’amorçage de 25 000 euros par projet, cofinancées par L’Initiative et le Tropical Diseases Resarch (TDR, un programme de l’OMS), ainsi que d’un suivi individualisé sur le long terme. Il s’agit d’offrir à ces jeunes chercheurs une première opportunité en tant qu’investigateurs principaux d’un programme de recherche.

« L’Afrique de l’Ouest et centrale a besoin d’augmenter ses capacités de recherche sur la tuberculose. Nous pensons, à l’OMS/TDR, que c’est ainsi que l’on va contribuer au contrôle de cette maladie », explique Corinne Merle, médecin en santé publique au Programme spécial de recherche et de formation concernant les maladies tropicales de l’OMS. Ce dernier vise à renforcer les programmes de recherche sur les maladies liées à la pauvreté, essentiellement les maladies infectieuses comme la tuberculose, les maladies tropicales négligées et le paludisme.

Les pays d’Afrique francophone concernés disposent d’instituts de recherche, mais leurs travaux ne sont pas toujours connectés aux priorités nationales de lutte contre la tuberculose. À travers la seconde phase de la Masterclasse, L’Initiative a donc décidé de renforcer les capacités de recherche de jeunes chercheurs, bien intégrés dans les programmes nationaux de lutte contre la tuberculose (PNLT), proposant des projets pouvant répondre dans un court délai à des enjeux très ciblés et opérationnels. « Nous collaborons avec ces pays depuis 2015 à travers le réseau des Programmes nationaux de lutte contre la tuberculose de l’Afrique de l’Ouest et centrale, le West and Central African Regional Network for Tuberculosis Control (WARN/CARN-TB), que TDR a établi », précise Corinne Merle. Ce réseau, dont le siège est au Bénin, regroupe les PNLT des vingt-sept pays de cette sous-région de l’Afrique.

Les premiers résultats des six projets financés par L’Initiative et TDR sont attendus fin 2025. « Nous allons communiquer sur ces projets et les appuyer pour trouver de nouveaux financements, car tous les chercheurs sont intéressés pour poursuivre, affirme Corinne Merle. Ce ne doit pas être une assistance unique et limitée, il doit y avoir une suite à ces projets. » Afin d’inscrire ces appuis dans la durée, un système de mentorat a été proposé ; il implique des experts locaux des PNLT de la sous-région qui ont acquis une expertise en recherche. « Le secrétariat du WARN/CARN-TB est aussi à leurs côtés pour pouvoir répondre à d’éventuels problèmes avec les experts du réseau, poursuit Corinne Merle. TDR a par exemple renforcé un groupe de gestionnaires de données au Sénégal qui peut épauler les projets. Le but est d’éviter que les chercheurs se retrouvent isolés. Pour lutter contre la tuberculose, il faut des équipes fortement en lien avec les experts et les institutions, et dans lesquelles les PNLT ont un rôle central dans la définition des problèmes et la recherche de solutions. »

Yaoundé Cameroun, Centre Pasteur ( 9 Décembre 2023) // Yaoun

À la suite de la Masterclasse tuberculose, six projets de recherche opérationnelle ont été sélectionnés
pour appuyer les programmes nationaux de lutte contre la tuberculose.

Virginie Poka Mayap fait partie des lauréats de la Masterclasse. Pneumologue à l’hôpital Jamot de Yaoundé (Cameroun), établissement de référence pour la prise en charge des maladies respiratoires, elle est également titulaire d’un master en santé publique. Elle collabore avec le PNLT du Cameroun dans le cadre de son projet.

« La Masterclasse a été une expérience très enrichissante, se réjouit Virginie Poka Mayap. Il y avait des conférences et j’ai pu faire connaissance avec des experts internationaux et des collègues qui partagent ma passion pour la recherche sur la tuberculose. Ce travail nécessite de se tenir au courant de l’actualité scientifique sur la maladie. J’ai acquis des connaissances que j’intègre au quotidien dans mes activités cliniques et les recherches que je mène. »

Le projet de Virginie Poka Mayap concerne l’adhésion au traitement préventif de la tuberculose chez les enfants de moins de cinq ans. Différents obstacles sociaux et culturels empêchent en effet une partie des enfants, ayant été en contact avec un malade, de recevoir un traitement préventif. Ce sont ainsi 45 % des enfants à risque qui ne prennent pas de traitement préventif. La tuberculose est pourtant une infection particulièrement contagieuse, surtout dans les milieux défavorisés, où la promiscuité est forte. En être malade entraîne souvent une forte stigmatisation, ce qui peut expliquer que certains parents ne souhaitent pas que leurs enfants soient traités s’ils ne sont pas déjà atteints.

« Nous voulons comprendre pourquoi certaines familles refusent ces traitements, qui sont pourtant gratuits, note Virginie Poka Mayap. Nous allons mener une étude de cohorte quantitative et qualitative, où nous allons déterminer le taux d’adhérence chez des enfants et identifier les facteurs qui font qu’ils ne prennent pas leur traitement. » Le projet démarre à la fin du mois de mars 2025.

« Je rapporte la gratitude de mon équipe au Cameroun d’avoir eu la possibilité de mettre en œuvre ce projet de recherche, souligne Virginie Poka Mayap. Sous couvert d’institutions internationales, nous avons reçu des soutiens financier et technique qui nous font nous sentir en capacité, nous donnent du courage et de la détermination pour effectuer nos travaux sur la tuberculose. »

À Madagascar, sauver des patients grâce à la recherche opérationnelle

Autre lauréate de la Masterclasse : la médecin pathologiste Joëlle Razafimahefa, qui mène également des activités de recherche et d’enseignement à la faculté de médecine de Fianarantsoa, à Madagascar. Son projet traite de la contribution, souvent négligée, des animaux domestiques et sauvages à la maladie. On parle alors de tuberculose zoonotique, causée par la bactérie Mycobacterium bovis. « L’idée m’est venue car, en tant que pathologiste, je voyais une centaine de cas par an de tuberculose extrapulmonaire, une forme difficile à diagnostiquer que les cliniciens ne détectaient pas toujours, explique Joëlle Razafimahefa. Je me suis demandé pourquoi il existait une incidence élevée de cette forme rare et résistante à des traitements comme la pyrazinamide. »

Elle a ensuite fait le lien avec l’importance de l’élevage de zébus dans sa région du sud-est de Madagascar. Joëlle Razafimahefa s’intéresse donc aux conséquences de la promiscuité entre les gens et leur bétail, afin d’ouvrir la voie à des stratégies de contrôle plus efficaces. Un projet qui intègre également l’étude de populations de lémuriens et d’autres espèces sauvages présentes dans les parcs nationaux de la région.

« Si l’on veut éradiquer totalement la tuberculose, il faut tenir compte des formes zoonotiques souvent négligées, sur lesquelles nous avons moins de données, insiste Joëlle Razafimahefa. La bourse et le mentorat vont me permettre de passer d’une recherche très fondamentale à une recherche opérationnelle, qui va directement aider les patients et sauver des vies. Je veux remercier L’Initiative, WARN/CARN-TB, TDR, le Centre Pasteur du Cameroun ainsi que le PNLT de Madagascar de m’avoir permis de concrétiser mon projet. »

« À TDR, nous sommes très contents de ce partenariat avec L’Initiative, conclut Corinne Merle. Vu nos objectifs et pays éligibles en commun, ainsi que la rareté des financements, nous avons tout intérêt à nous associer et tirer parti de nos atouts respectifs. Ce projet est un bel exemple de synergie qui améliore l’impact de nos activités au service de ces pays. »