PluriElles : améliorer l’accès à la santé des femmes vivant en zone rurale à Madagascar
Le projet PluriElles vise à développer une offre de soins de santé et de droits sexuels et reproductifs de proximité et à lutter contre les pandémies dans deux régions rurales de Madagascar, dans un contexte où l’on soupçonne une augmentation de la prévalence du VIH-sida*, une hausse de l’incidence de la tuberculose* et du taux de mortalité dû au paludisme*, et où le cancer du col de l’utérus devient une cause fréquente de la mortalité chez les femmes*. Pour ce faire, 25 sages-femmes sont recrutées pour exercer dans des cabinets d’accouchement communautaires. En parallèle, dans les zones d’installation des sages-femmes, le projet renforce les structures de référence et accompagne les communautés. Rina Rakotonaivo, cheffe de projet PluriElles à Santé Sud, revient sur le déploiement du projet et son impact dans ces zones particulièrement vulnérables.
Dans quel contexte s’insère le projet PluriElles à Madagascar ?
Rina Rakotonaivo : Le projet de lutte contre les pandémies et de renforcement de la santé et des droits sexuels et reproductifs en milieu rural selon une approche intégrée et sensible au genre (PluriElles) répond à un défi de taille à Madagascar : l’inégalité dans l’accès aux soins de santé entre le monde rural et urbain. La répartition géographique des structures de santé est déséquilibrée et nous constatons que les indicateurs de santé sont fortement influencés par la proximité et la concentration d’établissements prodiguant des soins. Or, les indices de disponibilité des services obstétriques de base et de planification familiale sont faibles en zones rurales, où vit 80 % de la population malgache. Cette situation affecte principalement les femmes qui doivent parcourir parfois des kilomètres à pied pour se faire soigner. Les taux de mortalité maternelle et infantile sont élevés.
Le pays est également marqué par une recrudescence des maladies infectieuses dont la prévalence et l’incidence sont plus élevées en zone rurale. Les personnes ne sont pas informées sur ces pandémies et ne connaissent pas les lieux de dépistage. Le même phénomène est constaté pour le cancer du col de l’utérus, qui est pourtant la deuxième cause de décès par cancer pour les femmes dans le pays.

Comment se déploie le projet PluriElles ?
Rina Rakotonaivo : PluriElles est mis en œuvre dans deux régions de Madagascar où sont accompagnées 25 sages-femmes communautaires, travaillant en libéral. Le but est d’offrir un meilleur accès à la santé sexuelle et reproductive aux femmes et aux hommes – avec une attention particulière portée aux jeunes – et lutter contre les pandémies ainsi que le cancer du col de l’utérus.
Dans la région Analamanga, au centre de l’île, 13 sages-femmes sont déjà installées en cabinets d’accouchement communautaires au niveau de trois districts et bénéficient d’un renforcement des compétences grâce au projet. Dans la région Diana, le district d’Ambanja, à l’extrême nord de Madagascar, 12 nouvelles sages-femmes viennent d’être recrutées et vont être accompagnées dans l’installation de leur cabinet d’accouchement communautaire, à la fin de ce premier semestre 2025. Ces recrutements font suite à une étude de faisabilité quant aux zones d’établissement pour que celles-ci soient économiquement viables et que les communautés puissent s’offrir leurs soins. La population et les autorités locales rencontrées se sont montrées très motivées et investies pour ce projet.
Quelle est l’offre de soins proposée dans ces cabinets d’accouchement communautaires ?
Rina Rakotonaivo : Ces cabinets proposent des soins dédiés à la santé maternelle et infantile. Des dépistages du cancer du col de l’utérus peuvent être effectués pour les femmes en âge de procréer. Pour les femmes enceintes, un suivi de grossesse est proposé jusqu’à l’accouchement. Nous avons constaté en Analamanga, où les 13 sages-femmes se sont installées, une augmentation importante des consultations prénatales ainsi qu’une hausse du nombre d’accouchements effectués avec l’assistance d’une ressource humaine en santé. Au sein des cabinets, les bébés peuvent ensuite être vaccinés et dépistés vis-à-vis de la malnutrition, du VIH-sida et de la tuberculose.
Les sages-femmes bénéficient également de formations liées à la santé reproductive des adolescents et des jeunes, et aux violences basées sur le genre, ainsi que d’une sensibilisation plus spécifique aux enjeux du projet : la prévention, le dépistage et la prise en charge des pandémies et du cancer du col de l’utérus. Nous travaillons également à l’amélioration de leurs liens avec les communautés. D’autres activités complémentaires sont menées via un travail de sensibilisation et d’information, opéré par les jeunes pairs-éducateurs et les agents de santé communautaires qui travaillent en étroite collaboration avec les sages-femmes. Cela facilite les échanges avec les jeunes quant aux sujets liés aux droits et à la santé sexuels et reproductifs. Nous travaillons également, en coordination avec notre partenaire le réseau MAD’AIDS, afin d’apporter un soutien psychosocial aux personnes vivant avec le VIH.

Quel est l’impact concret du projet PluriElles ?
Rina Rakotonaivo : Ces cabinets d’accouchement communautaires sont une première étape dans le parcours de soins. Il faut que les femmes puissent avoir accès à une offre de soins de santé de proximité afin de limiter leurs déplacements : elles n’ont pas toujours la possibilité ni les moyens financiers de s’éloigner de chez elles. Ces cabinets sont un échelon supplémentaire à la pyramide sanitaire. Ils permettent également un renforcement du continuum de soins grâce aux référencements qui peuvent être opérés. Le projet inclut aussi des formations pour améliorer la prise en charge dans les centres de santé de référence.
PluriElles œuvre à l’autonomisation des femmes. Dans ces cabinets, elles peuvent être soignées, sensibilisées et informées, et avoir ainsi un plus grand pouvoir de décision quant à leur propre santé. Pour les soignantes aussi, ce projet est émancipateur. Madagascar manque de ressources humaines en santé : il y a des sages-femmes qui sont compétentes mais ne sont pas recrutées par l’État par manque de fonds. Grâce au projet, elles peuvent commencer et pérenniser leur activité de professionnelles libérales, s’assurer une autonomie financière et mettre leurs compétences au service d’une population qui en a besoin.

* ONUSIDA Madagascar
* Plan stratégique national de lutte contre la tuberculose (PSN TB) 2018-2022
* EDS 2021, INSTAT
* INSTAT 2021