PluriElles — immersion aux côtés d’une sage-femme communautaire à Madagascar

Reportage 8 décembre 2025

« Un jour pendant les vacances, j’étais dans un village où il n’y avait ni centre de santé ni sage-femme. Une femme enceinte a accouché sur place, mais l’accouchement a été difficile et le bébé n’a pas survécu. Ce moment m’a beaucoup marquée et j’ai pris la décision de devenir sage-femme pour essayer de sauver des vies. », ditMihaja Nantsoina Nomena Fitiavana Raharinjato, responsable d’un Cabinet d’Accouchement Communautaire (CAC) devant la caméra. Son récit n’est pas une anecdote : c’est la raison d’être de PluriElles.

À 110 km d’Antananarivo, entre rizières et collines, son cabinet est ouvert. Installée en libéral après un cursus classique de formation de sage-femme et une formation continue financée par le projet PluriElles et dispensée par l’ONG Santé Sud, Mihaja a reçu une « pharmacie de démarrage », fournie par le projet « Bien Naître » appuyé par l’Agence Française de Développement, le Gouvernement Princier de Monaco et Synergie Renouvelable. Grâce à son cabinet, la vie au sein du village change : auparavant, les femmes devaient parcourir de longs trajets pour accoucher ; aujourd’hui, comme l’indique Mihaja, « c’est à proximité, cela facilite la vie des gens et les soulage beaucoup. »

Le CAC d’Amboropotsy n’est pas un simple point d’accouchement. C’est un lieu polyvalent — consultations prénatales, planification familiale, vaccinations, suivi post-natal, et prise en charge des malades — qui propose aussi des services autour du VIH, de la tuberculose, du paludisme ou du cancer du col de l’utérus. Le projet a ainsi fait du soin de proximité une réponse tangible aux défis rencontrés par la population locale.

Au quotidien, le cabinet est le théâtre où se jouent les gestes qui sauvent. Lors d’une visite de suivi, Dr Jemima Raherimalala, chargée de mission au sein de Santé Sud, répète les protocoles : « Rasazy [appellation commune de « sage-femme »], tu as déjà préparé les solutions pour la désinfection ? » demande-t-elle. « C’est vraiment important de bien nettoyer, pour réduire le risque d’infection nosocomiale, pour tes patients et toi. »

Ces échanges illustrent l’approche de PluriElles : former des sages-femmes polyvalentes, capables de proposer les services de maternité mais aussi d’assurer les premiers soins, la prévention et la lutte contre les maladies, la gestion d’un cabinet et la coordination avec le Centre de Santé de Base (CSB) de rattachement. Les formations portent sur des thématiques concrètes — VIH/Sida, cancer du col de l’utérus, paludisme, tuberculose — et surtout sur l’appropriation locale : « une fois ces formations acquises, c’est à la sage-femme de bien s’approprier ce qu’elle a appris et de le mettre en pratique sur son lieu de travail. »

Sur le terrain, la pratique rejoint le discours : des services, du matériel et une gestion de qualité structurent un service de santé compris et reconnu par la communauté.

Mihaja Nantsoina Nomena Fitiavana Raharinjato réalisant le suivi du stock de médicaments.
Mihaja Nantsoina Nomena Fitiavana Raharinjato réalisant le suivi du stock de médicaments.

PluriElles mise sur une économie locale et une gouvernance partagée. Les Cabinets d’Accouchement Communautaires sont installés ou réhabilités avec l’appui matériel de Santé Sud et la mobilisation de la communauté.

Les soins et prestations sont payants, mais les demandes de conseils médicaux sont gratuites. Le modèle prévoit un prix négocié avec la communauté afin que les consultations, les accouchements et les autres actes restent accessibles. Cependant, des mécanismes de solidarité existent (trocs agricoles, groupes d’épargne) pour protéger les plus vulnérables et garantir la viabilité de l’activité libérale de la sage-femme.

Le rôle des mobilisateurs et jeunes pairs éducateurs formés par le réseau local d’associations, MAD’AIDS, est central : porte-à-porte, sensibilisations communautaires, ils rendent possibles des conversations sur des sujets longtemps tabous — VIH, cancer du col utérin, santé sexuelle et reproductive.

Mihaja Nantsoina Nomena Fitiavana Raharinjato et des pairs éducateurs animent une séance de sensibilisation auprès d’enfants
Mihaja Nantsoina Nomena Fitiavana Raharinjato et des pairs éducateurs animent une séance de sensibilisation auprès d’enfants

« Notre objectif, c’est de travailler en collaboration avec la sage-femme, parce que le sujet du VIH qu’on aborde en ce moment est encore très nouveau pour la population. » explique Rasoavahiny Harisoa, agente communautaire.

Les chiffres prévus confirment l’ambition : le projet vise l’installation de 12 nouvelles sages-femmes dans la région DIANA et le renforcement de 18 autres dans la région Analamanga pour augmenter de 10 % les grossesses suivies et les accouchements sécurisés dans les zones ciblées ; 11 300 dépistages du VIH, 15 000 dépistages du paludisme et 2 000 dépistages du cancer du col utérin.

PluriElles incarne une réponse intégrée et sensible au genre, ancrée dans la communauté. En rapprochant la sage-femme du village, en la formant et en assurant la mise à disposition d’équipements et de médicaments de démarrage, le projet permet à la population rurale un accès à des soins, de qualité.

Des membres d’une famille attendent devant le cabinet d’accouchement communautaire
Des membres d’une famille attendent devant le cabinet d’accouchement communautaire

Images de formation, accouchements sécurisés, sensibilisations communautaires et témoignages : visionnez le reportage « PluriElles : agir pour la santé et les droits sexuels et reproductifs en zone rurale » pour prolonger cette immersion.

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