Médicaments falsifiés, sous-standards, secteur pharmaceutique encore mal régulé… Dans les six pays membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), la qualité des médicaments en circulation est un enjeu vital. Pour accompagner l’essor du secteur pharmaceutique de ces pays, L’Initiative a mené une mission d’assistance technique auprès de l’Organisation de coordination pour la lutte contre les endémies en Afrique centrale (OCEAC), entre mai 2020 et mai 2021. Maxime Desmaris, pharmacien et chargé de projets Santé à Expertise France, revient sur ce défi majeur de santé publique.
Pourquoi faut-il renforcer l’homologation des médicaments ?
L’homologation consiste, entre autres, à valider les données fournies par le laboratoire qui fait une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un de ses produits pour que celui-ci soit commercialisé. Cela veut dire étudier le dossier, réaliser différentes visites des sites de production ou de distribution et analyser les médicaments. Ce n’est qu’ensuite qu’on peut garantir au public qu’un médicament est de bonne qualité et respecte certaines normes.
Même si aujourd’hui de nombreux médicaments entrent dans les pays de la CEMAC via des programmes de développement – et respectent donc déjà des normes internationales –, leur nombre est limité. Ces pays ont besoin d’un système propre d’homologation pour assurer un bon approvisionnement de médicaments qui traitent des pathologies négligées par les bailleurs comme les maladies non transmissibles telles que les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires ou encore le diabète.
Quelles sont les conséquences d’un système d’homologation des médicaments
défaillant ?
Un médicament sur dix vendus dans le monde serait soit falsifié soit sous-standard, et dans certains pays d’Afrique ce chiffre peut atteindre jusqu’à sept médicaments sur dix selon les estimations de l’OMS. Sans un système cohérent et efficace d’homologation, les populations sont rapidement confrontées à des médicaments falsifiés, ou sous-standards. Au mieux, ces médicaments ne présentent pas l’efficacité attendue. Au pire, les malades qui pensent se soigner vont en fait développer des effets indésirables, ou ne pas traiter leur pathologie et donc peut-être en mourir. Les médicaments falsifiés ou sous-standards contre le paludisme et la tuberculose seraient responsables à eux seuls de plusieurs centaines de milliers de décès par an dans le monde.
Ce phénomène est particulièrement grave en Afrique centrale. Il est directement lié au manque de moyens des États ou des différentes instances publiques responsables de ces homologations. Résultat, depuis des années, des circuits parallèles de distribution de médicaments falsifiés ou sous-standards sont bien implantés.
« Sans un système cohérent et efficace d’homologation, les populations sont rapidement confrontées à des médicaments falsifiés ou sous-standards. »
Maxime Desmaris, chargé de projet de L’Initiative, Expertise France
En quoi la proposition de la mission d’appui de L’Initiative permettra-t-elle d’améliorer la situation ?
Le système régional de mutualisation des pratiques, des ressources humaines et financières que nous proposons aux pays de la CEMAC permet de créer une homologation cohérente et commune pour tous les médicaments de cette zone d’Afrique centrale. Les revues de dossiers peuvent ainsi être réalisées de manière conjointe – ce qui permet de partager les coûts, ressources et expertises – ou produites par un des pays dans le respect d’un cadre réglementaire mutualisé. Le médicament bénéficie ensuite d’une procédure facilitée pour accéder au marché des autres pays. C’est exactement ce qui se fait en Europe où les autorisations de mise sur le marché d’un médicament passent soit par les autorités européennes, qui valident le médicament pour tous les États membres de l’UE, soit par les autorités d’un pays – les autres pouvant faciliter la procédure sur leur marché.
Nous avons également créé une base de données et une plateforme en ligne qui permettent le partage d’information entre les autorités des six pays. Le public pourra également consulter une partie de ces données pour vérifier si son médicament a bien reçu l’homologation de son pays.
Comment assurer une pérennisation du nouveau dispositif proposé ?
Il est important de s’assurer que ces revues conjointes ne soient pas une charge financière importante pour ces pays. Homologuer un médicament coûte cher en déplacements, en analyses, en temps humain, en gestion d’outils informatiques. En basculant ces coûts aux laboratoires qui demandent l’autorisation de mise sur le marché, l’étude du dossier d’homologation peut être réalisée sans surcoût pour les services publics. C’est ce qui se fait dans d’autres pays comme la France. Toutefois, une limite à cela est la volonté du laboratoire d’enregistrer son médicament.
Les États doivent désormais s’imprégner de cette méthodologie, se l’approprier et adopter ces bonnes pratiques. Le rapport des trois experts en charge de cette mission a formulé des recommandations claires et précises et a été traduit dans les langues officielles des six pays membres. Il sera présenté lors d’une prochaine réunion des ministres de la Santé de la CEMAC. La suite dépend des décideurs qui, nous l’espérons, feront preuve de volonté pour renforcer leur système de gestion des produits de santé.