L’adolescence est une période délicate pour tous les adolescents dans le monde, à plus forte raison pour les jeunes qui vivent avec le VIH. Pour les accompagner sur le plan médical et humain et les aider à prendre en main leur avenir, des organisations du réseau associatif Grandir Ensemble participent au projet Passerelles, mis en œuvre par Sidaction avec le soutien de L’Initiative, au Burkina Faso, au Burundi, en Côte d’Ivoire et au Togo. Un programme de formations, d’empouvoirement et d’accompagnement qui vise, à terme, le transfert de compétences aux parties nationales et un passage à l’échelle.
« Dans le monde, un enfant meurt d’une maladie liée au sida toutes les cinq minutes. Nous, les enfants, les adolescents et les jeunes vivant avec le VIH, nous sommes confrontés à la stigmatisation, à la discrimination et à d’immenses difficultés d’accès aux soins de santé. Cette situation est inacceptable. » C’est le message publié le 12 août 2024 à l’occasion de la Journée internationale de la Jeunesse par Amanda Martty Dushime, paire éducatrice et membre du Conseil des jeunes du Fonds mondial.
Amanda fait partie de ces jeunes qui prennent le leadership face au VIH. Un mouvement croissant, accompagné par les associations du réseau Grandir Ensemble. Plusieurs d’entre elles, au Burkina Faso, au Burundi en Côte d’Ivoire, au Togo, participent au projet Passerelles porté par Sidaction. C’est un programme de transfert de compétences et d’amélioration de l’accès des enfants, adolescents et jeunes à des services de prévention, de prise en charge du VIH.
Une approche globale de la santé
Le projet Passerelles est la troisième phase d’une initiative lancée en 2017 sous le nom de « Programme Ado » après le Projet Grandir mené entre 2006 et 2016. Il comporte trois objectifs principaux : assurer le transfert des compétences et des approches de prévention et de prise en charge du VIH aux parties prenantes nationales, consolider le leadership et la participation des jeunes aux processus décisionnels et actions de lutte, et soutenir l’autonomisation du réseau Grandir Ensemble qui tient son nom du premier projet, le Projet Grandir.
Annoncer à un ou une jeune sa séropositivité, ça ne s’improvise pas. Engager le dialogue avec une jeune fille sur sa sexualité, non plus. « Le volet formation du projet s’adresse aux médecins, pédiatres, personnels infirmiers, sages-femmes, acteurs communautaires, explique Mme Soumeya Rahli, responsable de thématique enfants et adolescent·es chez Sidaction. Il s’agit de connaissances et de compétences thérapeutiques spécifiques à la prise en charge du VIH, bien sûr, mais c’est surtout une approche centrée sur la personne, qui englobe les questions de santé sexuelle et de santé mentale. »
Structurer l’offre d’accompagnement pédiatrique
L’action du projet Passerelles se concentre avant tout sur la formation des formateurs, pour renforcer les pools nationaux d’expertise et étendre aux centres de santé publics des approches souvent déjà bien établies dans les associations. Des programmes complets ont été mis en place, articulant stages théoriques, stages pratiques et « supervision formative », au cours desquels les formateurs se déplacent au sein des structures. Épuisement thérapeutique, dépistage et mise sous traitement de la petite enfance, santé sexuelle et reproductive des jeunes vivant avec le VIH, santé mentale… Toutes ces questions clés dans la prise en charge du VIH chez les enfants, les adolescents et les jeunes sont abordées par les formations.
La santé mentale, grande oubliée des dispositifs classiques
Plusieurs enquêtes ont confirmé les constats des associations : les troubles anxieux et dépressifs sont plus élevés chez les jeunes vivant avec le VIH. « L’adolescence est déjà un âge de grandes transformations. Ajoutez à cela le fait de prendre un traitement tous les jours et une situation familiale souvent compliquée, et c’est explosif, explique Soumeya Rahli. Ces jeunes ont une expérience de vie à part. Cela peut être une force, mais c’est aussi une source de grande vulnérabilité. »
En plus du volet de formation pour les soignants, le projet Passerelles comprend donc des dispositifs de soutien et de prise de parole directement adressés aux jeunes. L’un des enjeux de la nouvelle phase du projet est la formation des structures publiques sur la santé mentale, question souvent mise de côté faute de moyens. Soumeya Rahli explique qu’il y a parfois des choses toutes simples à faire pour mieux adapter les services aux besoins des jeunes « en regroupant tous leurs rendez-vous un jour où ils n’ont pas cours, par exemple, pour qu’ils puissent faire le tour des services, puis rejoindre un groupe de parole. »
Des jeunes qui deviennent acteurs de leur santé
Au Togo, le projet Passerelles fonctionne dans le cadre d’un accord tripartite entre le Programme national de Lutte contre le VIH-HB-IST et les associations Espoir Vie Togo et Aide Médicale et Charité. Il s’étend aujourd’hui aux structures publiques et à d’autres associations, qui bénéficient des formations et envoient les jeunes vivant avec le VIH qu’ils suivent. « Les adolescents ne se préoccupent pas de nos frontières institutionnelles. Ils se passent le message et s’entraident. D’où qu’ils viennent, ils sont les bienvenus », assure Jean-Marie Alley, coordinateur national du projet Passerelles et psychologue au centre de santé Lucia d’Espoir Vie Togo.
« Notre principe directeur est de croire en ces jeunes. Nous agissons sur les deux béquilles que sont le traitement et l’accompagnement psychologique. Les enfants qui vivent avec le VIH deviennent des adolescents qui doivent faire la transition vers l’âge adulte, en trouvant les réponses à de grandes questions de sexualité et d’insertion sociale », précise Jean-Marie Alley.
C’est pourquoi le projet Passerelles comporte un volet de renforcement du leadership des jeunes. Pour Soumeya Rahli, cela commence simplement par leur dire qu’ils sont légitimes et qu’ils sont les mieux placés pour parler de la vie avec la maladie. Le programme comprend ainsi des formations et accompagnement directement destinés aux jeunes : groupes de parole avec des pairs éducateurs et pour ceux qui le souhaitent, un accompagnement vers un leadership au niveau national et international.
Pair éducateur, un rôle essentiel à accompagner
Le projet Passerelles structure un réseau déjà bien établi de pairs éducateurs : des jeunes vivant avec le VIH qui sont au niveau de leurs camarades, en lien avec les associations et les soignants. « Les pairs éducateurs ne sont pas là pour se substituer aux soignants, mais ils jouent un rôle important de conseil et de soutien informels. Ils peuvent également aider à renouer le contact avec des adolescents qui ne viennent plus en consultation », explique Soumeya Rahli.
Dans le cadre de Passerelles, des guides d’action ont été élaborés pour assurer une formation continue des pairs éducateurs et leur renouvellement, génération après génération. Pour Sidaction, il s’agit aussi de soutenir ces jeunes et les associations sont là pour les aider à trouver le bon degré d’engagement et à dessiner leur propre parcours. Soumeya Rahli explique : « Ils et elles encaissent beaucoup de souffrances, qui s’ajoutent à leur situation personnelle. Nous les soutenons donc psychologiquement, et matériellement, pour qu’ils n’avancent pas les frais de communication, ni ne s’enferment dans une position d’aidant alors qu’ils ont leur propre vie à construire. »
Passage de relais, de Sidaction à Grandir Ensemble
Le projet Passerelles a démarré en janvier 2024 et va durer quatre ans. Le projet se déploie dans une logique de passage de relais entre Sidaction et le réseau Grandir Ensemble. En 2028, il est prévu que Sidaction se mette en retrait après avoir aidé le réseau à structurer son action auprès des associations, des programmes nationaux et des centres de santé publics. « À la fin du projet, il faut donc que nous soyons autonomes, renchérit Jean-Marie Alley. Nous avons l’expertise de l’organisation des formations et de l’accompagnement des jeunes. Notre but aujourd’hui est de progresser dans la mobilisation de nos propres ressources financières et d’asseoir un système de gestion efficace qui inspire confiance. » Avec, en ligne de mire, l’extension des dispositifs aux 18 associations membres du réseau Grandir Ensemble dans 11 pays d’Afrique.