SYCAVI & OPP Mada : la voix des communautés au cœur de la lutte contre le VIH à Madagascar

Dr Ravélohanta Mananarisoa : SYCAVI, c’est d’abord une initiative communautaire malgache. Porté par quatre grandes organisations (AINGA-AIDES, AFSA, ORMS LGBT et MAD’AIDS), le projet repose sur un système d’alerte et d’observation ancré dans cinq villes du pays. Notre objectif est de faire remonter des données fiables depuis le terrain pour améliorer l’accès équitable aux services de prévention, de dépistage et de soins pour les populations clés et les personnes vivant avec le VIH (PVVIH).

Johnson Firinga : Cet observatoire, créé grâce au soutien de L’Initiative depuis 2021, donne enfin la parole à celles et ceux qui vivent avec le VIH ou sont les plus exposés. À travers SYCAVI, nous pouvons signaler les dysfonctionnements du système — manque de tests, ruptures de stocks d’antirétroviraux (ARV), stigmatisation — et agir concrètement pour y remédier. Ce n’est pas un projet parmi d’autres, c’est un levier de transformation.

Dr Ravélohanta Mananarisoa : Les ruptures d’intrants, comme les préservatifs ou les tests, sont un problème récurrent. Grâce au mécanisme d’alerte, ces situations sont rapidement identifiées et relayées. Cela a déjà permis de renforcer les circuits d’approvisionnement et d’améliorer la disponibilité des services dans plusieurs zones. Le projet a permis ainsi de tisser un espace de dialogue entre les autorités et les organisations de la société civile (OSC).

Johnson Firinga : Nous avons aussi facilité le redéploiement d’ARV dans des centres de santé en rupture. À certains moments, nos propres réseaux ont pris en charge l’acheminement des résultats de charge virale vers les patients. Quand les communautés sont mobilisées, les solutions arrivent plus vite. Au niveau régional, le projet a aussi permis de redynamiser les tasks force VIH. Les tasks force constituent des instances multisectorielles au niveau du district qui regroupent plusieurs acteurs (publics, privées et OSC).

Johnson Firinga : La faîtière OPP Mada, officiellement créée en avril 2025, fédère des réseaux et associations de populations clés et PVVIH. Elle assure la coordination des actions, harmonise les collectes de données, renforce les capacités des organisations membres et développe un plaidoyer structuré. C’est la suite logique de SYCAVI, sa pérennisation.

Dr Ravélohanta Mananarisoa : Cette structure nous permet de parler d’une seule voix auprès des autorités et bailleurs. Elle joue un rôle pivot : diffuser les données de terrain issues de SYCAVI, porter les messages issus des communautés et co-construire les politiques de santé avec les institutions. En période de renouvellement des financements internationaux, comme celui du Fonds mondial, cette articulation est essentielle.

Dr Ravélohanta Mananarisoa : L’union de ces quatre réseaux dans le cadre de SYCAVI a profondément changé notre façon de travailler. Nous avons mutualisé nos forces pour mener des plaidoyers plus importants, plus impactants, mieux informés. Grâce à cette dynamique, nous avons pu défendre efficacement les priorités des populations clés dans le processus de rédaction du Plan stratégique national contre le VIH.

Johnson Firinga : La mise en réseau a permis d’élaborer un plan de plaidoyer sur cinq ans et de structurer un dispositif de collecte de données communautaires. Nous avons aussi mené ensemble notre première conférence de presse nationale. Cette dynamique collective est notre plus grande victoire.

Dr Ravélohanta Mananarisoa : Le projet SYCAVI nous a accompagnés à plusieurs niveaux. Nous avons reçu des formations sur les droits humains, le genre, le plaidoyer, la mobilisation des ressources… Trois de nos réseaux ont pu élaborer un plan stratégique. Et des partenaires comme la Plateforme Océan Indien ou le mouvement ROHY nous ont renforcés techniquement.

Johnson Firinga : Ces appuis sont précieux. Ils nous ont permis de passer d’une coordination informelle à une organisation structurée. Aujourd’hui, l’OPP Mada est prête à jouer un rôle national, mais elle a encore besoin de moyens pour consolider son fonctionnement : un secrétariat permanent, un outil de gestion de données, un financement dédié au plaidoyer.

Johnson Firinga : Le principal défi, c’est de structurer durablement l’OPP Mada. Elle est encore hébergée dans les locaux de MAD’AIDS, faute de ressources. Nous avons besoin de financements pour fonctionner, mais aussi pour affirmer notre rôle dans la gouvernance nationale du VIH. L’OPP Mada doit être un partenaire à part entière des autorités.

Dr Ravélohanta Mananarisoa : Le maintien d’une coordination fluide entre organisations de la société civile, la capacité à résister aux pressions extérieures et la pérennisation des actions menées sont aussi des enjeux majeurs. Nous devons bâtir une institution résiliente.

Dr Ravélohanta Mananarisoa : Nos priorités sont claires : lutter contre la stigmatisation, améliorer l’accès aux services VIH, garantir la disponibilité des intrants, défendre les droits des populations clés et obtenir un cadre légal protecteur. Et tout cela, à travers un plaidoyer fondé sur les données remontées par SYCAVI.

Johnson Firinga : Nous voulons aussi interpeller les décideurs sur leurs engagements et mobiliser davantage de ressources nationales pour ne pas dépendre uniquement de l’international. C’est aussi ça la lutte contre le VIH et l’autonomie des communautés.

Dr Ravélohanta Mananarisoa : Faire confiance aux communautés est un levier incontournable pour garantir l’efficacité de la réponse au VIH, ce n’est pas seulement une question de principe, mais une stratégie fondamentale. Les communautés vivent la réalité de l’épidémie au quotidien. Elles savent ce qui fonctionne, ce qui bloque, et ce dont elles ont besoin. La confiance entre pairs est plus forte qu’avec des institutions. C’est une clé pour améliorer l’accès aux soins, en lien avec les institutions.

Johnson Firinga : Pour les communautés, avec les communautés. Elles savent ce qui les a menées là. Elles savent ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, et quand ça ne fonctionne pas, comment éviter que d’autres suivent le même chemin. Ce sont des actrices incontournables de la réponse au VIH. Ignorer leur voix, c’est échouer à répondre efficacement à l’épidémie.