TB_PEC@2.0 : lutter contre la tuberculose pédiatrique
Au Cameroun, la proportion des cas de tuberculose pédiatrique est de 5,7% des cas notifiés, en 2023, alors que la norme recommandée par l’OMS est d’au moins 12%. Le projet TB_PEC@2.0 vise à améliorer la détection précoce, la prise en charge, le suivi et l’accompagnement pour la réussite du traitement, chez les enfants de 0 à 14 ans. Ce projet ambitionne de développer un modèle de référence et de contre-référence efficace pour la recherche active des cas de tuberculose pédiatrique, en assurant aussi la prise en charge des coûts liés au diagnostic et au traitement. Il intègre également un volet numérique, à travers l’outil OneImpact, pour documenter et lever les barrières d’accès dans le parcours de soins. TB_PEC@2.0 est mis en œuvre par l’organisation For Impacts in Social Health (FIS). Le directeur exécutif, Bertrand Kampoer, nous explique le déploiement du projet et ses enjeux stratégiques.
Dans quel contexte a été développé le projet TB_PEC@2.0 ?
Bertrand Kampoer : Au Cameroun, malgré une diminution du taux d’incidence de la tuberculose, ce dernier reste en-deçà des jalons de la stratégie de l’OMS pour mettre fin à la tuberculose d’ici 2030. Cette ambition est également portée par le Programme national de lutte contre la tuberculose du Cameroun. Le principal problème dans le pays reste la sous-notification : près de 50 % des personnes malades ne sont pas notifiées. La situation est encore plus préoccupante chez les enfants de 0 à 14 ans pour qui le diagnostic de la tuberculose est plus complexe. Dans le pays, la proportion de tuberculose pédiatrique stagne autour de 5-6 %, au cours des cinq dernières années, alors que la norme recommandée par l’OMS, pour ce taux, est de 10 à 12 % de l’ensemble des cas notifiés. Ce fossé traduit un dépistage insuffisant chez les enfants que plusieurs autres initiatives internationales et nationales n’ont pas permis de pallier. Dans ce contexte, le projet TB_PEC@2.0 cherche à faire bouger les lignes et renforcer la réponse nationale face à la tuberculose pédiatrique.
Où le projet est-il mis en œuvre ?
Bertrand Kampoer : La réponse à la tuberculose au Cameroun est organisée autour de 12 régions sanitaires, dont quatre agglomèrent plus de la moitié des personnes touchées par la tuberculose. Si nous arrivons à contrôler la maladie dans ces zones, nous pourrons atteindre l’objectif d’élimination de la tuberculose d’ici 2030. Le projet se déploie dans l’une de ces quatre régions : le district sanitaire de Yaoundé, capitale politique du Cameroun.
Ce choix est motivé par plusieurs facteurs structurels et contextuels. Depuis 2016, le Cameroun fait face à une crise socio-militaire dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui entraîne un afflux massif de personnes déplacées internes vers la capitale. Ces populations vivent dans une grande vulnérabilité et cumulent de nombreux facteurs de risque de la tuberculose : entassement dans les logements, insalubrité, mauvaises conditions d’hygiène, insécurité alimentaire, précarité sanitaire, etc.
En ciblant cette région sanitaire urbaine à forte vulnérabilité, le projet ambitionne de renforcer la détection précoce et la prise en charge de la tuberculose pédiatrique, dans un contexte à haut risque, tout en contribuant activement aux efforts nationaux de lutte contre la tuberculose.


En quoi consiste TB.PEC@2.0 ?
Bertrand Kampoer : Le projet cherche à réduire la mortalité et morbidité liée à la tuberculose pédiatrique en améliorant l’accès au diagnostic, à la notification, à la prise en charge et au suivi des enfants de 0 à 14 ans. Notre ambition est de lever les barrières qui freinent la prise en charge rapide et efficace de la maladie. Pour ce faire, nous déployons le projet à deux niveaux.
D’abord, au niveau de la communauté. Les agents de santé communautaires travaillent à renforcer la recherche active de la tuberculose, via des enquêtes d’entourage, à diagnostiquer les enfants et à leur permettre un accès à un traitement préventif à la tuberculose (TPT), grâce à un système de référencement vers les centres de diagnostic et de prise en charge de la maladie. Un mécanisme de suivi des patients est mis en place pour assurer la continuité des soins et éviter de les perdre de vue.
Puis, au niveau hospitalier, les agents communautaires de recherche active de la tuberculose (ACRA) superviseurs effectuent une recherche active de la maladie aux portes d’entrée des centres sanitaires pour améliorer la détection et le diagnostic de la tuberculose pédiatrique. À cette fin, nous mettons l’accent sur la formation des professionnels de santé. L’enjeu étant de favoriser le diagnostic clinique de la tuberculose, souvent complexe chez l’enfant en raison de la non-spécificité des symptômes

Pouvez-vous nous expliquer le pan numérique de ce projet ?
Bertrand Kampoer : La composante numérique, symbolisée par l’arobase dans le nom du projet, est très importante et se matérialise par l’application OneImpact. Cette plateforme numérique permet aux patients d’identifier et de signaler, en temps réel, les obstacles rencontrés lors de leur parcours de soins. Il peut s’agir de mauvais traitements ou de stigmatisation, liée à leur statut de déplacé ou à la maladie, dont ils sont victimes dans les centres de santé. Ces centres de diagnostic et de prise en charge de la tuberculose leur sont d’ailleurs souvent difficiles d’accès, à cause de l’éloignement, du manque de transports pour y accéder et des coûts. Ces difficultés peuvent aussi être recensées via l’application.
Cet outil permet dans le même temps un meilleur engagement communautaire, la surveillance de la maladie et le suivi des patients pour une réponse plus réactive, inclusive et équitable à la tuberculose pédiatrique.
Pour répondre aux défis rencontrés et partagés par les patients, nous cherchons aussi à faire du plaidoyer pour une meilleure prise en charge de la tuberculose pédiatrique dans les centres de diagnostic et de prise en charge de la tuberculose. Nous apportons également un soutien social aux familles, incluant un appui alimentaire et une prise en charge des frais de santé.

Quels sont les premiers résultats ?
Betrand Kampoer : Entre mai 2023 (mois du début du projet) et avril 2025, nous avons atteint 624 enfants malades de la tuberculose toutes formes confondues (TFC) et mis 3 164 enfants sous TPT. La cible initiale était de 515 enfants tuberculose TFC et 857 enfants sous TPT. Les taux de réalisation respectifs sont de 121,2 %, pour le diagnostic des cas de tuberculose, et de 369,2 % pour la mise sous TPT. Ceci a contribué à influencer les résultats nationaux : fin 2024, TB_PEC@2.0 a ainsi contribué à 16,83 % des notifications de cas au niveau national, et à 61,4 % au niveau régional, dans la zone de mise en oeuvre.
Nous sommes désormais dans la phase de préparation de l’extension géographique du projet, dans trois régions sanitaires supplémentaires, après la fin initiale du projet programmée en avril 2026. À terme, l’ambition serait de faire de TB_PEC@2.0 un modèle de référence et de contre-référence, en matière de recherche active de la tuberculose pédiatrique, afin de contribuer de manière significative aux objectifs nationaux et mondiaux pour mettre fin à la tuberculose d’ici 2030.