Les résistances de la tuberculose aux traitements compliquent la lutte contre la maladie. Face à cela, L’Initiative mise sur les ressources humaines en santé et le renforcement des capacités. Explications à l’occasion de la journée mondiale de la lutte contre la tuberculose.
La tuberculose reste l’une des maladies les plus meurtrières au monde : elle a tué plus de 1,3 million de personnes en 2022, principalement en raison d’un accès inéquitable aux diagnostics et aux soins. Environ 10,6 millions de personnes contractent la tuberculose chaque année, et près de la moitié n’est pas diagnostiquée et n’a donc pas accès à des médicaments. Pourtant, des traitements efficaces existent et permettent de guérir la plupart des infections en l’espace de 4 à 6 mois.
de décès liés à la tuberculose en 2022.
Et autant de personnes privées des médicaments nécessaires.
L’absence de diagnostic n’est pas la seule difficulté qui risque de mettre à mal l’objectif mondial d’éradication de la pandémie d’ici 2030. La résistance aux antibiotiques constitue aussi un obstacle majeur vers un monde sans tuberculose.
Formes de résistances de la tuberculose
La résistance apparaît quand les médicaments antituberculeux ne sont pas correctement prescrits (recours à un seul médicament plutôt qu’à une combinaison d’antibiotiques, ou à des médicaments de mauvaise qualité ou mal conservés) ou lorsque les malades interrompent prématurément leur traitement.
On parle de tuberculose multirésistante quand les patients ne réagissent pas à l’isoniazide ou à la rifampicine, les deux médicaments antituberculeux de première intention les plus efficaces. Dans certains cas, une résistance plus large peut se développer. On parle alors de tuberculose ultrarésistante (TB-MDR : résistances croisées à l’isoniazide et à la rifampicine) ou « extrêmement résistante » (TB-XDR : résistance à l’isoniazide, à la rifampicine, et à d’autres médicaments de deuxième ligne). Pour contourner le développement de ces résistances, il faut avoir accès à des médicaments plus chers (et donc moins disponibles) et aux effets secondaires bien souvent plus toxiques. Dans les formes les plus graves, la résistance aux médicaments antituberculeux laisse souvent les patients sans aucune option thérapeutique, les condamnant.
Seules deux personnes sur cinq ont eu accès au traitement
en 2022, parmi les personnes atteintes de tuberculose pharmacorésistante. Tout comme la tuberculose sensible aux traitements, la tuberculose multirésistante est susceptible de se transmettre, notamment dans les lieux rassemblant un très grand nombre de personnes, comme les prisons ou les hôpitaux : elle représente une menace pour la sécurité sanitaire.
Tuberculose : les voix de la recherche
Gisèle Badoum Ouedraogo, experte de la dynamique épidémiologique et médecin pneumologue au Burkina Faso revient sur le le développement des résistances aux antibiotiques ainsi que sur les innovations portées par la recherche opérationnelle pour y remédier.
Renforcer les compétences humaines et techniques des infrastructures de santé
Afin de détecter les résistances et choisir les options thérapeutiques les plus adaptées, il est crucial de disposer de laboratoires de référence performants et de personnels bien formés. Le rôle de surveillance de ces laboratoires nationaux de référence (LNR) est un élément fondamental de la lutte contre la tuberculose. Ils doivent être en mesure de recevoir des échantillons hautement infectieux, en préservant la santé du personnel et l’environnement, et d’identifier les résistances circulant dans le pays. Ces enjeux de moyens et de compétences des ressources humaines en santé sont une des priorités stratégiques de L’Initiative.
Sous la supervision du personnel de santé dont l’infirmière en cheffe de l’hôpital de Biyem-Assi, des enfants réalisent un dépistage de la tuberculose par prélèvement de crachat (Yaoundé – Cameroun)
Ainsi, au Togo, une assistance technique a ainsi été menée en 2023 auprès du laboratoire national de référence (LNR) sur la tuberculose dans le cadre de la subvention du Fonds mondial au Programme national de lutte contre la tuberculose. L’objectif était de renforcer les capacités techniques et les compétences du personnel du laboratoire pour améliorer le diagnostic et le traitement de la tuberculose dans le pays. L’appui technique a permis de reconnaître la qualité du travail analytique du LNR et de soutenir la démarche de son personnel vers une accréditation normative.
Vers des traitements plus accessibles et efficaces
La bonne observance aux traitements est une des conditions pour prévenir l’apparition de mutations et résistances. Or, la lourdeur des traitements peut amener les patients à interrompre les soins. Nausées et vomissements, dommages aux nerfs périphériques sources d’engourdissements ou de douleurs, problèmes gastro-intestinaux, ou encore réactions eczématiques : les effets secondaires du traitement contre la tuberculose sont lourds et de nature à affecter la qualité de vie des patients. À cela s’ajoute la durée dissuasive des traitements de la tuberculose résistante (environ un an) qui amène certains malades à interrompre prématurément leur suivi, compromettant leur rétablissement et alimentant les résistances. Exposées à de faibles doses de médicaments, les bactéries n’y succombent pas mais s’y adaptent.
Pour améliorer l’observance des traitements, ces dernières années, des progrès significatifs ont été réalisés, notamment avec le développement de protocoles de traitement plus courts et moins agressifs qui devraient favoriser une meilleure observance et donc prévenir les résistances.
Le personnel de l’hôpital s’apprête à tester les résistances éventuels des prélèvements effectués
Autre avancée notable, la levée du brevet sur la bédaquiline, résultat d’un plaidoyer soutenu par des organisations comme Médecins sans Frontières, ouvre la voie à une diffusion à moindre coût de cette molécule vitale. La bédaquiline, intégrée dans tous les schémas thérapeutiques recommandés par l’Organisation mondiale de la santé, promet de révolutionner la prise en charge des formes résistantes de la tuberculose, offrant une nouvelle option thérapeutique moins lourde et moins chère aux soignants et aux patients.