« Tubiteho » : œuvrer à la réduction des risques pour les personnes usagères de drogue avec une approche droits humains

Reportage 29 septembre 2025

En décembre dernier, nous rendions visite aux équipes du projet. C’est au cœur du quartier de Nyamirambo à Kigali, que nous nous rendons. Sulemani, chargé de programme chez HDI, nous accueille dans la salle principale où se tient une session d’informations et de dépistage du VIH. Plusieurs dizaines de personnes sont réunies ce matin-là, et à l’année ce sont plus de 450 personnes usagères de drogues qui viennent trouver un accompagnement, tant sur le plan psychologique qu’en matière d’accès aux soins. Une participante confie : « Ce projet m’a permis de me faire dépister sans être jugée. C’est la première fois que je me sens reconnue ».

Tubiteho promeut une approche de santé publique centrée sur les droits humains. Pour les équipes, l’essentiel est de créer un environnement favorable à la réduction des risques, pour améliorer la qualité de vie des personnes usagères de drogues. Conçu pour compléter les efforts du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le projet œuvre au renforcement de capacités des professionnels de santé, à la promotion des droits humains et de la santé mentale et propose une offre de soin adaptée aux usagers (dépistages et prévention du VIH, des infections sexuellement transmissibles et sensibilisation aux violences basées sur le genre notamment). Pour étendre la portée de son action et consolider cet accompagnement, Tubiteho peut aussi s’appuyer sur un réseau de plus de 60 pairs éducateurs spécialement formés à ces enjeux.

Découvrez les actions mises en œuvre par les équipes de Tubiteho:

Les femmes et les filles sont sujettes à des pressions et des formes de marginalisation issues des inégalités qu’elles subissent vis-à-vis des hommes, qui plus est quand ce sont des usagères de drogue. C’est ce que nous explique Elvis Benimana, conseiller en santé communautaire pour l’ONG HDI: « On apporte une attention particulière aux femmes usagères de drogue car elles sont victimes d’une double-vulnérabilité comparé aux hommes ». Elles vont par exemple être plus susceptibles de s’injecter des drogues sous la pression d’un partenaire, de partager des seringues ou d’avoir recours au travail du sexe pour financer leur consommation. Autant de comportements qui favorisent les risques d’infections au VIH et à l’hépatite C. De plus, la consommation de drogue accroît les violences basées sur le genre. C’est pourquoi, au-delà des méthodes courantes de réduction des risques, les équipes de Tubiteho mettent en place un accompagnement spécifique pour les femmes en les informant notamment sur leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive. Ce soutien renforcé est aussi offert aux personnes LGBTQI+, également davantage marginalisées.

Pour optimiser cet accompagnement spécifique, Tubiteho noue des partenariats avec des centres de santé habitués à accueillir des personnes issues des populations clés que sont les travailleuses du sexe ou encore les hommes homosexuels ou femmes trans. Le projet forme en parallèle des professionnels de santé, notamment des femmes, à appréhender les problématiques de violences conjugales. Autant d’initiatives qui nourrissent la confiance que peuvent avoir les usagères de drogue dans les activités proposées. Les équipes espèrent à terme atteindre 30% de participation féminine dans tous les volets de leur offre de services de réduction des risques.

Tubiteho - Famille UDI - Kigali 2024
Tubiteho - Dépistage UDI - Kigali 2024
Un couple participe à la session de sensibilisation et de dépistage organisée par Tubiteho à Kigali en décembre 2024

En matière de réduction des risques, Tubiteho se heurte encore à une législation répressive qui empêche par exemple de fournir du matériel d’injection alors même que le partage de seringues est l’un des premiers facteurs de transmission des virus, notamment le VIH et celui de l’hépatite C. En la matière, les études récentes indiquent qu’à Kigali, 91 % des usagers de drogue avaient déjà partagé une seringue et 33 % d’entre eux en avaient réutilisées au cours des 6 derniers mois. Des proportions alarmantes qui sont favorisées par les arrestations et le harcèlement que subissent les personnes usagères de drogue. Ces pratiques nourrissent leur méfiance et leur isolement et constituent autant de freins à la bonne prise en charge de leur santé.

Pour tenter de pallier ces obstacles, Tubiteho nourrit un plaidoyer qui s’appuie sur une logique multi-partenariale pour favoriser l’approche de réduction des risques au niveau national. Les équipes œuvrent à sensibiliser les forces de l’ordre, les médias et les décideurs locaux aux défis majeurs auxquels font face les usagers de drogues et à la nécessité d’adopter une réponse basée sur la santé publique plutôt qu’une réponse punitive. Une approche singulière qui porte ses fruits et dont témoigne Jean Rwikangura directeur de l’unité de développement santé et social de Kigali : « Avant, beaucoup de structures traitaient les personnes usagères de drogue comme des criminels. A présent, on réfléchit à comment leur apporter un accompagnement adéquat ». A ce jour ce sont 73 agents de sécurité, 13 journalistes et 22 leaders locaux, hommes et femmes, qui ont bénéficié de cette sensibilisation.

Les équipes de Tubiteho espèrent que l’efficacité de cette méthode trouvera écho dans le traitement par les autorités policières et judiciaires des personnes usagères de drogue: « Notre objectif, finalement, c’est de parvenir à inciter des changements en termes législatifs et de politiques publiques pour améliorer le quotidien des personnes usagères de drogue » explique le Dr. Kagaba, directeur exécutif de HDI à notre micro.

Au dernier trimestre 2025, les services de réduction des risques au Rwanda vont être renforcés avec l’extension de la Thérapie par Agoniste Opioïde (TAO), tels que la méthadone, dans deux structures de santé mentale à Kigali et une à Huye. Cette extension est pilotée par le Rwanda Biomedical Center (RBC), avec l’assistance technique de Médecins du Monde sur financement de L’Initiative, à partir du programme de méthadone déjà expérimenté au Centre Psychothérapeutique Icyizere.

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