La Thaïlande est le premier pays d’Asie à avoir été sévèrement affecté par l’épidémie de VIH. Hommes gays, femmes transgenres, consommateurs de drogues injectables, travailleuses du sexe… L’épidémie touche particulièrement les populations clés.
En 2019, face à la prolifération de l’épidémie en Thaïlande, l’Université de Chiang Mai a lancé le projet NAPNEUNG-2 (dont la phase 1 a débuté en 2015), un programme financé par L’Initiative, pour la prévention de la transmission du VIH et de son dépistage, incluant la distribution de la PrEP – un médicament prévenant l’infection par le virus. Dans un contexte dégradé par la pandémie de Covid-19, le projet a su s’adapter pour assurer sa continuité et maintenir son soutien aux populations clés tout en minimisant le risque de transmission du coronavirus.
Gonzague Jourdain
Docteur épidémiologiste clinicien et chercheur à l’Université de Chiang Mai en Thaïlande.
Pouvez-vous nous présenter le projet NAPNEUNG-2 et ses principaux objectifs en matière de lutte contre le VIH ?
Ce projet cherche à faciliter l’accès au dépistage du VIH tout en proposant simultanément des tests pour l’hépatite B, la syphilis et l’hépatite C. Nous avions en effet identifié un problème majeur : de nombreuses personnes en Thaïlande rencontrent des difficultés à se faire tester. Le manque d’information, la discrimination, le fait que les tests passent pour une priorité secondaire sont autant de facteurs qui entravent l’accès au dépistage.
Quelles sont les innovations clés introduites dans ce projet par rapport à la première phase du projet Napneung ?
D’abord, l’utilisation de tests qui permettent de dépister plusieurs infections à la fois. Ensuite, le recours massif aux méthodes informatiques pour mieux organiser le processus de dépistage. Enfin, l’élaboration de stratégies pour encourager les gens à se faire tester. Car proposer des tests ne suffit pas, il faut également créer la demande. Nous avons donc adopté des stratégies simples mais efficaces, comme la distribution de flyers dans la rue pour offrir des tests gratuits. De plus, nous prévoyons de lancer, avant la fin du programme, des distributeurs automatiques de tests. Nous avons, en effet, constaté que la réception des tests à domiciles inquiète certaines personnes qui craignent d’être identifiées via leur adresse de livraison.
Comment la pandémie de Covid-19 a-t-elle affecté le projet Napneung-2 ?
La pandémie a représenté un défi majeur, mais a aussi été une source d’apprentissage précieuse. Nous nous sommes inspirés des stratégies déployées contre la pandémie pour renforcer l’efficacité du projet. Par exemple, depuis septembre 2023, nous distribuons des tests VIH par voie postale, ce qui permet aux gens de se tester et de transmettre leurs résultats via une application en ligne. Les données récupérées sont cruciales pour suivre l’évolution de l’épidémie. Enfin, la Covid-19 a encouragé certaines entreprises à développer des tests combinés pour le VIH et la Covid-19.
Quels enseignements pourront être tirés de ce projet ?
Nous avons partagé ce que l’on a appris via des publications. Nous avons également réalisé une étude pour souligner l’intérêt du testing par ordinateur, que nous avons complété par une analyse économique : un guide sortira le 1er décembre pour montrer comment les activités de testing peuvent être autofinancées.
Quelles sont les prochaines étapes du projet NAPNEUNG-2 ?
Les recherches cliniques vont probablement se poursuivre car nous allons bientôt commencer un essai de la PrEP avec un nouveau traitement, plus simple d’utilisation. Cette simplification devrait permettre de maximiser le recours à la PrEP dans toute l’Asie du Sud-Est. L’hépatite B est également une préoccupation majeure : les gens continuent d’en mourir, faute de dépistage. Je travaille actuellement avec des médecins du Nord de la Thaïlande pour étendre les programmes de testing à bas prix et massifier le dépistage.
En tant qu’épidémiologiste clinique travaillant sur ce projet, quel message clé souhaitez-vous transmettre à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le VIH ?
Si vous pensez que vous avez été exposé au VIH, testez-vous ! C’est tellement simple et ça peut changer la vie. C’est une mauvaise plaisanterie mais je dis souvent que se faire diagnostiquer du VIH, c’est une bonne nouvelle. Être diagnostiqué, c’est l’opportunité de pouvoir être traité et vivre une vie quasi normale, alors que si la personne ne se fait pas diagnostiquer, elle ira très mal !